Mouthe (Doubs) :" la valise aux 88 identités allemandes"

Pour information
69 années après ...

"Pontarlier.
La démarche de Michèle G... n’a pas pour but de raviver le passé, une période peu glorieuse de la commune de Mouthe, comme il y en a eu d’autres, ailleurs pendant la Seconde Guerre mondiale. « Il y a des familles qui vont savoir ce qu’est devenu un père ou un grand-père. C’est ce qui m’importe. Mais aussi de libérer les consciences de ceux qui sont toujours là, en mettant un point final à cet épisode. »Hier, Michèle Galmiche a reçu chez elle le consul général d’Allemagne pour lui remettre une valise abandonnée dans laquelle se trouvent des documents historiques : 61 livrets de service et 63 fiches personnelles représentant 88 identités différentes de garde-frontière, dont certains ont été tués pendant les combats pour la libération du village. Cette valise, c’est un condensé d’histoire. Et d’émotion. Elle recèle énormément d’informations très détaillées sur ces soldats. Leur âge, les noms des membres de leur famille, leur appartenance au parti ou non, leur religion. Mais surtout les noms et les photographies de soldats dont certains ne sont jamais rentrés chez eux. « Cela faisait longtemps que j’avais envie de faire quelque chose de cette valise, sans trop oser en parler au départ. Et puis, il y a eu cette rencontre avec C-A R... et A C.. qui m’ont aidée. »
Les deux amis suisses de Michèle G... vont en effet lui permettre d’entrer en contact avec le consulat d’Allemagne, mais également de procéder à des recherches sur ces soldats ainsi que sur la Libération.
Pendant la guerre, Mouthe est occupé. Du fait de la proximité avec la Suisse, les Allemands sont nombreux. Des chasseurs alpins sont ensuite remplacés par des garde-frontière, considérés comme des soldats d’élite et dépendant du ministère des Finances, répartis à Mouthe et sur les postes secondaires. Soit environ 150 Zollgrenzschütz.
Le grand-père du mari de Michèle G..., qui s’est illustré en aidant des gens à passer la frontière, est contraint d’accueillir un lieutenant sous le toit familial. C’est sans doute lui qui conservait les fiches personnelles etles livrets de service de ses subordonnés et qui a laissé la valise dans la cave de la maison au moment d’un départ précipité. Quelques semaines avant la Libération, cette unité de Zollgrenzschütz est renforcée par des Cosaques pour lutter contre le Maquis. L’effectif de l’occupant, au total, est d’environ 500 hommes.

Certains ont été fusillés après s’être rendus
Le 4 septembre 1944, ils sont encerclés par l’armée de libération, le 3ème Régiment de tirailleurs algériens et les Résistants. Les combats, qui n’ont duré que quelques heures, ont fait 5 morts côté Français et plus de 80 côté Allemands. Entre 20 et 30 soldats ont été fusillés après s’être rendus, dans une grange en face de la mairie. Soixante-seize corps ont été enterrés dans une fosse commune, sans moyen d’identification. Les responsables de l’attaque, qui n’étaient pas originaires de la commune de Mouthe, ont enlevé les plaques d’identification personnelles.
En 1958, les Allemands ont exhumé les corps. Seule une vingtaine d’entre eux ont pu être identifiés. Environ 170 prisonniers ont été conduits début septembre 1944 dans le Jura. Quelques dizaines ont réussi à s’échapper en rejoignant les Allemands du côté de Pontarlier et autant sont parvenus à être internés en Suisse. Les papiers de la valise de Michèle G.... leur appartenaient peut-être. Âgés de 30 à 50 ans au moment de la guerre, ces 88 soldats ont sans doute des familles, que l’Allemagne s’est aujourd’hui engagée à retrouver."
Lisa LAGRANGE

Lu dans "L'Est Républicain" du 21 février 2013.

Cordialement !

Bonjour Claude,

Impressionnant ! Et cela fait froid dans le dos ces exécutions en masse...

C'est très bien d'avoir rendu la valise et son contenu aux autorités allemandes.

