Forum consacré à tous les aspects de l'armée française entre 1919 et 1940.
 
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 Offensive contre défensive

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françois vauvillier
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 16:09

Bonjour Jardin David,

Sur les deux questions que vous posez :
JARDIN DAVID a écrit:
pourquoi invoquer PETAIN, fort peu décisionnaire avant le 17 juin ?
Il me semble que, depuis le début, c'est le choix de M. Boisbouvier, initiateur de ce fil.

JARDIN DAVID a écrit:
jusqu'où est-il admis de remonter ? Faut-il revenir aux conceptions de FOCH et aux années 20 ? A l'attitude de PETAIN (s'il faut vraiment positionner le Maréchal ici ...) en novembre 1918 lors de l'arrêt de l'offensive alliée ?

Comme c'est moi qui ai pris la responsabilité d'inviter Foch au débat, je vous dois une réponse. Je l'ai fait, au risque du hors-sujet, uniquement afin de mettre en perspective la personnalité, controversée dès la Grande Guerre vis-à-vis de la question " Offensive contre défensive ", de Pétain. J'avais trouvé en effet cocasse de voir ce dernier cité par M. Boisbouvier comme modèle de l'offensive.

Mais mon sentiment profond est celui du début : nous pataugeons dans la "matière molle".

Comme c'est celle qui attire le plus les intervenants (voyez, je m'y suis moi-même collé), c'est excellent pour l'audimat dATF40.

Mais sur le fond, cela ne sert pas à grand-chose de plus car chacun de nous restera sur ses positions. Tout au plus aurons-nous trouvé dans les échanges d'arguments (ou échanges de "vérités") des éléments supplémentaires de réflexion. Fort utiles pour la prochaine occasion où, tout comme M. Boisbouvier, un honorable internaute viendra poser la question du faux-Candide, nous faisant plonger à nouveau dans la mare.

Bien cordialement

François
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 17:21

boisbouvier a écrit:
Il me semble -mais je ne suis pas un militaire d'active- que le choix
d'attaquer plutôt que de défendre fait partie de la pensée stratégique.

Les grades attribués (adjudant-chef, etc) sur le forum ne correspondent à rien dans la vie réelle et se contentent de comptabiliser le nombre de messages déjà publiés par la personne. C'est un instrument bien imparfait: certains ont écrit une demi-douzaine de messages qui sont meilleurs que les centaines écrits par d'autres, évidemment.

Le choix d'attaquer ou de défendre dépend de l'appréciation de la situation et de la pensée stratégique. Les Allemands avaient une pensée stratégique très offensive, mais la Wehrmacht n'en a pas moins passé les deux dernières années de la guerre à se transformer en instrument spécialisé dans la défensive. Evidemment, lorsque les Allemands cherchent à attaquer de nouveau ils se rendent compte, outre qu'attaquer fait plus de mal que de bien lorsque la situation ne s'y prête pas (l'attaque vers Mortain a rendu un grand service aux alliés) que l'outil, qui s'était spécialisé par la force des choses dans la défensive, n'était plus adapté.

En Septembre 1939, les alliés ont davantage de divisions sur le papier, mais la réalité sur le terrain est toute autre: sur le Rhin, les Allemands ont à peu près autant d'unités et davantage d'avions que les Français (mais moins de chars), les Britanniques n'ont aucune division au front avant le tout début octobre, et une semaine après le début des hostilités, quand l'armée française n'est pas encore complètement mobilisée et organisée, ce qui apparaît clairement à la lecture des compte-rendus d'opérations dans la Sarre, l'armée polonaise n'existe pratiquement plus.

En Mai 1940, les alliés sont un peu supérieurs sur le plan des effectifs et du nombre de chars, ils sont inférieurs dans les airs, ils sont moins entraînés et ils ne s'estiment pas - à juste titre - équipés pour mener une bataille offensive. Leur stratégie est donc la même que celle de 1918, et leur stratégie de guerre est exactement celle du Pétain de 1917: attendre le matériel et les renforts. Le matériel (chars, avions, canons etc) commence enfin à sortir mais la production de guerre n'atteindra son rythme de croisière qu'en 1941, le Commonwealth ne sera pas mobilisé avant environ un an au moins, et on espère sans trop y croire un engagement américain plus important. La situation est donc très comparable à celle de 1918, en moins favorable puisque l'Italie est désormais hostile et que l'Allemagne est nettement moins étranglée par le blocus.

En 1918, les Allemands attaquent et perdent, les alliés contre-attaquent et gagnent. En 1940, les Allemands attaquent et gagnent, les alliés ne peuvent contre-attaquer. Quelles sont les différences ?
1/ A la veille de la première offensive allemande, Pétain avait une bonne quarantaine de divisions en réserve. C'est cette réserve générale alliée (les Britanniques avaient beaucoup moins de réserves, mais ils venaient de reprendre une partie du front tenu auparavant par les Français) qui arrête les offensives allemandes. En 1940, Gamelin dispose théoriquement de 22 divisions en réserve, soit deux fois moins, mais en pratique la moitié de ces unités sont déjà allouées et le haut-commandement les attribue dès les premiers jours du combat, avant que l'axe principal d'effort allemand ne soit clairement identifié. Le problème n'était donc pas que la stratégie française était plus défensive en 1940 qu'en 1918, mais simplement que Pétain était un meilleur général que Gamelin.
2/ En 1918, l'attaquant n'est pas motorisé, et le défenseur parvient à ramener des réserves - par voie ferrée - vers le secteur attaqué plus vite que l'attaquant ne parvient à y pousser ses troupes. Il n'y a jamais de percée du front, sauf à la rigueur en 1914. C'était un problème auquel les alliés avaient été confrontés dans leurs offensives de 1915 à 1917, que les Allemands ne parviendront pas mieux à résoudre en 1918, et que les alliés contourneront lors de leur contre-offensive finale grâce à une stratégie de coups de boutoirs alternés afin d'user partout l'armée ennemie. En 1940, l'outil existe, potentiellement, pour qu'une offensive victorieuse soit exploitée. Les Allemands prennent ce risque, les Français - qui ont pourtant les moyens de mener une guerre motorisée - ne le prennent pas suffisamment en compte, et les alliés perdent.
3/ En 1918, en partie à cause de la situation technique (cf. point ci-dessus), Ludendorff n'a pas de vraie stratégie. Il attaque un peu au hasard, là où les conditions locales semblent favorables, avec pour seul but à long terme d'affaiblir les réserves britanniques dans les Flandres où il veut lancer sa percée finale. Donc aucune des attaques allemandes ne fait partie d'un plan d'ensemble visant la fin de la campagne, sauf à la rigueur la dernière (et encore !), quand il est trop tard. En 1940, l'offensive elle-même est pensée dès le départ dans le cadre d'un plan stratégique visant à terminer la campagne.

boisbouvier a écrit:
En imposant le plan de Von Manstein à l'Etat-major allemand, Hitler faisait le choix stratégique d'attaquer l'armée de la coalition alors que celle-ci vivait depuis huit mois l'arme au pied dans une posture évidemment défensive.

L'Allemagne était sous blocus, et malgré les accords commerciaux avec les Soviétiques, le Reich ne pouvait espérer soutenir une guerre longue. Les alliés s'armaient plus vite, et seraient plus forts en 1941-42 quand l'Allemagne ne se serait pas autant renforcé (et aurait brûlé une partie de ses précieuses réserves de pétrole et de nourriture). Donc il était clair dès le départ que le seul espoir allemand résidait dans une attaque rapide avant qu'il ne soit trop tard. Comme en 1918.

Hitler n'impose pas à son Etat-major d'attaquer puisque ce dernier n'a jamais formulé que des plans offensifs. Ce que pense imposer Hitler, c'est le "plan Manstein", auquel l'Etat-major était arrivé de son côté pendant ce temps-là. Il s'agit donc uniquement du lieu de l'attaque principale, et pas de la posture, offensive ou défensive.

boisbouvier a écrit:
Cette posture avait en plus de ses inconvénients stratégiques un effet désastreux sur le moral des troupes.

La posture défensive alliée avait énormément d'avantages au plan stratégique. Tactiquement, la défense est supérieure à l'attaque et bénéficie notamment du choix du terrain et de la possibilité d'aménager ce terrain. Le moral des troupes n'avait rien à voir avec une posture offensive ou défensive: l'armée allemande qui a défendu la Normandie a réagi avec beaucoup de mordant. Le moral dépend de la doctrine, de l'encadrement, et de l'effort mis à le soutenir. Pas de la posture stratégique. Le moral français était très bon à Verdun, sur la Somme en 1940, ou dans les Alpes. Pétain a rétabli le moral d'une armée ébranlée par des offensives mal préparées en prônant ouvertement une stratégie défensive à partir de 1917.

Dire que défendre est mauvais pour le moral des troupes est une absurdité - rien que pour la suite de la guerre, comment expliquer Leningrad, Moscou, Stalingrad, Koursk par exemple, ou le fait que le moral de l'armée allemande n'a commencé à craquer que vers mars 1945, après deux ans sur la défensive ?

boisbouvier a écrit:
Le plan Manstein eut pour effet que les bombardiers bombardèrent, que les avions volèrent, que les canons tirèrent, que les troupes sortirent de leurs cantonnements.

Les bombardiers français ont bombardé (pas très efficacement je vous l'accorde), les avions alliés ont volé jusqu'à ce qu'ils se fassent abattre ou qu'ils soient forcés de se sauver en Grande-Bretagne ou en AFN, et les troupes alliées sont sorties de leurs cantonnements aussi.

boisbouvier a écrit:
Mais le plus important c'est que l'offensive donne à l'attaquant l'avantage crucial d'imposer l'heure et le lieu du combat. Ça lui permet d'anticiper la bataille et de s'y préparer alors que son adversaire se bat dans l'improvisation et la précipitation. L'attaquant prend son adversaire à contrepied. J'avais montré que l'attaque des ponts de la Meuse par les avions de la coalition avait été anticipée par les allemands qui y avaient posté une flak très puissante et je suppose que la contre-attaque de Gamelin subit pour la même raison un sort contraire.

La surprise peut jouer dans les deux sens: il n'y a qu'un nombre limité d'axes d'attaque possibles, et les alliés auraient pu faire beaucoup mieux dans les Ardennes. Que l'on compare la performance alliée en 1940 à celle des Américains - tout aussi surpris - en 1944-45 pour s'en convaincre. L'attaque des ponts de la Meuse avait été anticipée, pour des raisons évidentes, par les Allemands mais l'absence de bombardement de leurs colonnes qui traversaient les Ardennes tient uniquement à l'impéritie du commandement allié, pas à sa posture stratégique.
Le choix d'une posture défensive, une fois de plus, n'implique pas automatiquement que le défenseur soit mal préparé. Il y a toujours une part d'improvisation dans une bataille, de part et d'autre, mais le nombre de succès défensifs montre bien que le choix n'est pas si simple. J'ai personnellement un peu de mal à me convaincre que je suis plus intelligent à moi tout seul que les milliers de personnes qui se sont penchées sur la question à temps plein sans parvenir à y apporter une réponse claire, mais si pour vous la supériorité d'une posture offensive ne fait pas de doute, pourquoi ne pas le démontrer au lieu de répéter des généralités ?

