Bonjour,
Un petit supplément concernant Turquin à la tête de la BAL :
Il commande la brigade d’Annam-Laos à partir d’octobre 1940. Promu général de brigade en mai 1941 puis général de division en février 1944. Rentré d’Indochine en mai 1945, il est remis au grade de général de brigade et mis à la retraite d’office en septembre 1945, la commission d’épuration ayant révélé qu’il avait fait preuve d’opportunisme, ayant d’abord cru à la victoire de l’Allemagne et exprimé des opinions collaborationnistes avant de se montrer favorable à la résistance. On lui reproche aussi d’avoir fait preuve de passivité lors du coup de force japonais de mars 1945. Il s’en défendra en avançant avoir constitué une unité de chasseurs laotiens qui opéra en guérilla contre les Japonais et avoir dirigé de son mieux les opérations, ce que deux témoignages confirmeront. Ces dispositions annulées en mai 1946, il sera réintégré dans les cadres mais remis à la retraite d’office comme général de brigade. Un troisième examen de la commission d’épuration en décembre 1947 le reconnaitra comme ayant nettement fait état de sentiments pro-vichyssois. Il sera donc considéré comme ayant été placé, sans emploi, dans le cadre de réserve depuis mai 1946. Il décédera le 8 décembre 1975 à Toulon (Var).Dans le détail concernant son commandement à la tête de la BAL, voici le rapport sur le général TURQUIN établi par le capitaine BOUVERET de l’EM du Gal MORDANT, CS en Indochine :"En Indochine, dans tous les milieux, civils et militaires, le général TURQUIN avait la réputation d’un fou et d’un collaborationniste.
Il avait transformé sa maigre brigade en un véritable cirque. Ses créations, les « spécialités » de la brigade d’Annam-Laos – grimpeurs d’assaut, académies de tir, pépiniéristes-horticulteurs, porchers de n° Classe… etc – avaient fait rire toute l’Indochine, hormis ses administrés.
Il s’était mis dans la tête, dès 1941, de créer, non loin de HUE, à PHU-BAI, un camp pour une division. L’époque n’était guère aux réalisations de ce genre ; tous les moyens manquaient et l’endroit baptisé « l’oasis » était, de l’avis unanime, le plus malsain de l’Annam. Cependant, durant 4 années, malgré les nombreux cas de paludisme constatés, détournant de leur affectation, pour les engloutir à l’oasis, tous les crédits qui lui étaient alloués ; usant dans ce but d’une mauvaise foi persistante, le général T. ne s’est guère préoccupé que de la réalisation de son projet, y employant toutes ses ressources en hommes et matériel.
La brigade d’Annam-Laois ne fit pas une seule manœuvre pendant cette période, parce qu’aucun thème n’était jugé « parfait » et les unités qu’elle détachait tous les ans au Tonkin ne s’y montraient pas brillantes ; l’oasis seul comptait et c’était le cauchemar de tous les cadres qui y faisaient stages sur stages, pour s’y livrer aux pitreries d’usage. Les résultats obtenus dans ce fameux camp étaient d’ailleurs dérisoires. Quelques misérables bâtiments dans un désert – mais les européens, officiers et sous-officiers, étaient parvenus à un degré de lassitude et d’exaspération qu’il est difficile d’imaginer ; les plus modérés vouaient au diable le général et ses insanités.
Quelques officiers, dont plusieurs officiers supérieurs, avaient parfois essayé de résister aux « fantaisies » du général : celui-ci devenait alors féroce et par tous les moyens accablait les réfractaires.
Le général MORDANT, qui avait quelque temps fermé les yeux sur les méthodes de la brigade d’Annam, était excédé, et avait plusieurs fois rappelé à l’ordre le général T.
La façon dont le général T. fut en juillet 1944 écarté du Commandement de la Division du Tonkin est significative : le général MORDANT et le général AYME, son successeur désigné, ne voulaient à aucun prix confier cette division au général T. ; mais il y avait 2 divisionnaires en Indochine, le général DELSUC, commandant effectivement une division (Cochinchine-Cambodge) et le Général T. commandant une petite brigade. Le général M. pensait bien que le général T., si la place lui était offerte, ferait des manières pour l’accepter. L’hypothèse se confirma : le général T. allégua ses habitudes, son attachement à sa brigade ; et l’on se hâta aux premiers mots, de prendre acte de son refus ; personne n’en parla jamais plus, au grand désappointement de l’intéressé.
La division du Tonkin fut donnée à un brigadier et le prestige du général T. n’y gagna rien : dans les derniers mois, la situation était telle dans sa brigade que le général M. était décidé à l’éloigner. Restait à trouver le procédé : le général M. avait même pensé à l’envoyer à Shanghai, en remplacement du général EYSSAUTIER, malade.
Ces dernières années, le général TURQUIN ne cachait pas son admiration pour l’Allemagne et ses opinions collaborationnistes étaient bien connues. Il s’était même laissé aller à quelques professions de foi publiques. De nombreux témoignages à ce sujet pourraient, après la libération, être recueillis en Annam.
Le général T. était très lié avec le Résident Supérieur GRANDJEAN, admirateur forcené de l’Allemagne, auteur en particulier, de plusieurs articles du journal « France-Annam » où il était démontré que géographiquement, économiquement, et pour bien des raisons, le sort de la France était lié à celui de l’Allemagne : le général T. avait les mêmes opinions et le disait.
Il était entouré d’une clique de quelques officiers, pro-allemands et qui le clamaient ; certains d’entre eux, individus très douteux, étaient chargés de la basse police.
A signaler qu’en 1942, le général et cette clique fit effectuer des perquisitions chez plusieurs officiers de la brigade, soupçonnés de Gaullisme.
Comme tout commandant de Grande Unité, le général T. fut appelé à s’occuper de la préparation de la résistance sur le territoire de son groupe de subdivision. Il ne cessa de freiner l’organisation des Groupes S.A. (groupes de résistance destinés aux destructions et à la guérilla, composés de civils et de militaires) leur refusant tous moyens en personnel et matériel.
Convoqué à plusieurs reprises à ce sujet par le général M., il promettait tout, et rentré chez lui, ne donnait rien ; cependant que, envers et contre tout, « l’oasis » continuait.
Parmi la population civile, et à HUE en particulier, où ses absurdités et ses sentiments pro-allemands étaient connus de tous, le général T. avait une réputation détestable. Lorsque le délégué de la résistance en Annam, recherchant un adjoint politique, avait contacté M. X, administrateur de 1ère classe, brimé par le gouvernement DECOUX, celui-ci avait immédiatement demandé en parlant du général T. :
« J’espère que ce s… n’en est pas ? » C’était l’opinion unanime et, s’il avait été possible d’expliquer à M. X … que l’utilisation du général T… était obligatoire, mais qu’elle se limiterait au seul domaine militaire, sans aucune attribution politique, il avait été jugé nécessaire par contre, pour éviter un discrédit immédiat et l’échec de tout recrutement, de laisser ignorer ses fonctions à tous les autres membres civils de la résistance."
Cordialement,
Vincent