6e Batterie du 371e RALVF

Bonjour , mon père a été mobilisé le 6.9.1939 à la 18° Bie du 372° puis le 1.4.1940 est passé à la 6° Bie du 371 (son tube était RANAVALO) pour être démobilisé à Montastruc-la-Conseillère le 18/7/1940. Quelqu'un aurait-il des infos sur l'historique de cette batterie?  ...  (Mon Général ?)

Bonsoir,

L'histoire de cette batterie d'obusiers de 400 s'inscrit dans celle de notre "artillerie de grosse destruction" qui, malheureusement n'a connu aucune occasion d'emploi lors de la campagne de 1939-1940.
Pour résumer:
-en 1918, les obusiers de 400 sont considérés comme "l'arme miracle" de l'artillerie française. Ils ont connu la célébrité lors de la reprise du Fort de Douaumont en 1916 et surtout lors de l'écrasement des grands tunnels et abris qui ont causé des centaines de pertes humaines à l'Armée allemande (Mont Cornillet en mai 1917, Tunnels du Mort-Homme en août 1917, Carrières du Montparnasse en octobre 1917).
-après 1918, l'emploi des batteries de 400 est encore prévu dans les plans de mobilisation mais dès 1927, ils disparaissent des plans de mobilisation.
-en 1937, la construction du Westwall impose le retour en grâce des gros obusiers de 400. Les Plans E puis E bis prévoient donc la mobilisation de huit obusiers de 400 sur le total de 12 obusiers construits et disponibles.

-en septembre 1939 sont donc mobilisés dans ce cadre:
...le Ve Groupe du 372e RALVF: 13e et 14e batteries.
...le VIe Groupe du 372e RALVF: 16e et 17e batteries.
Chaque batterie de 400 comprend deux obusiers de 400 modèle 1915 ou modèle 1916.

-dès l'automne 1939, la mobilisation de deux autres batteries de 400 est décidée:
...15e batterie du Ve Groupe du 372e RALVF.
...18e batterie du VIe Groupe du 372e RALVF.
L'organisation définitive de ces deux dernières batteries ne sera achevée qu'en 1940 (révision des matériels, instruction).

-le 1er avril 1940, une réorganisation partielle de l'ALVF est réalisée afin de donner plus de cohérence aux Régiments. Le 371e RALVF regroupe tous les Groupes et batteries de grosse destruction et le 374e RALVF les unités dotées de matériels permettant le Tir Tous Azimuts, le 370e RALVF est le régiment des services, les 372e et 373e RALVF servent les matériels à grande portée à Glissement et à Berceau.

-au 1er avril 1940, le VIe Groupe du 372e RALVF (16e, 17e et 18e batteries) devient donc le IIe Groupe du 371e RALVF (4e, 5e et 6e batteries).

Principaux événements concernant la batterie 18e/V/372 RALVF puis 6e/II/371 RALVF:

-23 novembre 1939: le colonel Blazy baptise les deux obusiers de 400 de la batterie: 1ère pièce "RANAVALO", 2e pièce "POMARE". Je pense que "RANAVALO" est le nom d'un artilleur malgache tué en 1917 ou 1918, époque où l'ALVF a reçu de nombreux jeunes africains, malgaches et créoles pour remplacer les artilleurs métropolitains des classes les plus jeunes de l'ALVF envoyés dans l'Artillerie Lourde de Campagne.

-22 janvier 1940: école à feu de 400 à Poivres dans le Camp de Mailly.

-1er avril 1940, le Groupe et ses trois batteries sont employés à des travaux d'ALVF à Challerange et dans les Ardennes, les matériels sont à Saint-Eulien.

-les batteries sont bombardées les 11, 12 et 13 mai 1940: aucun dégât.

-les matériels sont repliés via Sainte-Menehould, Wassy, Neuvy-sur-Loire, puis Neuvy-Pailloux (COALVF) le 24 mai 1940.

-les personnels sont constitués en batteries de marche pour préparer la défense de Meaux du 27 mai au 12 juin 1940.

-les personnels et matériels sont repliés vers le sud dans les conditions suivantes:
...les personnels sont le 13 juin 1940 dans le Loiret, le 16 juin en Haute-Vienne, le 21 juin en Dordogne, ensuite dans le Lot et Garonne et la Haute-Garonne où le colonel Leroy a créé un "Groupement du Sud-Ouest" afin de réunir puis de démobiliser les personnels de l'ALVF après l'armistice.
...les matériels quittent Neuvy-Pailloux et sont dirigés vers le sud via la ligne des Cévennes à partir de Clermont-Ferrand, les 400 ont dépassé Langeac à la date de l'armistice en route vers Nîmes.