Un des facteurs que vous aimez citer est l'existence d'une aviation de bombardement. En 1941, les Soviétiques avaient énormément de bombardiers, ils les ont pratiquement tous perdus sous les coups de la chasse allemande. A Koursk, la Luftwaffe dispose de la supériorité aérienne sur la face sud du saillant pendant les premiers jours de la bataille, mais l'armée ne parvient tout de même pas à percer. Les alliés piétinent régulièrement en Italie malgré une supériorité absolue en nombre de bombardiers sur ce théâtre. Bref: je crains qu'il ne vous faille vous résoudre, soit à admettre que les choses sont plus compliquées que l'équation "posture offensive + bombardiers = succès assuré", soit à expliquer l'échec des succès défensifs que j'ai cités (et j'en ai plein d'autres en réserve).
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 19:59

Tout cela est bel et bon mais ne contredit pas que Churchill, Gamelin, Weygand, Georges, Héring, et d'autres aussi sans doute, ont reconnu que la supériorité aérienne de l'Allemagne fut la cause principale de la défaite de la coalition en 1940.
Or, c'est un fait aussi que le seul haut gradé des années trente à avoir réclamé des bombardiers fut Pétain.
Faut-il celer ce fait au motif que le régime de Vichy et son chef sont l'objet d'âpres controverses ?
Je ne puis citer la déposition du général Vauthier et je vous demande de me croire sur parole : Pétain a prédit plusieurs fois que l'aviation de bombardement, ("arme offensive par excellence", dit-il), ferait la décision lors des prochains conflits.
Et comme l'offensive fut bien le fait d'Hitler et non le nôtre...
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 20:26

"Pétain a prédit plusieurs fois que l'aviation de bombardement, .."
Attention avec ce genre de déduction. Les prophètes sont quelquefois inattendus, parfois déroutant, et toujours en avance sur leur temps. Que pensez de DE GAULLE et de son armée de métier (bien plus que de l'armée mécanisée) ?
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 20:30

Boisbouvier, que voulez vous prouver à la fin :

Que Pétain a réclamé des bombardiers ? Ce n'est pas difficile, produisez une citation référencée de Pétain lui-même.

Que les bombardiers ont été la cause principale de la défaite ? Plus difficile, il vous faut réfuter sérieusement tous les arguments qui ont été avancés avec exemples à l'appui.

D'une manière générale, il est hors de question de croire quiconque sur parole, dès lors qu'une controverse apparaît.

Plus particulièrement, répondre comme vous venez de le faire "tout cela est bel et bon mais...", dénote un mépris certain pour les contributeurs qui ont passé un temps certain à élaborer une réponse argumentée. Vous êtes donc instamment prié de produire les citations référencées de Churchill, Gamelin, Weygand, Georges et Héring à l'appui de votre affirmation.

Je ferais remarquer tout de même que si des historiens travaillent, c'est pour aller un tout petit peu plus loin que les affirmations des contemporains. Les citations demandées viendront donc illustrer votre affirmation, c'est bien le minimum auquel vous soyez tenu, mais ne seront en aucun cas la preuve de la justesse de votre thèse.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 20:39

Je ne vois pas comment cette discussion pourrait mener à quelque chose.

D'un côté, de nombreux intervenants prennent la peine d'expliquer nombre de choses, de manière factuelle, avec des exemples étayés et structurés. Le développement de Louis Capdeboscq, passionnant, en est le plus récent exemple.

De l'autre, nous avons un homme de Foi, qui croit en un Prédicateur et que, de surcroît mais il est dans sa logique propre, il faut " croire sur parole ". Confondant.

Nous ne sommes décidément pas dans le même référentiel.

Bon courage à ceux qui voudront avoir le dernier mot.

François


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boisbouvier
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyDim 13 Mai 2012 - 23:39

Citation :
De l'autre, nous avons un homme de Foi, qui croit en un Prédicateur et
que, de surcroît mais il est dans sa logique propre, il faut " croire sur parole ". Confondant.

Je n'ai pas fourni mes sources sur les sujets en débat pour éviter de paraitre pédant et/ou ennuyeux mais si vous l'exigez je suis prêt à vous satisfaire.
Les occasions de s'exprimer du maréchal sur le rôle déterminant de l'aviation dans la guerre future furent nombreuses et sans équivoque.
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boisbouvier
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 7:10

Déposition de Vauthier au procès Pétain le 1° août 1945.

"En 1931, il faisait un programme de 400 avions de bombardement , chiffre qui pour l'époque était considéré comme considérable."

"En 1933, il faisait un programme de mille avions de bombardement portant chacun une tonne à mille km."


Membre du comité permanent de défense nationale institué en juin 1936, le Maréchal obtint que son chef d'état-major, Vauthier, assistât aux séances. Il "est intervenu très souvent pour cette aviation offensive", dit Vauthier qui ajoute :" un de ces comités est très présent dans ma mémoire : celui du 5 décembre 1938... après Munich. Il s'agissait d'un crédit de 5 milliards pour acheter des avions américains. Le ministère de la guerre ne demandait que des avions de reconnaissance et d'observation; le ministère de l'air que des avions de chasse; Pétain que des avions de bombardement. Daladier soutint le Maréchal en ne demandant que des avions de bombardement. J'entends encore M. Daladier dire : "Si j'avais eu derrière moi une force de mille avions de bombardement pour appuyer la voix de la France, j'aurais été plus fort à Munich pour m'opposer aux exigences d'Hitler et peut-être n'aurait-on pas été obligé de signer..." dit Vauthier.

Le Maréchal a agi sur le public. En 1932-33 il a visité 45 départements.
Il faisait faire des conférences par ses comités d'état-major.
En 1934 il faisait traduire un livre anglais du général Ashmore intitulé " Défense antiaérienne". Il faisait une préface et parlant de l'avaition offensive il disait :
"Portant dès le début du conflit l'action de forces où elle le désire, faisant sentir sa menace partout et son action efficace sur les points les plus importants, ne pouvant être arrêtée à coup sûr dans ses desseins, servie par des équipages peu nombreux au moral exalté et qui peuvent être sans cesse entrainés et mobilisés, l'aviation offensive porte dans ses flancs des possibilités insoupçonnées, qu'il y a péril mortel à méconnaitre".
Interférant dans tous les domaines des actions militaires l'aviation bouleverse des notions admises jusqu'ici comme évidentes. Elle oblige à remettre en cause les organisations anciennes...
"L'aviation est la plus puissante défense du pays"
(Hitler et Manstein doivent être les seuls à avoir lu cette préface !)

Dans un autre livre: Doctrines de guerre, de Douhet, Pétain écrit dans sa préface : "c'est l'arme offensive par excellence" et dit de Douhet : "un homme quii sera plus tard considéré comme un précurseur".

Le maréchal avait déduit du fait que l'aviation offensive serait décisive à la nécessité de réformer le haut commandement. Un ministère unique des trois forces armées (au lieu de trois départements) avec un chef d'état-major unique des forces armées.

L'unité de conception ! L'unité d'action ! qui firent tant défaut.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 8:28

Enfin un effort, merci.

Il vous en reste un autre à fournir :

dhouliez a écrit:
Vous êtes donc instamment prié de produire les citations référencées de Churchill, Gamelin, Weygand, Georges et Héring à l'appui de votre affirmation.

en préalable à la poursuite de la discussion.

C'est effectivement une exigence.


Dernière édition par dhouliez le Lun 14 Mai 2012 - 9:32, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 9:29

Je me sais un devoir- non, un plaisir -d'accéder à votre requête.

Concernant Héring, page 204, du CRO du procès du Maréchal (éditions Louis Pariente).

Me Isorni :
Savez-vous mon général, quel est à l'heure actuelle l'enseignement officiel de l'école de guerre en ce qui concerne les chars ?
Savez-vous qu'à l'heure actuelle l'école de guerre enseigne que ce ne sont pas les chars qui constituent l'élément de rupture d'un front, mais l'aviation ?
M. le général Hering :
Ah ! là, je suis de cet avis.

Auparavant, au cours de sa déposition, Héring avait regretté que faute de bombardiers on n'ait pu écrabouiller l'attaque des blindés allemands embouteillés dans les défilés des Ardennes. Le Maréchal avait dit que les Ardennes étaient un rempart infranchissable pour peu qu'on y fasse des aménagements (pose de mines ?) et cela lui fut ensuite reproché comme une bévue. Héring remit les pendules à l'heure

A suivre.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 9:34

(réponse décalée à une intervention précédente)

Bonjour Boisbouvier,

boisbouvier a écrit:

Je n'ai pas fourni mes sources sur les sujets en débat pour éviter de paraitre pédant et/ou ennuyeux mais si vous l'exigez je suis prêt à vous satisfaire.

Je n'exige rien. C'est à vous qu'il appartient, en tant que débatteur, de produire vos éléments. Règle de base.
Faute de l'avoir fait précédemment, vous vous êtes exposé aux plus vives critiques sur la forme même. À juste raison.

Vous avez donc bien fait d'étayer enfin vos propos. Ainsi, ils pourront fournir matière à discussion, en l'occurrence par des spécialistes de l'aviation dont je ne suis pas.

Espérons que le malentendu est dissipé et que le débat pourra désormais avoir lieu sur le fond.

Une réserve, déjà formulée par d'autres intervenants bien plus haut, sur l'intitulé du fil : son titre crée une certaine confusion.
Si le sujet était réintitulé, à partir d'un certain moment de la discussion (les Administrateurs en jugeront), " Aviation de bombardement et offensive ", ou quelque chose d'approchant, nous y gagnerions en clarté.

Sur ce, je quitte le débat. Il me paraît enfin sur ses rails et je n'aurai rien de plus à y apporter.

Bien cordialement à tous

François
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 9:55

Concernant le général Georges sa déposition du 1° août 1945, page 207 du CRO.

Cependant, cette constatation n'est pas la plus importante (il s'agit de 124 divisions alliées contre 150 allemandes).(...) l'Allemagne avait sur nous une supériorité indiscutable en divisions blindées (je ne dis pas en chars, j'insiste sur le mot "divisions blindées") et une supériorité beaucoup plus grande encore, et je dirai écrasante, en ce qui concerne l'aviation.
Or, et ce fait est capital, une nouvelle doctrine de guerre était née en Allemagne; cette doctrine reposait sur l'union intime et la coopération permanente de l'aviation, des chars, des divisions rapides, dites motorisées, Un instrument de rupture des fronts, instrument qui avait été recherché vainement jusqu'ici de part et d'autre, était créé... malheureusement du côté des Allemands. Brutalement appliqué sur des fronts étroits, trouant les dispositifs adverses come à l'emporte-pièce, bousculant les arrières des armées, semant la paique et a terreur dans les populations de l'arrière, cet instrument de combat ressuscitait la guerre de mouvement et devait lui donner un rythme et une rapidité inconnue jusque-là.

( A suivre)
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 10:31

Et le général conclut :
Dans cette dure bataille de France, la France, une fois encore, a été à l'avant-garde de la coalition. La France, une fois encore, a eu des appuis alliés insuffisants. Elle n'a pas pu durer, comme elle l'avait fait en 1914, à raison du rythme rapide de la guerre de matériel ...
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 10:51

Le général Georges dit encore :

"je me permettrai de faire allusion à une conversation que j'ai eue le 8 janvier 1944 à Marrakech avec M. Winston Churchill, qui m'honorait de sa confiance et de son amitié.

Et M. W. Churchill de conclure, je cite :
en Juin 40, après la bataille du Nord, l'Angleterre n'avait plus d'armes. Nous n'avions pas vu la question des chars et de l'aviation sur un plan suffisant. L'armistice nous a en somme rendu service. Hitler a commis une faure en l'accordant. Il aurait dû aller en Afrique du Nord, s'en emparer pour poursuvre sur l'Egypte. Nous aurions eu alors une tâche bien difficile."