Cordialement,

Thierry Moné

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Bonjour Thierry !
Ce sont des moments "terribles" que les guerres engendrent, hélas ... !
Ce qui est certain, c'est que les Meuthiards ont subi une occupation très dure (frontière avec la Suisse) ... (j'essaie d'expliquer, pas d'excuser) ...
Il faut que je retrouve le bouquin d'Henri Marandin sur la Libération de Mouthe ...

Cordialement !

Bonjour à tous !

Je me suis "replongé" dans deux ouvrages : "Mouthe libéré 4 septembre 1944" d'Henri Marandin (alors adolescent, témoin oculaire du combat) - 1999, et "Les maquis de Franche-Comté" André Besson - 1978 ... Je n'ai pas le livre d'Henri Amouroux "Tome IX "Les règlements de comptes" 1991, pages 467 à 469) ...

La ville était occupée par environ 500 hommes, dont une cinquantaine de douaniers repliés des autres postes, ainsi que des SS et des soldats ukrainiens, qui établirent de solides postes de défense, alors que les actions de la résistance se multipliaient aux alentours ...
A partir du 1er septembre, "le garde-champêtre flanqué de deux allemands annonça que désormais nul ne devait sortir de chez lui", sauf pendant une heure pour aller chercher le pain, et que quiconque enfreindrait cet ordre serait abattu ( C'est ainsi que monsieur F., père de trois enfants, fut abattu sans sommation) ...

Le 4 septembre, les combats de libération de la ville "fortifiée" durèrent 4 heures 30 et furent très violents ...

Pour résumer, selon le premier auteur, deux actions "regrettables" (ce qualificatif est mien ; l'auteur parle "d'incidents qui se produisent dans l'action) :
- une dizaine d'Allemands prisonniers tués sur les cinquante que comptait une colonne conduite par des FFI en queue de la cohorte ( peut être suite à une possible méprise ??? ... )
- en pleins combats, un groupe d'Allemands désarmés a été poussé dans une remise ... "Un second groupe arrive ; l'un d'entre eux, appartenant à l'AS de Champagnole, tire avec son arme automatique. Fébrile, excité, comme le sont beaucoup de ces combattants au baptème du feu. Agé de vingt ans ... On apprendra que son frère a été tué deux jours plus tôt. Un second, appartenant à un groupe FTP, pourtant plus âgé, l'imite ; son fils avait été tué par un milicien à Champagnole. Le chef FTP Gustave intervient énergiquement, alerte Benoit qui fait placer une garde .. Cela s'est passé en quelques instants ! ... On retirera 12 corps criblés de balles et quelques rescapés ...

"Il est bien évidemment abusif d'écrire, comme l'a fait Henri Amouroux qu'à Mouthe "des prisonniers allemands ont été massacrés de sang-froid". On peut tout au plus invoquer le règlement de comptes quand on sait ce que les nazis et la milice ont fait dans le Jura. Sans justifier cet incident pour le moins fâcheux et certainement dramatique, il faut tenir compte de l'âpreté du combat, de l'intensité des agressions auditives et visuelles qui l'accompagnent, de la volonté voire de la rage d'en découdre des résistants qui voulaient libérer le territoire .../.. Il n'est pas facile d'être soldat du jour au lendemain ".

D'autres scènes "regrettables" auront lieu dans la soirée du 4 septembre : si l'enlèvement des bottes peut se comprendre tant les maquisards sont mal équipés, celui des alliances, geste isolé d'un FFI de la dernière heure, constitue un acte de vol aggravé.

A noter que la population, malgré les souffrances endurées, ne fut pas "hystérique" ; des habitants sont intervenus pour protéger ces douaniers allemands qu'il connaissaient bien ...

En 1967, un douanier allemand , Hermann S..., est venu à Mouthe pour remercier les habitants de l'avoir épargné.

"La guerre est une chose horrible, le répétera-t-on jamais assez ?"

Voilà, en quelques lignes, ce qui a pu se passer ce jour là ... !

Cordialement !