Après l'armistice, les matériels seront tous ramenés en zone occupée et, après transit via Neuvy-Pailloux, sont dirigés sur l'Allemagne dès l'été et l'automne 1940.

Voici une photographie prise lors du baptême de l'obusier de 400 "RANAVALO" le 23 novembre 1939:

Cordialement,
Guy François.

Merci Mon Général pour votre réponse.               

Je connais votre notoriété, grâce à ATF40, mais aussi grâce à certains anciens de l’ALVF dont Mr BOEBAERT que j’ai connu dans les années 1990 (et qui m’a offert plus tard votre manuscrit écrit en 1983…).
Comme je m’intéresse beaucoup à l’Armée des Alpes j’ai une interrogation concernant la pièce de la 1iere section du 372.

J’ai eu l’occasion de correspondre (en 1993) avec le chef de pièce, faisant fonction d’officier de tir. Or beaucoup d’années plus tard et en lisant votre ouvrage chez H&F, j’ai appris et ai du mal à comprendre que les travaux de la plateforme n’était pas achevés lorsque la demande de tir, le 24 juin pour 40 coups, a été demandée, la pièce étant censée être sur place depuis le 2 juin. Pouvez-vous m’éclaircir sur ce sujet ?

Cordialement
Marc ENDINGER

Bonsoir,

Il y a une énigme concernant la 7e batterie du 372e RALVF (340 B modèle 1912).
Il est un fait que la 1ère section n'a pas tiré sur le littoral italien le 24 juin malgré les ordres de tir donnés, les travaux de sa plateforme de la position du Peillon-Sainte-Thècle "n'étant pas achevés". Des documents indiquent pourtant que la pièce occupe sa position dès le 2 juin 1940.
J'ai eu l'honneur de rencontrer dans les années 1980 le lieutenant Janssen de la même batterie. Cet officier a dirigé les tirs sur l'Italie effectués avec la pièce de la 2e section à Modane, cet officier a tiré son dernier obus sur la ville de Suse le 24 juin à 23h42.
Deux observations:
-le lieutenant m' a prêté les photographies de son album pour effectuer des contretypes, il y a de nombreux clichés de Modane mais aussi des photographies de la 1ère section au Peillon-Sainte-Thècle, plusieurs clichés montrent la pièce sur sa plateforme en position de tir.
-le lieutenant Janssen m'a dit aussi que lors du regroupement de la batterie à Livron après l'armistice, les artilleurs de la 2e section étaient fiers d'avoir tiré sur l'Italie alors que le capitaine (avec la 1ère section) n'avait pas tiré et que ces faits étaient commentés diversement à la batterie.
Je n'en sais pas plus. Le lieutenant Janssen était un officier de réserve énergique, ayant préparé son tir avec minutie et ayant même appliqué la "méthode de l'Amirauté britannique" pour mettre toutes les chances de son côté lors de tirs effectués sans réglage de l'aviation et sans observation terrestre. (j'ai la copie de son dossier de préparation du tir sur Suse). Je me demande si les ordres de l'Armée des Alpes, appliqués avec zèle par la 2e section à Modane, n'ont pas fait l'objet d'une restriction par une autorité intermédiaire en ce qui concerne les tirs prévus et ordonnés à la 1ère section? Ou alors un incident technique a empêché le tir? Rien dans les archives ne vient étayer ces hypothèses.
Que vous a dit exactement le chef de pièce de la 1ère section dans ses correspondances?
Cordialement,
Guy François.

Bonjour, l’échange de courrier a été assez bref (et date de 1993, comporte quelques incohérence et je dois reconnaitre qu’à cette époque j’avais d’autres activités…).
Il ne m’a pas donné la raison pour laquelle la pièce n’a pas tiré. Il m’a simplement  indiqué qu’il n’y avait qu’un seul épi de tir (sans précision) et que l’objectif aurait été « la gare de triage près de Vintimille et le QG  du 15 CA italien (ce point sous toute réserve – écrit par lui) ».
Il m’a également précisé que 50 projectiles étaient approvisionnés à proximité de la voie.
Les pièces ont ensuite été regroupées à Raphèle-les-Arles ( ??? puis Tournon ???) où «ils ont séjourné quelques temps» avant de les rendre à la commission d’armistice italienne. Ensuite « tout le personnel a été dirigé sur Montélimar et intégré dans une unité régionale ».
Il a été démobilisé à Montélimar le 2/8/1940.

Les pièces étaient en bon état mais les verrous de tir avaient été retirés ainsi que tous les manuels et documents.
Il m’a aussi précisé qu’entre la période de mobilisation et celle où il a rejoint la pièce il a participé à une mission topographique près de Thonon en vue de construire ultérieurement des épis de voie de tir ainsi que leur raccordement aux voies ferrées pour les deux pièces et le train de tir. Cela  dans le cas où les Allemand ne respecteraient pas la neutralité Suisse.