Or, Churchill a dit expressément dans ses Mémoires qu'il ne démentait pas cette conversation.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 14:00

Merci Boisbouvier pour ces références qui, comme François l'a si bien dit, va alimenter les réflexions de l'ensemble des intervenants, présents et surtout futur (un forum est fait pour persister).

A titre personnel, je retire de vos citations les conclusions suivantes sur les avis de vos illustres références :
  • La Vitesse de la Campagne n'a permis de rétablir la situation par des renforts stratégiques aux points clés (Sedan, Montcornet, ... avant l'isolement du Nord)
  • Division blindée n'est pas égale à la somme des blindés la constituant, il y a dans les paroles du Général George, la notion implicite du multiplicateur de force lié à la cohésion d'une DB par opposition à des unités élémentaires blindés - ce qui est un problème Opérationnel découlant de choix Stratégique (guerre d'idée dans les Etats Majors qui commencé à se décanter [DCr, DLM en nombre croissant])
  • Le manque d'aviation était connu de l'époque, c'est une des raison des accords de Munich. Mais on ne décrète pas la livraison d'une force aérienne en un jour. Il faut du temps à l'industrie pour les produire -> attitude défensive pour gagner le temps nécessaire aux livraisons (pour une offensive en 1941)
  • Pour la question de l'aviation pour la rupture de front, celle-ci ne fait que reprend alors le role de l'artillerie pour porter le feu sur les lignes ennemies (et même à l'arrière par des actions de harcèlement - interdiction). En 1940, la doctrine doit être jetée aux orties à bien des occasions par nécessité face à la Vitesse de manoeuvre des PzD. Les commandants ne sont pas en faute pour autant, ils ont du s'adapter à une situation catastrophique. L'artillerie française fera des miracles lorsque le front sera établi (Gembloux, Somme, ...).


Pour en revenir à l'objet initiale de ce sujet, la France a choisit la Défensive en 1939/40 pour des raisons logiques :
  • L'allemagne a une armée prête, pas la France ni l'Angleterre
  • Une partie du matériel est obsolète (0 bombardier correspond à 0 bombardier moderne, pour les chasseurs, c'est à peine mieux [MS406])
  • L'industrie Francaise (et Anglaise) a un plus fort potentiel de croissance/production que celle de l’Allemagne (ressource disponibles, parc machine, ...)
  • L'économie allemande peut être gêné par blocus (par opposition de celle des alliés)
  • La mobilisation de troupes coloniales (ANZAC, Afrique) constitue un important réservoir qui nécessite du temps (transport) et du matériel (lourd) et de la formation.
  • Le front est limité et on peut espérer contenir les Allemands à un ligne de front (Belgique - Maginot - Rhin)

Sur ce forum, certains ont pensé qu'une attaque en Juin aurait pu connaitre une issue différente (sans aller jusqu’à une raclé pour les Allemands, soyons sérieux) car nombre d'unités (BDAC, 4è DCr/DLM sont prévu entre autre) et de matériel (D520, "chars modernes") sont livrés au printemps (avril/mai/juin) et n'aurons pas assez de temps pour être correctement intégreés/entraînés avant les combats. Conjugué à une meilleur distribution des troupes (plus de divisions en réserve), le front aurais sans doute pu être rétabli en conservant les zones industriel du Nord de la France [tout cela est à mettre au conditionnel].

PS : Contrairement à ce que pensait le Général George, nous avions suffisamment de char, seulement, mal employé pas forcément au bon endroit.
PPS : il est nécessaire pour traiter ce genre de sujets de chercher aussi bien les témoignages que les chiffres/faits de l'époque pour construire un raisonnement sur ce sujet.
Cela permet de ne pas prendre pour argent comptant les bêtises que certain ont pu dire. Et Dieu sait combien de bêtises ont été érigé comme Dogme au sujet de 1940.
Vous semblez disposer de bonnes bases concernant les témoignages, mais à la lecture des différents échanges, j'ai l'impression que vous vous refusez à analyser directement les faits/chiffres leur correspondant (chiffres réel, chiffres connu à l'époque, chiffres ayant servi à des argumentaires - c'est un vaste sujet au combien nécessaire).


Dernière édition par vincent lahousse le Lun 14 Mai 2012 - 14:45, édité 1 fois
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boisbouvier
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 14:27

Citation :
PS : Contrairement à ce que pensait le Général George, nous avions
suffisamment de char, seulement, mal employé pas forcément au bon
endroit.

Le reproche que vous faites au général George me semble injustifié puisqu'il dit expressément que c'est le changement de la doctrine militaire elle-même qui fut la cause de notre défaite. C'est ce que j'ai tenté d'exprimer en posant d'emblée l'alternative offensive/défensive comme essentielle à la compréhension de l'évènement.
La doctrine militaire française en était restée à la défensive, d'où la dispersion en particulier des blindés et des avions, là où la doctrine militaire allemande avait basculé en l'offensive, d'où leur concentration en un point précis provoquant la rupture des fronts.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 14:35

Citation :
Or, et ce fait est capital, une nouvelle doctrine de guerre était née en
Allemagne; cette doctrine reposait sur l'union intime et la coopération
permanente de l'aviation, des chars, des divisions rapides, dites
motorisées, Un instrument de rupture des fronts, instrument qui avait
été recherché vainement jusqu'ici de part et d'autre, était créé...
malheureusement du côté des Allemands. Brutalement appliqué sur des
fronts étroits, trouant les dispositifs adverses come à l'emporte-pièce,
bousculant les arrières des armées, semant la paique et a terreur dans
les populations de l'arrière, cet instrument de combat ressuscitait la
guerre de mouvement et devait lui donner un rythme et une rapidité
inconnue jusque-là.

Le général n'emploie pas le mot "offensive" mais on m'accordera, je pense, que c'est bien de cela qu'il s'agit.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 14:45

Boisbouvier,

Je dois admettre que lors de ma rédaction, j'ai mal interpréter les citations fournis (leur présence me permet une relecture plus aisé). J'ai interpréter "Nous n'avions pas vu la question des chars et de l'aviation sur un plan suffisant" en "Nous n'avions pas des chars et de l'aviation en nombre suffisant". Soit une grosse boulette aprés 20 minutes de rédactions. je suis désolé.

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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 14:58

Je crois que personne ici présent ne remet pas en cause la volonté offensive de la Whermacht.

Ces principes ont commencés à être développer à la fin de la 1ère Guerre Mondiale avec les stormtruppen qui ont mené les dernières offensives allemandes avec des succès initiaux remarqués à chaque assaut (c'etait la phase de l'exploitation qui ne suivait pas à cette époque).

C'est dans l'entre Guerre qu'y fut ajouter les éléments moteurs nouveaux :
- la diffusion de la radio à tous les échelons pour augmenter la réactivité du commandement
- l'aviation pour assurer le rôle de l'artillerie défaillant après la rupture (grâce à la radio)
- les Panzer pour exploiter la rupture et désorganiser les arrières (grâce à la radio)

L'Allemagne, au milieu de l'Europe ("cernée"), ayant besoin d'importations subissant le blocus et ayant perdu la dernière guerre, ne pouvaient se permettre de se défendre derrière ses frontières.

Il faudrait aussi rajouter la Volonté de Vengeance développée par le IIIe Reich sur un terreau fertile.

Je suis d'accord à reconnaître leur penchant offensif développer à l'entrainement (et je pense que d'autres sur ce forum seront d'accord).
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 16:52

Je résumerai la différence entre wehrmacht et ATF sur le plan intellectuel en trois points:

- L'armée allemande a continué à rechercher la bataille décisive en 17-18 (avec succès à l'est), contrairement à l'armée française qui a renoncé intellectuellement à la notion de bataille décisive après le chemin des dames et les mutineries, en faveur d'une stratégie basée sur l'attrition par une série de petites offensives.

- Les allemands ont accepté la notion de corps francs qui ont expérimenté des méthodes bénéficiant ensuite à l'ensemble de l'armée: ce n'est pas les seuls stosstruppen qui sont aptes à la manoeuvre mais une bonne partie de l'armée allemande à des degrés divers. Les divisions allemandes aptes au moins partiellement à l'offensive utilisent systématiquement la contre attaque et l'infiltration sur les flancs en défensive par exemple (ce ne sera plus vrai fin 1918 où les effectifs pour ce faire n'existent plus). Pétain en interdisant l'institutionnalistation des corps francs a évité une armée à deux vitesses mais a également privé l'ATF d'un laboratoire tactique dont les leçons auraient pu bénéficier à l'ensemble de l'armée.
Les allemands ont pu créer une infanterie cherchant à avancer le plus loin et le plus vite possible sur les arrières du défenseur, grâce une préparation d'artillerie d'une durée limitée (5-6 heures). Les fantassins alliés sont eux dépendants d'un appui d'artillerie nettement plus long et du soutien des chars. Avec tous les problèmes de coordination et de délai que cela pose, et une méthode qui rend la surprise impossible coté allié.

- La décentralisation du commandement aux bas échelons voulue pour faciliter la surprise et l'avancée le plus loin possible sur les arrières ennemis, là où l'ATF sous Pétain se dirige au contraire vers une approche très méthodique et centralisée.


Au début des années 20 von seeckt a ajouté la motorisation voulue comme élément facilitant la surprise et capable de fournir à une armée limitée à 100 000 hommes la force de frappe que l'attrition ne pouvait lui donner. La doctrine d'artillerie de bruchmuller est abandonnée dès 1920.
En somme, dès les années 20 les allemands avaient en main toutes les briques constitutives de la "guerre éclair", Guderian n'a eu "qu'à" faire la synthèse et à mettre sur le devant de la scène une arme blindée indépendante.

Le matériel n'étant que la conséquence des choix intellectuels, l'utilisation massive de la radio pour accélérer le mouvement et de l'infiltration de chars sur les arrières avec comme objectif de remporter une bataille décisive est dans la droite ligne de la pensée allemande. Seule l'aviation échappe au raisonnement et me semble plus relever du tissu des industriels de l'aviation propre à chaque pays et anémique en france dans l'entre deux guerres.


Pour un spectateur de 2010, il est évident que l'armée française (et britannique) a suivi un chemin évolutif qui a permis la victoire de 1918 mais menait dans une impasse en 1940. La pensée française (celle de Pétain en particulier) était tournée vers le pari implicite qu'à l'avenir la puissance de feu moderne renderait la manoeuvre très difficile: le pari n'était pas fou en 1918 mais pas de chance, il s'est avéré faux après coup. Avec une marge de manoeuvre bien trop faible en 1940 pour payer le "cout adaptatif" d'une révolution doctrinale.
Quant à penser que pendant l'entre deux guerre l'armée française pouvoit rejetter résolument les leçons de 1918 en faveur d'une approche à l'allemande, c'est surestimer les possibilités d'évolution des armées. Il y'a un chemin bien trop long entre la théorie sur le papier (comme la conférence d'Estienne en 1921 qui prédit l'avenir) et la somme des mentalités profondément ancrées en pratique qu'il faudrait révolutionner.