Concernant le fait que la pièce n’a pas tiré il faut préciser que les 22 et 23 juin une activité assez intense de l’aviation Italienne a eu lieu  sur les fortifications du littoral des Alpes Maritimes, avec peu de résultats, dû en grande partie à la mauvaise météo gênant l’observation. Le 24 juin cette aviation n’a pas été engagée en raison de la météo déplorable (d’après un rapport Italien).

Vu les délais de mise en batterie et le risque d’attaque aérienne cela peut expliquer l’absence de tir ?

Cordialement
Marc ENDINGER

Bonsoir,

Je ne crois pas au danger aérien italien tant à Modane qu'au Peillon-Sainte-Thècle et qui aurait pu justifier l'absence de tir au Peillon-Sainte-Thècle.
De surcroît, les emplacements, soigneusement étudiés dès le temps de paix, étaient à peu près en dehors du champ d'action de l'artillerie italienne. Ainsi, à Modane, tous les coups tirés par l'artillerie italienne étaient soit très longs, soit très courts du fait de l'emplacement de la position, calculée en fonction des caractéristiques des canons italiens, des positions probables des batteries italiennes et des protections apportées par la topographie des lieux (masques, relief, etc...).
Concernant le Peillon-Sainte-Thècle, il n'y avait effectivement qu'un seul emplacement, la plateforme était bien en place au moment de l'entrée en guerre de l'Italie et le canon de 340 B y a pris position. La mise en batterie d'un 340 B sur plateforme construite est très rapide, de l'ordre de 20 minutes seulement.
Les reconnaissances évoquées par votre correspondant sur la frontière suisse sont bien réelles. Il y a de nombreux documents au SHD dont ceux des reconnaissances de mai et juin 1940.
La batterie a été réunie à Livron après l'armistice, l'album du lieutenant Janssen contient beaucoup de photographies des deux canons de 340 B et des artilleurs jusqu'au repas de "clôture de l'ordinaire" juste avant le départ des personnels démobilisés!
Cordialement,
Guy François.

Bonjour, merci pour ces précisions, donc la non-exécution des tirs reste un mystère, d’autant que du personnel du 370° aurait aménagé la position avant l’offensive italienne.
Il faudra qu’un de ces jours je monte à Vincennes consulter les dossiers du commandement  de l’artillerie du 4° bureau de l’Armée des Alpes et le JMO de l’artillerie du XV° CA, il y aura peut-être une info ?
Auriez-vous également des renseignements sur les 2 pièces de la 4° Bie du 374° qui a tiré sur Menton ? (cheminement avant d'arriver à Eze, emplacement plus précis des pièces et destination finale)

Cordialement
Marc ENDINGER

Bonsoir,

Concernant la 4e batterie du 374e RALVF (3 pièces de 194 modèle 70-93):
-mai1940: secteur de la IVe Armée, quelques tirs sur la Sarre.
-26 mai 1940: ordre au 2e Groupe (4e et 5e batteries) de faire mouvement sur l'Armée des Alpes.
-28 mai 1940: Groupe concentré à Livron, reconnaissances de positions à Sospel, gare de l'Escarène et sur voie ferrée de Cannes à Grasse (interdiction de débarquements dans Baie des Anges, Golfe Juan, Baie de la Napoule), missions: 4e batterie défense du littoral, 5e batterie en attente à Gap.
-22 juin 1940: 4e batterie détachée du Groupe, dirigée sur Nice-Saint-Roch. Un déraillement d'une pièce et d'une locomotive pétroléo-électrique Crochat de 120 CV oblige à ne déployer à Eze que deux pièces (emplacement exact non connu à ce jour)
-24 juin 1940: 50 coups tirés en avant de Pont-Saint-Louis et Menton.
-après l'armistice, le 2e Groupe entier est concentré à Livron en attente de livraison à l'Italie en juillet 1940...
Toutes les pièces ALVF en service à l'Armée des Alpes doivent être livrées à l'Italie qui pourra ainsi dénommer ces pièces "Preda bellica". Le pire est que de nombreux "auteurs" (dont des français!) font état de ces "prises de guerre" pas vraiment conquises de haute lutte!
Cordialement,
Guy François.

Merci mon Général pour ces précisions ... et je suis tout à fait d'accord avec vous concernant votre conclusion ...
Je viens aussi de retrouver dans mes archives un article paru dans l'Affut-truck en mars 1990 sur le 2° Groupe en question.
Cordialement
Marc ENDINGER