Cependant il faut retenir que les allemands comme les français surévaluaient les méthodes françaises en 1940: le pari fou d'une offensive par les ardennes a été fait précisément car les allemands ne croyaient pas avoir la moindre chance d'obtenir la victoire autrement que par un gambit risqué et aléatoire. Il est plus facile de trouver la bonne solution a posteriori.
Pour la note, l'armée britannique a suivi un chemin proche de celui de l'ATF et n'a pas vraiment fait de révolution doctrinale malgré la guerre: la Manche, le choix du moment et des conditions de la bataille sur le continent, la supériorité numérique (4 contre 1 en normandie) lui donnaient la marge de manoeuvre pour passer outre.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 19:16

Sur le sujet des doctrines offensives ou défensives de l'armée Française , j'ai trouvé un petit article qui me semble tout a fait intéressant .
http://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2004-2-page-97.htm

Pour ceux qui n'aiment pas trop suivre les liens , j'en copie ci-dessous le texte ( mais c'est bcp plus lisible sur le site indiqué , et on y trouvera les notes complètes )


Le rôle de la « doctrine défensive » dans la défaite de 1940 : une explication trop simple et partielle
AuteurPhilippe Garraud du même auteur

Directeur de recherche au CNRS, Centre de recherches sur l’action politique en Europe, CRAPE-IEP de Rennes.

Pour expliquer la défaite de 1940, de nombreux travaux ont, sous une forme ou sous une autre, souligné depuis longtemps le rôle de la « doctrine défensive » définie et mise en œuvre par le haut commandement[1] [1] Dans cette perspective, voir tout particulièrement :...
suite. L’élément doctrinal est ainsi devenu le principal facteur d’explication interne « moderne » de la défaite[2] [2] On ne s’intéressera donc pas ici aux explications...
suite. Cependant, l’explication générale par la doctrine de défense est un peu sommaire et n’est pas totalement convaincante dans la mesure où, même si des relations et interdépendances existent, on ne peut pas confondre totalement politique générale de défense, stratégie temporaire et doctrine militaire opérationnelle. Il est donc nécessaire d’essayer préalablement de cerner la notion générale mais polysémique de « doctrine défensive » souvent utilisée.
2 La défensive peut être définie tout à la fois comme une ligne de conduite politique ayant des implications militaires, une doctrine politico-militaire (principes et objectifs généraux d’organisation de la défense) et une stratégie militaire momentanée. Elle constitue tout d’abord au niveau le plus général une politique s’interdisant délibérément par choix politique, au nom d’un ensemble de valeurs mais également du fait que la France n’a plus de revendications territoriales, de recourir la première à la force, de prendre une initiative militaire offensive et préférant s’en remettre à des accords internationaux pour régler les différents. Plus concrètement, elle constitue également une politique de défense du territoire national visant à organiser sa protection à l’avance par des fortifications permanentes (ce qu’il est convenu d’appeler la ligne Maginot) et des mesures préventives (la mobilisation de la « couverture ») pour faire face à toute « attaque brusquée », crainte majeure de l’état-major à partir du milieu des années 1920, bien avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
3 Mais la défensive constitue aussi une stratégie militaire temporaire, dictée par le rapport des forces et la nature de la guerre tels qu’ils sont perçus (la perception très forte de l’impréparation française opposée à la supériorité allemande ; une guerre longue où la variable économique sera déterminante), visant à retarder l’affrontement et le déclenchement des opérations militaires actives en prenant le moins de risques possibles, le facteur temps étant considéré comme une ressource jouant en faveur des Alliés (d’où la « drôle de guerre »). Cette perception qui focalise le débat sur les « insuffisances françaises » est très largement fonction d’une idéalisation et d’une surestimation des moyens allemands qui relèvent tout à la fois de l’intoxication et de l’auto-intoxication (effet pervers des estimations dites « de précaution » en lesquelles on finit par croire). Dans cette perspective, le nombre des avions comme des chars allemands est le plus souvent considérablement exagéré. En revanche, les moyens français font inversement l’objet d’une sous-estimation assez systématique (chars, armement antichars et anti-aérien, etc.)[3] [3] Il apparaît dans cette perspective que la plupart...
suite.
4 À différents niveaux, la défensive constitue donc un ensemble d’orientations générales, à la fois politiques et militaires[4] [4] Bien évidemment, la défaite ne saurait relever...
suite, qui caractérisent incontestablement la politique de défense durant toutes les années 1930 et jusqu’en mai 1940 et conditionnent son action face à l’Allemagne. Ces trois orientations politiques générales s’imposent au haut commandement et à l’institution militaire, qui contribuent à les définir en fonction de ses contraintes et ressources propres (moyens financiers alloués, moyens humains, doctrine opérationnelle, matériels, etc.)[5] [5] Dans cette perspective, l’institution militaire...
suite, mais ne conditionnent cependant pas totalement l’action de l’armée, tout particulièrement pendant les opérations de la brève campagne de mai-juin. Elles n’indiquent en rien comment conduire et faire la guerre sur le plan technique et pratique et ne constituent pas une doctrine opérationnelle à proprement parler (doctrine d’emploi).
5 À rebours de tout un courant de l’historiographie qui s’est attaché pendant longtemps à mettre en évidence le rôle de facteurs « sociétaux » sans incidence directe et immédiate sur le cours des événements[6] [6] « Expliquer la défaite par la faillite sociale,...
suite, on se proposera ici de souligner le rôle de certains choix et décisions du haut commandement français au plus haut niveau (répartition des forces sur le front et localisation des unités, engagement en Belgique lié à la manœuvre Dyle-Breda, absence de réserves, organisation et emploi des chars). On peut les qualifier de stratégiques ou d’« organisationnels » dans la mesure où s’ils n’étaient pas véritablement ou totalement inscrits dans la « doctrine défensive » à proprement parler, ils ont néanmoins lourdement conditionnés de manière complémentaire la structure de la situation et le champ des possibles auxquels ont été confrontés les responsables militaires. Ce faisant, on sera conduit à intégrer et à discuter les apports récents d’une recherche historiographique qui, depuis dix ans, s’est considérablement développée et renouvelée, en France comme à l’étranger[7] [7] Où l’on ne peut qu’être frappé du nombre...
suite, permettant d’avoir aujourd’hui une compréhension et des éléments centraux d’explication plus fins de cette « étrange défaite » qui, après Marc Bloch, ne cesse de nous interroger.
UNE DOCTRINE RIGIDE ET INOPÉRANTE
6 La stratégie défensive adoptée par le haut commandement et le pouvoir politique est totalement contrainte, il faut le souligner, dans la mesure où, complémentairement au sentiment plus ou moins fort d’impréparation qui est largement répandu, il n’existe pratiquement aucune possibilité d’action contre l’Allemagne sur le front principal : d’une part, une attaque de la ligne Siegfried est perçue comme pouvant entraîner de lourdes pertes alors que l’infériorité démographique française face à l’Allemagne est patente (une population de 42 millions d’habitants contre 80 pour l’Allemagne dans ses frontières d’alors) et que le phénomène des « classes creuses » fait de la vie des soldats une ressource particulièrement précieuse parce que rare[8] [8] Le problème des « classes creuses », lié...
suite ; d’autre part, aucune action en Belgique n’est envisageable du fait de son refus total de coopération et de sa neutralité depuis 1936 ; enfin, une action aérienne est perçue comme impossible du fait de la lourde infériorité numérique de l’armée de l’air, de la crainte d’une usure précoce et rapide de ses faibles moyens et du risque de représailles massives de la part de la Luftwaffe contre les villes ou les centres industriels français[9] [9] C’est cette impossibilité quasi objective...
suite.
7 Cette stratégie attentiste et conduisant à l’inaction est donc relativement cohérente et rationnelle au regard des contraintes, des ressources et des opportunités existantes. Ce qui est souligné par de nombreux historiens étrangers qui réhabilitent très largement le haut commandement français et tout particulièrement la figure centrale de Gamelin, dont l’action et le rôle, après avoir fait figure à tort ou à raison de principal responsable de la défaite, sont notablement réévalués par l’historiographie anglo-saxonne récente[10] [10] Voir dans cette perspective J. Gunsburg, Divided...
suite.
La « bataille méthodique » : une doctrine impossible à mettre en œuvre

8 Cependant, la doctrine opérationnelle de l’armée n’est en tant que telle ni défensive ni offensive[11] [11] On pourrait dire la même chose de l’armée...
suite. Elle doit faire face à toutes les éventualités et est constituée par ce qu’on peut appeler la « bataille méthodique » et ces différents préceptes : établissement d’un front continu, mission principale attribuée à l’infanterie et à l’artillerie, rôle secondaire des chars dont la mission est d’« accompagner » l’infanterie, « colmatage » en cas de brèche dans le front continu (c’est-à-dire visant à son rétablissement en arrière après rupture), etc. Ces règles d’emploi opérationnelles sont très précisément codifiées par les règlements d’armes (infanterie, artillerie, cavalerie, chars, etc.) et les instructions pour l’emploi des grandes unités (IGU) et elles conditionnent l’instruction des unités et des troupes.
9 J. Benoist-Méchin résume ainsi l’IGU de 1936 : « Article 202 : “La bataille offensive revêt la forme d’actions de force successives, précédées de temps d’arrêt”. Article 207 : “Toute bataille comporte un échelonnement des efforts dans le temps qui peut être découpé ainsi : une phase préliminaire, une phase d’exécution et une phase d’exploitation.” La phase préliminaire se décompose elle-même en trois tranches : l’approche, la prise de contact et l’engagement. Article 216 : “La prise de contact tend à constituer un front, à l’abri duquel le gros des troupes achèvera de prendre ses dispositions pour l’attaque. Elle renseigne le chef et lui permet de mûrir son plan d’attaque” (art. 220). Après quoi, il faudra amener des masses d’artillerie, de munitions et de matériel en se conformant aux “barèmes”[12] [12] Statistiques empruntées à la guerre de 1914-1918...
suite. Cela fait, on passera à l’engagement qui est “le premier acte de l’attaque” et dont l’objet est de “préciser la valeur du contact” (art. 221). Puis, le plan d’attaque étant cette fois bien mûri, on exécutera la “préparation” qui “sera principalement l’œuvre de l’artillerie” (art. 223). Enfin, on pourra exécuter l’attaque elle-même, suivant les dispositions prescrites de l’article 234 : “Le commandement fixe le rythme, c’est-à-dire les conditions de la progression vers les différents objectifs : vitesse moyenne de progression, durée de l’arrêt sur les objectifs, conventions pour la reprise du mouvement, autorités chargées de l’ordonner, déplacement de l’artillerie, etc., toutes dispositions à arrêter minutieusement.” »[13] [13] J. Benoist-Méchin, Soixante jours qui ébranlèrent...
suite
10 Nul doute que ces prescriptions méthodiques mais rigides ont constitué un véritable carcan ralentissant, voire paralysant toute manœuvre et réaction rapide. Dans la mesure où l’organisation, la préparation et la mise en œuvre de la bataille méthodique nécessitent des délais et présupposent des mouvements de faible amplitude, elles définissent une conception relativement lente, statique et mécanique ne privilégiant aucunement la vitesse, le mouvement et l’initiative. En fonction de paramètres et de ratios bien définis (volume et densité de troupes, calendrier prévisionnel des opérations, volumes de munitions nécessaires en fonction des cadences de tir et du nombre de pièces, etc.), elle consiste essentiellement à préparer, organiser et acheminer en temps utile les flux de troupes, de matériels, de munitions nécessaires pour alimenter la bataille, la préparation étant dans une très large mesure garante du succès.
11 Mais ce n’est pas véritablement ou totalement la bataille méthodique qui est en cause dans la défaite de 1940 dans la mesure où, d’une part, sa mise en œuvre s’est très rapidement avérée impossible[14] [14] D. Showalter, « Ce que l’armée française...
suite et où, d’autre part, elle ne constitue pas la seule variable explicative, loin de là. En effet la nature de l’attaque allemande (la guerre de mouvement et son rythme totalement inédit) a immédiatement rendu caduques les conditions de possibilité de cette bataille méthodique en affectant directement ses conditions spatio-temporelles comme les capacités de coordination et de liaison du commandement, déjà déficientes pour d’autres raisons qu’elles soient culturelles, organisationnelles ou techniques (style de commandement, organisation du haut commandement, moyens de transmissions, etc.).
12 Le facteur temps et le caractère extrêmement fluide et temporaire des positions ne lui permettent pas de préparer et d’exécuter la moindre réaction efficace. Le temps et l’espace font défaut pour organiser et mettre en œuvre la bataille méthodique. Par exemple, faute de front continu ou stabilisé mais aussi de mobilité suffisante des matériels et des unités (la plupart des régiments d’artillerie étaient hippomobiles et les bombardements allemands ont fait de véritables ravages dans les attelages de chevaux[15] [15] Indicateur particulièrement éclairant même...
suite), l’abondante et puissante artillerie française héritée de la précédente guerre ne pourra que rarement être mise en œuvre et employée, privant par là même la doctrine d’emploi de la « bataille méthodique » d’une de ses principales prescriptions et conditions.
13 Alors que du côté allemand les commandants d’unités à la pointe de l’offensive accélèrent encore le mouvement de leur propre initiative[16] [16] K. -H. Frieser, « La légende de la Blitzkrieg »,...
suite, du côté français, les ordres du haut commandement ne sont exécutés qu’avec beaucoup de retards et très partiellement. Et l’histoire de la campagne de France apparaît alors très largement comme l’histoire d’un commandement et de sa doctrine ayant progressivement de moins en moins de prise sur le développement et la réalité des opérations, subissant le cours des événements, non seulement du fait des initiatives allemandes mais aussi en raison de la dilution et de l’inexécution de ses propres directives.
Une armée et un commandement rapidement désemparés

14 Si la campagne de France conduite par les Allemands constitue historiquement après la Pologne un autre cas de figure exemplaire de ce qui a été appelé la Blitzkrieg, la malheureuse expérience française l’est tout autant pour une raison différente. Elle montre une armée et un commandement très largement démunis intellectuellement face à la forme de guerre que lui impose son adversaire[17] [17] Marc Bloch soulignait dans cette perspective :...
suite et incapable le plus souvent de mettre en œuvre la moindre initiative en temps réel. On peut presque voir dans la brève campagne de mai-juin 1940 un idéal type de « collapsus doctrinal » ou rien ne fonctionne comme prévu et attendu et où tout se joue irrémédiablement en quelques jours.
15 On ne peut pas expliquer autrement le sentiment profond d’incompréhension, d’abattement, voire de stupeur, qui frappe une grande partie du commandement qui n’a plus de cadre cognitif et d’outils intellectuels pour comprendre ce qui se passe, orienter l’action et indiquer comment réagir. Les règles admises, instituées et intériorisées, ne permettent plus de penser la situation militaire et d’agir sur elle. Ce dont témoignait, par exemple, le futur général Beaufre, alors officier au Grand Quartier général (GQG) dirigé par le général Doumenc, en visite avec son chef au quartier général du général Georges, commandant du front nord-est et directement responsable des opérations : « Le général Roton, chef d’état-major [du général Georges], est affalé dans un fauteuil. L’atmosphère est celle d’une famille où l’on veille un mort. Georges se lève vivement et vient au-devant de Doumenc. Il est terriblement pâle : “Notre front est enfoncé à Sedan ! Il y a eu des défaillances...” Il tombe dans un fauteuil et un sanglot l’étouffe. C’est le premier homme que je voyais pleurer dans cette bataille. J’en verrai beaucoup d’autres, hélas. Cela me fit une impression effroyable. [...] Ainsi le 13 mai au soir, l’armée française est encore pratiquement intacte. Mais déjà son commandement a vu son moral brisé. Il ne le retrouvera plus jusqu’à la fin. »[18] [18] Général A. Beaufre, Le drame de 1940, Paris,...
suite
16 Le témoignage de Marc Bloch sur le général Blanchard, commandant la 1re armée engagée en Belgique en mai 1940, et son état-major, alors qu’il y était officier, est tout aussi accablant : « Le terrible fut que ce désarroi gagna des milieux beaucoup plus chargés de responsabilités. Nous sommes plusieurs à avoir pu en noter, avec horreur, les affreux progrès, presque au jour le jour, chez quelques-uns des officiers qui occupaient les charges les plus considérables de l’état-major ; chez ceux, notamment, à qui revenait, en propre, le gouvernement des opérations. Les premiers symptômes du mal étaient des signes encore tout extérieurs : yeux hagards, barbes mal rasées, nervosité qui, d’une agitation fébrile, pour de petites choses, passait brusquement aux feintes d’une impossible sérénité. Quand un chef commence à dire : “À quoi bon ?”, gare aux exécutants ! Puis ce fut la marée montante d’un désespoir qui, au lieu d’aiguillonner à l’action, semblait chercher son refuge dans une sorte de paresse somnolente. Je n’ai guère connu de spectacle plus démoralisant que certains affalements dans les fauteuils du 3e bureau. Bien entendu, on se raccrochait, par moments, aux plus invraisemblables illusions [...]. On n’en retombait ensuite que plus bas dans l’atonie de la volonté ; L’exemple de celle-ci venait de très haut. “Faites ce que vous voudrez, mon général. Mais, au moins, faites quelque chose.” Ainsi, un de mes camarades entendit un jour, à Lens, un des commandants de corps d’armée interpeller, en ces termes, le général Blanchard. »[19] [19]Op. cit. , p. 141 (le général Blanchard n’en...
suite
17 Confronté brutalement au caractère inopérant de ses préceptes doctrinaux (tout à la fois non valides et impossibles à mettre en œuvre), le haut commandement ne reste cependant pas totalement passif et cherche à définir assez rapidement de nouvelles orientations tactiques (la défense en profondeur qui remet partiellement en cause le principe ou le dogme du front continu)[20] [20] Tirant les enseignements des premiers engagements...
suite. Mais la situation est alors trop structurellement ou stratégiquement compromise pour qu’elle puisse permettre de faire face efficacement. Les moyens tant humains que matériels commencent à faire défaut ne serait-ce que pour endiguer l’avance allemande et prétendre stabiliser la situation sur le plan militaire[21] [21] Quatre armées entières ont été perdues (la...
suite.
DES DÉCISIONS STRATÉGIQUES PARTICULIÈREMENT LOURDES DE CONSÉQUENCES
18 La défaite, qui se joue véritablement en dix ou vingt jours seulement (le 20, les côtes de la mer du Nord sont atteintes par les Allemands), ne découle cependant pas mécaniquement et uniquement de la doctrine opérationnelle française en tant que telle mais est plus largement le produit de la mise en œuvre et de la confrontation en pratique de deux conceptions radicalement différentes de la guerre, l’une excessivement prudente, méthodique et lente ; l’autre subordonnant tout à la vitesse et au mouvement mais prenant des risques considérables. Cependant, la variable doctrinale n’est pas la seule à prendre en considération : la défaite est également la conséquence de choix qu’on peut qualifier de stratégiques, relativement autonomes.
Les hypothèses du haut commandement et la répartition inadaptée des forces sur le front nord-est

19 Dans le cadre de sa stratégie défensive, le haut commandement a privilégié exclusivement trois hypothèses hiérarchisées (par ordre décroissant de probabilités : offensive principale en Belgique, attaque frontale de la ligne Maginot, contournement par la Suisse)[22] [22] Se référer à ce propos à J. -C. Allain, « La...
suite, dont aucune ne s’est avérée valide (les Allemands en ayant mis en œuvre une quatrième), mais qui ont conditionné l’organisation des moyens disponibles, à commencer par la constitution de trois groupes d’armées (GA 1, 2 et 3) dont chacun correspondait à une des trois hypothèses.
20 En ce domaine, de manière très classique, il faut rappeler rapidement les forces en présence, non pas de manière générale mais en comparant les dispositifs opérationnels opposés et leurs moyens sur le théâtre d’opérations qui sont révélateurs des stratégies militaires en présence. Cette comparaison fait apparaître des choix a priori relativement arbitraires, et relativement indépendants de la doctrine dans le cas français, qui conditionnent les faiblesses structurelles du dispositif français. Elle définit d’entrée une situation fortement déséquilibrée qui conditionne de part et d’autre le choix des possibles[23] [23] Les chiffres varient parfois d’une source...
suite.
21 Alors que le dispositif allemand est organisé en trois groupes d’armées (Belgique et Hollande, Ardennes et ligne Maginot) d’inégale importance en fonction de la mission plus ou moins active qui leur est impartie, mais regroupant un nombre relativement limité d’armée (deux ou trois) et de divisions, la répartition des moyens français conduit très schématiquement et grossièrement, à distinguer plus deux blocs que les trois qui correspondent à son organisation formelle en trois groupes d’armées. Dans la mesure où des moyens approximativement identiques leur ont été attribués, ces deux ensembles sont de force sensiblement équivalente, même si l’intervention en Belgique est l’hypothèse la plus probable et la plus préparée. Au moins par défaut, le choix stratégique et organisationnel a été fait d’être fort aux deux ailes (au nord et sur la ligne Maginot) et faible au centre, alors que, schématiquement, les Allemands ont fait le choix inverse dans le cadre du « plan jaune » (Fall Gelb) ou von Manstein[24] [24] En ce domaine, l’étude approfondie de la...
suite.
22 La frontière belge est tenue par le GA 1 de la mer du Nord à la ligne Maginot en passant par les Ardennes. Sans compter les forces belges (une vingtaine de divisions), il rassemble cinq armées (dont la British Expeditionary Force, BEF) et une quarantaine de divisions. Elles sont opposées globalement aux 30 divisions du groupe d’armées B. Mais dans la plaine belge où a lieu l’engagement principal, la disproportion des forces en faveur des Alliés est encore plus grande puisque jusqu’à la capitulation de l’armée hollandaise, le 15 mai, les 45 divisions environ des trois armées du GA 1 engagées (7e, 1re, BEF) et de l’armée belge sont opposées aux 17 divisions seulement de la 6e armée allemande. Cette très forte densité d’unités alliées dans un espace relativement réduit conduira à la sous-utilisation de certains moyens, belges et anglais tout particulièrement, tout à la fois par défiance du commandement français quant à la valeur des unités et des armées concernées mais aussi difficultés de coordination politiques et militaires. La subordination de l’armée belge et de la BEF au commandant du GA 1 ne sera que tardivement reconnue et fera l’objet de réticences qui mettront à de nombreuses reprises le commandement français devant le fait accompli[25] [25] Se reporter tout particulièrement à B. Chaix,...
suite.
23 Le GA 1 est particulièrement fort sur sa gauche pour l’engagement en Belgique qui constitue sa mission principale, mais faible sur sa droite, tout particulièrement à la charnière des 9e et 2e armées dans le secteur des Ardennes, de la Meuse à Sedan. Ces deux armées ont certes un rôle défensif, voire statique dans le cas de la 2e armée, mais elles sont « polarisées » de manière contraire ; le centre de gravité de la 9e est constitué par la manœuvre Dyle au nord-ouest, dont elle doit assurer la sûreté dans les Ardennes, alors que celui de la 2e l’est par la ligne Maginot à l’est. En outre, le commandement de ce très grand ensemble hétérogène rassemblant cinq armées est assuré par un seul homme (Billotte), ne disposant que d’un état-major relativement réduit, dont toute l’attention est accaparée par l’engagement considéré comme décisif en Belgique et qui se trouve également chargé de la coordination difficile avec l’armée belge. Les difficultés de mise en œuvre de l’opération Dyle ne manquant pas tant sur le plan politique (les relations avec l’armée belge et la BEF) que strictement militaire (défaut de coordination, mauvaises informations, initiatives unilatérales belges), autant dire que sa droite et le secteur des Ardennes ne constituent pas pour lui une préoccupation majeure.
24 Le restant du front nord-est est tenu en Lorraine, Alsace et dans le Jura par quatre armées (3e, 4e, 5e et 8e)[26] [26] On ne compte pas ici la 6e armée...
suite, qui regroupent également une quarantaine de divisions environ, dans la mesure où une action dans ce secteur n’est nullement exclue (à la frontière suisse tout particulièrement, à l’origine de la constitution du GA 3)[27] [27] Hormis la 6e armée qu’on vient...
suite et qu’aucune hypothèse n’est véritablement écartée (sauf, très curieusement et malheureusement, celle d’une pénétration massive et rapide par les Ardennes). Ce fort dispositif fait face à une faible menace (19 divisions allemandes seulement). Aussi il apparaît complètement disproportionné, fixant inutilement des forces qui n’auront aucune activité significative pendant tout le mois de mai.
25 Mais au centre du dispositif français apparaît une zone fortement dépressionnaire au regard des moyens allemands qui lui font face. Le centre de gravité de la 9e armée (Corap) se situe dans le cadre de l’engagement principal en Belgique et l’incline à privilégier sa gauche ; de manière contraire, celui de la 2e armée (Huntziger) est situé à sa droite pour assurer la protection de la ligne Maginot et éviter son débordement et son enroulement. La faiblesse des moyens s’ajoutant à l’inégale qualité des unités et à de nombreuses négligences tactiques, le dispositif français présente une charnière centrale particulièrement fragile et vulnérable. Très malheureusement, c’est ce secteur qui est l’objet de l’effort principal allemand masqué pendant quelques jours par l’engagement en Belgique. Alors que les 9e et 2e armées ne rassemblent qu’une quinzaine de divisions seulement, hétéroclites de surcroît[28] [28] Quatre des cinq divisions légères de cavalerie...
suite, le groupe d’armées A en regroupe 40 dont 7 Panzerdivisionen(PzD) et plusieurs divisions motorisées en première ligne qui attaqueront de Dinan à Sedan sur un front de moins de 100 km.
L’engagement en Belgique : de la bataille d’arrêt à la bataille de rencontre

26 Voie traditionnelle et historique d’invasion, la question de la plaine belge est centrale dans toute la réflexion stratégique de l’entre-deux-guerres. Mais tirant la leçon de l’expérience traumatisante de la course aux frontières de 1914[29] [29] Dans des perspectives différentes, voir par...
suite et de ses revers initiaux qui ont été à l’origine de très lourdes pertes humaines, toute la politique de défense qualifiée de défensive de l’entre-deux-guerres s’est efforcée d’éviter de jouer à nouveau le sort du pays sur une « bataille de rencontre », improvisée et hasardeuse. Pourtant c’est bien un tel scénario paradoxal qui se déroule en mai 1940, à la suite de l’invasion par les Allemands de la Hollande et de la Belgique qui conduit au déclenchement et à la mise en œuvre automatique du plan Dyle-Breda.
27 En effet, la manœuvre Dyle introduit incontestablement un changement et un élément d’incohérence relatif dans la stratégie française. Alors que la doctrine générale défensive adoptée conduit logiquement à attendre l’attaque ennemie sur des positions soigneusement préparées à l’avance aux frontières et fortifiées, l’engagement en Belgique entraîne un mouvement relativement important s’écartant de la défensive pure, nécessairement générateur d’incertitudes en raison de l’état des relations franco-belges[30] [30] B. Chaix, Fallait-il entrer en Belgique ?,...
suite, et concernant de surcroît les unités les plus mobiles, les plus professionnelles et parmi les meilleures de l’armée, à commencer par les trois « divisions légères mécaniques » (DLM), grandes unités blindées de cavalerie les plus comparables aux divisions blindées allemandes, et la plupart des divisions d’infanterie motorisée (DIM)[31] [31] Phénomène jamais évoqué, semble-t-il, l’engagement...
suite.
28 Cette manœuvre présentait a priori bien des avantages politiques et militaires qui la justifiaient et la légitimaient aux yeux des responsables tant militaires que politiques : elle permettait de renforcer la coalition alliée, d’une part, en impliquant davantage l’Angleterre, directement concernée et menacée si les Allemands venaient à occuper les côtes de la mer du Nord, et d’autre part, en « tendant la main » aux armées belges et hollandaises dont l’apport n’est pas négligeable sur le plan numérique (une trentaine de divisions, alors que la balance des forces n’est pas globalement favorable aux Alliés) ; elle entraînait également le déplacement du terrain attendu de l’affrontement principal en le portant hors des frontières et permettait donc de protéger le territoire national des destructions de guerre ; enfin, elle a pour effet sur le plan militaire et opérationnel de raccourcir le front de manière sensible, le tracé frontalier étant particulièrement sinueux, et donc d’économiser les troupes[32] [32] Accessoirement, elle permettait également d’ouvrir...
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29 Voulue et maintenue par Gamelin[33] [33] André Géraud parle de véritable « idée...
suite en dépit des réticences ou des réserves d’autres généraux (Georges, Blanchard, Prioux), avalisée par le pouvoir politique sans avoir été véritablement débattue, elle a fait l’objet d’une planification longuement préparée, minutieuse et détaillée et est déclenchée automatiquement dès l’attaque allemande. Elle se heurte pourtant immédiatement (et indépendamment de l’offensive dans les Ardennes) à un sérieux obstacle qui en hypothèque totalement la validité et l’opportunité : celui du refus préalable de toute coopération tant belge que hollandaise jusqu’au dernier moment, condition considérée pourtant comme impérative au départ. Dans la mesure où aucun échange d’informations sérieux, aucune coordination n’ont eu lieu préalablement, elle conduit nécessairement à une improvisation risquée, les mesures et les dispositions défensives prises par les Belges (état des fortifications, continuité des barrages antichars, positions des unités, destructions préalables, etc.) n’étant pas conformes à ce qu’attendait le commandement français, ou les initiatives allemandes les ayant rendu caduques[34] [34] B. Chaix, op. cit. ...
suite.




30 De la déclaration de guerre à l’offensive allemande du 10 mai, un changement relativement important s’opère tout à la fois dans le dispositif français et dans la réflexion stratégique qui le sous-tend. La prudence qui caractérise toute la politique de défense jusqu’ici cède alors le pas à une prise de risques. La « bataille d’arrêt » projetée ouvre non seulement la possibilité mais conduit même à la « bataille de rencontre » sur des positions nécessairement improvisées, tant redoutée par le commandement français. Et ce d’autant plus qu’en dépit d’un rapport des forces favorable sur le plan numérique, l’engagement ne tourne pas en faveur des Alliés du fait tout à la fois de l’inadaptation du calendrier arrêté par rapport aux mouvements allemands[35] [35] En ce domaine, il est certain que des choix...
suite, de la faiblesse de la coordination, d’initiatives unilatérales successives mettant les autres membres de la coalition devant le fait accompli et des dissensions entre Belges, Français et Anglais qui s’ensuivent.
31 Croyant en la répétition du plan Schlieffen de 1914 qui en constitue le présupposé central, alors que l’attaque allemande n’est qu’une diversion secondaire, et en engageant ses moyens les plus modernes et les plus mobiles en Belgique, l’armée française s’engouffre tête baissée dans un piège à l’initiative du général Gamelin dont la responsabilité paraît très lourde en ce domaine. Cette action et le calcul stratégique qui l’a fondée constituent un facteur essentiel de la défaite puisqu’il est directement à l’origine de l’encerclement puis de la perte de trois armées entières et du rembarquement de la BEF à Dunkerque. Sur le plan militaire, la défaite de 1940 trouve une de ses origines centrales dans la manœuvre Dyle adoptée par le haut commandement qui constitue un choix stratégique qui n’était pourtant pas inscrit à proprement parler, ou « naturellement », dans la doctrine défensive en tant que telle[36] [36] On ne prétendra pas pour autant qu’une stratégie...
suite. Il en constitue bien au contraire une altération qui conduit directement à la perte de la totalité des forces engagées, soit près de 40 divisions françaises et anglaises.
Faiblesse des réserves générales et incapacité à faire face à toute surprise stratégique

32 Au cours de la Première Guerre mondiale, des réserves générales nombreuses ont constitué un élément décisif dans la capacité de l’armée française à résister avec succès aux grandes offensives allemandes. Mais en mai 1940 la situation est bien différente. Le résultat de la répartition des moyens adoptée par le haut commandement français en fonction des différentes hypothèses retenues fait que les réserves sont particulièrement faibles ou beaucoup trop éloignées pour pouvoir intervenir rapidement. Ce qui signifie qu’en cas de « surprise », et l’attaque allemande comme la manœuvre Dyle en accroissent inévitablement et dangereusement la possibilité, directement ou indirectement, le commandement est très largement dépourvu de moyens de faire face rapidement.
33 D’une part, l’option Breda du plan Dyle conduit tout particulièrement à l’utilisation, inutile au final, de la seule armée en réserve générale susceptible d’intervenir rapidement sur le champ de bataille (la 7e, une des mieux équipées et des plus mobiles). D’autre part, le GQG n’a en tout et pour tout à sa disposition qu’un maximum de 15 divisions en réserve générale, dont certaines en formation ne sont pas immédiatement disponibles et relèvent de l’état-major de l’Intérieur[37] [37] Sur cette question importante trop longtemps...
suite. Ces réserves, dont la localisation et l’emploi n’ont jamais fait l’objet d’aucune étude précise, il faut le souligner, étaient réparties de manière égale en trois zones géographiques différentes : dans la Marne et l’Aisne au centre du dispositif français, mais aussi derrière la ligne Maginot, déjà abondamment pourvue, et enfin dans le Jura, à la frontière franco-suisse (« lot » suisse).
34 Quant à l’acheminement d’unités positionnées derrière la ligne Maginot, qui s’imposera progressivement, il s’accompagne inévitablement de délais longs et d’aléas. Dans la mesure où la ligne Maginot fut progressivement dégarnie (25 des 45 divisions en position transférées) et sans tenir compte des cinq unités de réserve les plus proches de Sedan (premier lot), c’est en définitive un total de plus de 35 divisions qui durent être déplacées dans l’urgence sur des centaines de kilomètres d’est en ouest et dans des conditions nécessairement improvisées, entre le milieu du mois de mai et début juin[38] [38] Doumenc donne même le chiffre de 40 divisions...
suite.
35 La suite des événements et de la campagne est trop connue pour qu’il soit nécessaire de s’y attarder : la malheureuse 9e armée en charge d’un front très étendu (145 km) sera laminée en quelques jours seulement par l’attaque allemande[39] [39] Se reporter par exemple à : général...
suite (et son commandant, rendu responsable, limogé brutalement le 16 mai et remplacé par Giraud), toutes les tentatives de contre-attaques échoueront, jamais la brèche ainsi ouverte ne sera fermée (le « couloir des Panzers ») et la progression des blindés allemands se poursuivra jusqu’à la mer et l’encerclement du corps de bataille engagé en Belgique. Et le reste de la campagne ne sera que l’inexorable et irrémédiable déclinaison, ou plutôt résolution (au sens quasi mathématique du terme), d’une situation structurellement compromise en quelques jours décisifs, le commandement français n’étant jamais en mesure de reprendre la moindre initiative, de concentrer et d’opposer des moyens significatifs[40] [40] Voir par exemple J. Benoist-Méchin, Soixante...
suite.
36 Dans le cadre de sa stratégie défensive, le haut commandement français a été conduit à n’écarter aucune hypothèse, sauf très malencontreusement celle d’une offensive massive dans les Ardennes retenue par les Allemands[41] [41] Les raisons de cette impasse restent largement...
suite et ce choix l’a entraîné à disperser les forces et les moyens pourtant importants dont il disposait. Aucune de ces trois hypothèses ne s’étant avérée valide, le haut commandement a alors été contraint de parer au plus pressé dans l’urgence et de réorganiser progressivement mais totalement son dispositif en pleine offensive allemande à partir des 18-19 mai, avec en particulier la constitution (ou reconstitution plus exactement) de deux nouvelles armées (6e et nouvelle 7e), regroupées au sein du GA 3 qui s’est vu ainsi assigné un tout autre terrain d’action que celui qui lui avait été attribué initialement (le Jura) : la tentative de « colmatage » de la percée dite de Sedan à la suite de l’effondrement de la 9e armée du fait de l’offensive allemande dans les Ardennes.
37 En définitive, le désastre de Sedan et ses effets stratégiques désastreux s’expliquent structurellement tout autant sinon plus par différentes décisions inadaptées dans le domaine de la répartition et de l’affectation des moyens que par la doctrine et les règles d’emploi elles-mêmes. De façon presque mécanique, la défaite est dans sa genèse le produit de l’incapacité de l’armée française à faire face à cette percée inattendue et imprévue qui disloque entièrement une armée, ouvre une brèche qui ne cesse de s’élargir au fil des jours et conduit à l’encerclement du corps de bataille engagé en Belgique. L’absence de réserves importantes ou leur éloignement est une variable lourde ; mais pas la seule. Comment alors l’expliquer ?
38 Là encore effets de doctrine et décisions organisationnelles semblent se conjuguer. L’incapacité de l’armée française à organiser et mettre en œuvre en temps voulu une contre-attaque à la hauteur de l’enjeu à la suite de la percée de Sedan renvoie une nouvelle fois à ces deux variables mais de manière difficilement dissociables ou, plus exactement interdépendantes. Les règles d’emploi privilégiant la bataille méthodique, l’établissement d’un front continu, la priorité accordée au « colmatage » préalable avant toute tentative de contre-attaque, ont des effets particulièrement lourds, à commencer par la lenteur dans la préparation et l’exécution des actions incompatible avec le rythme des opérations imposé par les Allemands. La confrontation de deux conceptions différentes de la guerre conduit à un déphasage temporel entre les deux adversaires qui ne cessera de s’accentuer. Et celle-ci entraîne à son tour une incapacité de réaction rapide aux initiatives allemandes et un décalage permanent et sans cesse croissant au fur et à mesure que la désorganisation gagne, les moyens diminuent, les liaisons se font plus difficiles et les armées commencent à se disloquer.
L’ORGANISATION ET L’EMPLOI DES BLINDÉS : DES MOYENS DE CONTRE-ATTAQUE SUBSTANTIELS MAIS INEFFICACES
39 Complémentairement à ces trois décisions stratégiques majeures particulièrement lourdes de conséquences quant à la structuration de la situation militaire, il faut aussi souligner le rôle de choix organisationnels ayant trait à l’organisation des chars pourtant tout aussi nombreux (sinon plus) que dans l’armée allemande[42] [42] Aujourd’hui, après bien des polémiques,...
suite, plus secondaires en apparence mais inadaptés. L’inaptitude de l’armée française à faire face à l’offensive allemande dans les Ardennes renvoie également pour une très large part aux vicissitudes de l’organisation et de l’emploi des blindés et à l’indécision qui a caractérisé la première en ce domaine.
40 Depuis la publication de l’ouvrage de De Gaulle en 1934[43] [43] Rappelons qu’il proposait la création d’un...
suite, notamment mais non exclusivement, leur organisation comme leur emploi ont fait l’objet d’interminables discussions, controverses, débats doctrinaux, expérimentations et manœuvres. Mais en dépit de commandes de plus en plus importantes de matériels à partir de 1936-1937 (chars légers d’accompagnement d’infanterie Renault R35 et Hotchkiss H35 de 10 t et H39 de 12 t, chars de combat de cavalerie SOMUA S35 de 20 t, chars moyens Renault D2 de 20 t et lourds B1 bis de plus de 30 t), le statu quo l’emporte quant à leur organisation et leur emploi.
L’emploi des chars : le statu quo doctrinal et organisationnel

41 Comme on le sait, la cavalerie engage très tôt sa modernisation, dès 1933-1935, et avec succès (la constitution des DLM)[44] [44] Les divisions légères mécaniques (DLM) rassemblaient...
suite, même si celle-ci n’est que partielle (le très médiocre compromis des DLC, adopté tardivement entre la déclaration de guerre et l’offensive allemande, associant une brigade blindée et motorisée et une brigade de cavalerie montée)[45] [45] Ainsi seront créées en février-mars 1940,...
suite. Mais la décision de création (adoptée pourtant dans son principe dès 1936 et renouvelée en 1938) et la mise sur pied effective des DCR, toujours reportées dans leur application, interviendront beaucoup trop tardivement pour que ces grandes unités soient suffisamment instruites, pleinement opérationnelles et jouent un rôle actif en mai-juin 1940. Et ce d’autant plus que le format adopté n’est en rien comparable à celui des PzD[46] [46] Les DCR regroupaient 6 500 hommes, 1 400 véhicules...
suite et que le choix de leurs commandants initiaux sera plus conforme au respect de l’orthodoxie doctrinale concernant l’emploi des chars que novateur[47] [47] Tous les trois seront relevés très rapidement...
suite.
42 Deux séries de raisons différentes paraissent avoir joué un rôle décisif en ce domaine : d’une part, la dualité de rattachement des chars en termes d’armes (cavalerie et infanterie), les profonds désaccords doctrinaux au sein de l’institution militaire et l’hostilité d’une partie importante du haut commandement à toute autonomie organisationnelle et doctrinale des chars, bien connus aujourd’hui ; mais également, il faut le souligner, l’absence de matériel adapté en quantité suffisante. La mise au point du char lourd Renault B1 (dont le projet initial remontait pourtant au milieu des années 1920) sera particulièrement longue et difficile, et sa production longtemps faible et finalement tardive[48] [48] Il en ira de même de la construction du SOMUA S35. ...
suite. À la déclaration de guerre, il n’existait qu’à 160 exemplaires seulement et n’équipait que quatre bataillons et la grande majorité des chars livrés étaient destinés à un emploi classique d’accompagnement d’infanterie[49] [49] Le char produit en plus grand nombre est le...
suite.
43 En définitive, les chars et les blindés français seront dispersés en quatre entités organisationnelles différentes (DLM, DCR, bataillons de chars de combat, DLC, sans compter les GRCA ou groupes de reconnaissance de corps d’armée), l’infanterie gardera le contrôle de la majorité des chars dans un emploi traditionnel d’accompagnement d’infanterie[50] [50] Vingt-cinq BCC indépendants rassemblant un...
suite, aucune des différentes propositions de De Gaulle ne sera retenue et quatre ou cinq doctrines d’emploi coexisteront simultanément[51] [51] On ne peut que renvoyer une nouvelle fois à...
suite : accompagnement classique d’infanterie, emploi des grandes unités de cavalerie modernisées et mécanisées (exploration, sûreté, exploitation éventuelle), action de rupture et de contre-attaque des DCR, « manœuvre d’ensemble interarmes ».
44 Cette dernière conception, très novatrice, tendait à dépasser les limites de l’emploi des chars propres à la cavalerie et à l’infanterie et visait à faire agir ensemble une DLM, une DCR et une DIM[52] [52] Voir en ce domaine R. Fontbonne, « Les unités...
suite. Elle permet également, incidemment, de mieux comprendre dans ce cadre le format très particulier adopté finalement pour les DCR et tout particulièrement d’une part, leur absence d’éléments de reconnaissance et de sûreté et d’autre part, la faiblesse de leur infanterie portée. Malheureusement, cette conception moderne ne fut que très partiellement mise en œuvre au mois de juin seulement et avec des moyens très diminués (DLM et DCR très partiellement reconstituées après les premiers engagements). Au mois de mai, les DCR furent engagées de manière isolée avec les résultats que l’on sait, les DLM étant employées et « piégées » en Belgique. D’autre part, cette doctrine en gestation a été trop tardivement définie pour qu’elle puisse sortir de la confidentialité et être assimilée et maîtrisée par le commandement au niveau armées et corps d’armées, responsables de l’emploi.
Une action dispersée et aux effets limités

45 L’absence d’actions coordonnées d’ensemble, la fragmentation et la dispersion quasi systématique des moyens à tous les niveaux au détriment de leur concentration, et même leur utilisation en défensive dans le cadre de tentatives de colmatage, sous la forme de « bouchons », conduiront à la dépense inutile des DCR et de leurs moyens pourtant non négligeables, dans la plus grande confusion le plus souvent et sans effets sur le déroulement des opérations, tant au plan tactique que stratégique. En comparaison, comme on le sait, tout autre sera l’utilisation des chars par les Allemands, même s’il faut se garder d’exagérer la puissance des PzD comme l’homogénéité de leur corps blindé[53] [53] Par exemple, H. Michel, spécialiste pourtant...
suite qui ont été, l’une comme l’autre, considérablement surévaluées pendant longtemps. Et l’armée allemande connaîtra également des problèmes de disponibilité en matériels et de recomplètement des dotations[54] [54] Dans cette perspective J. -L. Crémieux-Brilhac...
suite.
46 Mais comme on le sait, tous les chars allemands disponibles sont attribués à une arme spécifique nouvelle (la Panzerwaffe) et versés aux PzD, lesquelles disposent de moyens sans commune mesure avec les DCR improvisées et elles agiront de manière coordonnée par paire ou par trois au sein de corps ou de groupements blindés soutenus par les divisions d’infanterie motorisées (au nombre de six seulement) et toujours en liaison étroite avec l’aviation. Beaucoup plus que le nombre global des chars, dépourvu de toute signification opérationnelle, ce sont la doctrine et les conditions d’emploi, l’organisation et le commandement des PzD qui ont fait la différence. Et ce d’autant plus qu’elles ne constituaient pas de simples divisions de chars comme on a trop tendance à le croire, mais un véritable « système d’armes » intégré, fondé également sur une infanterie motorisée nombreuse et puissante (dont les infiltrations seront directement à l’origine de la traversée de la Meuse, sans intervention des chars dans un premier temps) et bénéficiaient d’un appui aérien rapproché et direct de bombardiers en piqué Junkers 87 Stuka.
47 Le seul groupement cuirassé français existant au 10 mai (confié au général Keller, inspecteur des chars) n’avait pas de vocation opérationnelle. Il était dépourvu d’éléments organiques de corps d’armée (EOCA) et ne constituait qu’une entité administrative et logistique. Les DCR seront engagées les unes après les autres sans aucune coordination pour tenter de contrecarrer la percée allemande. Les trois premières DCR seront dépensées et largement disloquées sans résultats notables. Dans le secteur de la 2e armée, la contre-attaque de la 3e DCR au sud de Sedan avortera les 14-15 mai et le commandement la dissociera pour l’utiliser de manière fragmentée en défensive ; dans la zone de la 9e armée, le même scénario se reproduira les 14-15 pour la 1re DCR. Après différents retards, elle se retrouvera isolée en première ligne au sud de Charleroi, se fera surprendre et détruire durant son ravitaillement en essence ; les 15-16, la 2e DCR sera fractionnée pour son acheminement d’Hirson à Laon et engagée de manière fragmentée avant de se voir confier également une mission défensive. En quelques jours, les seuls moyens de contre-attaque à la disposition du haut commandement ont été consommés dans des actions de détail sans effets majeurs[55] [55] Même si aucun bilan global n’a jamais été...
suite.
48 Et comme on le sait, seule la 4e DCR obtiendra quelques succès tactiques. Pour exceptionnelle et marginale dans ses effets qu’elle ait été, l’action de cette dernière unité, pourtant totalement improvisée, est cependant particulièrement intéressante dans la mesure où elle laisse apercevoir ou entrevoir un autre emploi des chars, très différent et autrement efficace, sous un commandement plus décidé et incisif[56] [56] Il faut cependant souligner que cette dernière...
suite. Mais les groupements de moyens blindés (DLM et DCR) constitués ultérieurement dans la deuxième phase de la campagne (Petiet, Audet, Buisson, du nom de leurs commandants) auront essentiellement pour fonction de chercher à compenser la faiblesse des moyens des unités reconstituées[57] [57] Assez curieusement, non seulement les trois DLM...
suite et à les rassembler dans des entités improvisées à la valeur opérationnelle très limitée, faute de matériels en quantité suffisante à ce moment.
49 Problèmes organisationnels, doctrines et conditions d’emploi sont donc étroitement liés et interagissent dans cette utilisation désastreuse des seuls moyens mécanisés encore disponibles (les trois DLM ayant été engagées en Belgique). On pourrait multiplier la mise en évidence d’autres carences organisationnelles qui ont affecté l’efficacité de l’action de l’armée dans différents domaines : mobilisation déficiente des renseignements permettant de déceler les intentions et les actions principales adverses en temps voulu (la répartition des forces évoquée plus haut n’en étant que l’effet)[58] [58] Voir en ce domaine E. du Réau, « Le renseignement...
suite ; liaisons et coordination au sein du commandement et entre celui-ci et les unités du fait de la faiblesse des transmissions ; sans même parler des propres structures éclatées du haut commandement et de leur localisation, ou encore de l’instruction et de l’entraînement souvent insuffisants des unités. Ils ne trouvent pas à proprement parler leur origine dans la doctrine défensive ou les préceptes de la « bataille méthodique » en tant que tels mais ont pesé aussi lourd que les faiblesses doctrinales dans l’incapacité de l’armée française à faire face à une guerre de mouvement à laquelle elle n’était pas véritablement préparée.
Conclusion : les paradoxes d’une défaite sans appel

50 Dans ces conditions, l’armée française a constitué pour la Wehrmacht ce que D. Showalter appelle un adversaire « coopératif » dont les propres faiblesses (à commencer par les décisions et les choix évoqués, qu’ils soient de nature stratégique ou organisationnelle) ont joué un rôle tout aussi important dans l’issue du conflit que la supériorité doctrinale, stratégique et tactique allemande. En définitive, la défaite de 1940 sanctionne sur le plan militaire l’incapacité durable de l’institution militaire à se réformer à la fin des années 1930, c’est-à-dire à élaborer un corps de règles professionnelles, une organisation des moyens et une stratégie opérationnelle appropriés et adaptés à l’égard de la menace allemande, pourtant bien connue depuis longtemps dans sa nature, ses principales composantes et ses modes opératoires[59] [59] Se reporter par exemple à M. Alexander, « Gamelin...
suite.
51 En France, le développement des nouvelles technologies militaires (les chars et l’aviation mais aussi les transmissions qui sont un domaine trop souvent négligé) a généré des tensions internes fortes limitant leur autonomisation et conduisant à leur dépendance institutionnelle et doctrinale. L’infanterie a imposé ses vues et ses conceptions en fonction de son rôle pendant la Grande Guerre et des positions occupées au sommet de l’institution militaire, dans la haute hiérarchie comme au Conseil supérieur de la guerre, alors qu’en Allemagne comme en Angleterre, il en est allé autrement, sous des formes différentes, du fait de la spécificité des configurations de relations entre armes et des contextes (défaite de 1918 et refondation de l’armée allemande dans le cadre du régime nazi dans les années 1930 pour la première ; armée de terre faible chez la deuxième). En définitive, d’une certaine manière, seule la cavalerie « tirera son épingle du jeu » en raison de l’ancienneté, de l’institutionnalisation antérieure, de la légitimité de l’arme dans le cadre d’une modernisation de ses missions traditionnelles ; mais partiellement seulement et sans pour autant régler la question de l’attribution institutionnelle (en termes d’armes) des chars qui a conditionné leur organisation et leur emploi[60] [60] En associant par exemple les brigades légères...
suite.
52 Si le « conservatisme » de l’institution militaire a été souvent souligné dans cette perspective comme principale variable explicative, le paradoxe est qu’elle n’était pas pour autant dépourvue de novateurs (Flavigny, Héring, Doumenc, Prioux, Altmayer, Delestraint, de Gaulle, etc.), qui n’étaient pas tous marginaux au sein de l’institution. Et le pouvoir politique n’interviendra pas en ce « domaine réservé » pourtant décisif, incapable d’imposer à l’institution une réforme doctrinale pour des raisons qui restent encore largement à préciser mais auxquelles le mauvais fonctionnement des instances politico-militaires n’est sans doute pas étranger[61] [61] Par exemple, de 1936 à 1939, le Conseil supérieur...
suite. Jamais sans doute une guerre n’aura été préparée depuis des années avec des moyens aussi considérables[62] [62] Voir dans cette perspective J. -L. Crémieux-Brilhac,...
suite et n’aura dans le même temps conduit à un désastre d’une telle ampleur et d’une telle rapidité.
53 Faut-il pour autant incriminer sinon « condamner » sans appel et la stratégie défensive adoptée et la doctrine opérationnelle de la « bataille méthodique » ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où les choses ne sont pas aussi simples. La stratégie défensive, dictée pour partie par le rapport des forces et la nécessité de combler le retard français, avait sa logique et sa cohérence. En définitive et paradoxalement, la suite de la guerre validera largement ses présupposés (une guerre longue où les capacités de production, les facteurs économiques et industriels seront déterminants). Et en dépit des insuffisances dans certains domaines (l’aviation, et tout particulièrement le bombardement, la défense anti-aérienne, essentiellement), il ne fait pas de doute que l’armée française était beaucoup mieux équipée en mai 1940 qu’à la déclaration de guerre, l’effort de production ayant été considérable entre ces deux dates. On peut dire la même chose de la contribution anglaise, la consistance et la capacité de la BEF s’étant notablement accrues.
54 Quant à la conception de la bataille méthodique, si elle n’a pas permis de faire face à l’attaque allemande et s’est révélée partiellement inadaptée, elle est loin d’être la seule variable explicative comme on s’est efforcé de le mettre en évidence. Et il n’en demeure pas moins qu’elle n’était pas aussi éloignée qu’on pourrait le croire des conceptions mises en œuvre ultérieurement et avec succès tant par l’armée soviétique que par l’armée américaine. Paradoxalement, la bataille méthodique, sous sa forme américaine ou soviétique (rôle de l’infanterie et surtout de l’artillerie sans cesse croissant au fil de la guerre, emploi beaucoup plus limité des chars), a eu finalement raison dans la durée de la Blitzkrieg allemande. En définitive, la campagne de France apparaît comme un « cas d’école », tout à la fois exemplaire (dans sa rapidité comme dans sa forme pure et ses modalités), mais aussi très spécifique, et donc non nécessairement transposable ou généralisable.
55 Dans un contexte donné d’isolement international et d’absence d’alliances politico-militaires, lequel n’est pas une variable extérieure et indépendante mais le produit d’une politique à laquelle l’institution militaire n’est pas totalement étrangère[63] [63] On retrouve ici cette variable centrale évoquée...
suite, il doit beaucoup à deux spécificités : d’une part, à l’avantage temporaire de l’initiative et de la surprise dont bénéficie l’attaquant. Mais, d’autre part, il est aussi fonction de la particularité géostratégique française qui en fait un pays extrêmement vulnérable et difficile à défendre du fait de son absence de profondeur stratégique, le « miracle de la Marne » constituant en définitive une exception. Mais cette fois-ci, le « miracle » ne s’est pas renouvelé. Et dans cette issue fatale et désastreuse, certains choix et décisions stratégiques du haut commandement ont pesé particulièrement lourd. Ils ont affaibli les capacités d’action ou de réaction de l’institution militaire et ont considérablement aggravé les effets de ces deux particularités.

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boisbouvier
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 21:06

La matière molle suppose que la matière dure existe. En ce qui concerne notre défaite de 1940, quelle matière est la plus dure, sinon cette doctrine militaire défensive de l'état-major opposée à la doctrine militaire offensive des Allemands ? Je ne crois pas personnellement à une décadence de nos cadres militaires ou de la troupe et suis persuadé au contraire que chacun a cherché à faire son devoir mais qu'il fut pris à contrepied par l'évolution de l'armement et par l'emploi judicieux qu'en firent les Allemands.
Méfions-nous des approximations faciles du genre : quand les Allemands écoutaient du Wagner, nous, nous écoutions Tino Rossi.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyLun 14 Mai 2012 - 22:04

C'est tout ce que vous avez à dire des interventions précédentes ? Quel est le rapport avec l'argumentaire apporté par Alain ?

Pour rappel, vous nous devez encore quelques citations...
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boisbouvier
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyMar 15 Mai 2012 - 6:35

Citation :
C'est tout ce que vous avez à dire des interventions précédentes ? Quel est le rapport avec l'argumentaire apporté par Alain ?

La réponse d'Alain Adam me semble globalement "dilatoire".
La question que j'avais mise dans le débat était bien "offensive contre défensive" n'est-ce pas ?
Or, je ne vois pas qu'il l'aborde. Il prend, comme on dit, la tangente.
Il se trompe aussi quand il dit : "Jamais sans doute une guerre n’aura été préparée depuis des années avec
des moyens aussi considérables[62] [62] Voir dans cette perspective J.
-L. Crémieux-Brilhac,...
suite et n’aura dans le même temps conduit à un désastre d’une telle ampleur et d’une telle rapidité."

Ce qui est arrivé en mai 40 en France et en Belgique avait été précédé par ce qui s'était passé en Pologne en septembre 39 et s'est poursuivi en 41 en Grèce, en Libye et en Russie. La supériorité aérienne et terrestre allemande conférée par l'offensive combinant les matériels modernes (avions, chars, divisions motorisées) s'y est poursuivie, dit le général George qui ajoute qu'en Russie la profondeur stratégique fit la différence.
La campagne de Pologne se déclenche le 1° septembre 1939. "Priorité aux objectifs aériens." C'est du Douhet pur, dit Vauthier. Et le 3, au bout de 48 heures, le chef d'état-major de l'armée polonaise pouvait dire au général Münch, attaché militaire français : "La Pologne n'a plus ni production, ni chemins de fer, ni ravitaillement, ni communications, c'est un grand corps paralysé" (témoignage du 1°août 45). Ça rappelle la guerre des six jours menée par Israël en 66.
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MessageSujet: Re: Offensive contre défensive   Offensive contre défensive - Page 6 EmptyMar 15 Mai 2012 - 7:28

Je ne dis rien du tout , j'ai trouvé un article qui me semble tout a fait en rapport avec la discussion .... et j'en ai donné l'adresse et une copie du texte . Je n'en suis pas l'auteur !

A défaut de répondre correctement , il serait souhaitable de lire correctement !

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