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 Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire

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Nicolas Aubin
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MessageSujet: Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire   Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire EmptyVen 11 Juin 2010 - 20:04

J'ouvre ce fil pour répondre à certaines questions de Mick ou Clausewitz sans polluer mon fil sur le miracle de la Meuse. Ce serait un comble de le faire après avoir appelé à recentrer le sujet.

Tout d'abord pour Clausewitz, un "what if" signifie "quoi si"... en français littéral et dans l'esprit "Et si....". Bref c'est un anglicisme couramment employé par les wargamers pour parler d'une uchronie. C'est une réflexion sur les conséquences qu'auraient pu avoir si un simple événement avait été modifié.

Pour Mick qui demande des précisions sur le statut de l'Historien en France.
Je ne pense pas que l'abus de ce titre soit puni par la loi en France pour la bonne raison que ce titre n'existe pas. Il n'y a pas de confréries des historiens ou d'ordres des historiens comme il y a ceux des journalistes, des médecins ou des avocats. Il existe des titres universitaires (agrégation), des diplômes (licence, master, doctorat) mais aucun ne délivre un quelconque titre d'historien.



Alors qui est considéré comme historien en France ?

Pour moi, est historien en France, celui qui respecte la méthodologie et la déontologie de l'école historique française :

· Travailler à partir de sources (archives, entretiens,…) et non de productions faites par d'autres.

· Que ces sources sont critiquées tant concernant le fond que sur la forme

· Que les sources soient croisées

· Qu'il y ait une analyse problématisée et non une simple compilation de la source et que toute affirmation soit argumentée à l'aide de sources dument citées. L'historien n'est pas un chroniqueur, il explique autant qu'il décrit.

· Que les sources soient référencées, que toute publication soit accompagnée d'un appareil bibliographique complet permettant au lecteur de vérifier par lui-même…. (NB : C'est mon grand regret que GBM n'applique jamais cette règle. Cela ne prendrai pourtant pas de la place que de citer les quelques cotes utilisées)

· Que la production apporte du neuf à la connaissance historique (soit en étudiant un épisode de l'histoire non étudiée jusque là, soit en réinterprétant un fait déjà étudié en l'éclairant d'une manière nouvelle (à l'aide de nouvelles sources par ex).



Cette méthodologie a été brillamment décrite par quelques figures comme Marc Bloch ds "Apologie pour l'Histoire ou métier d'historien".



Cette méthodologie est bien évidemment enseignée à l'université mais rien n'empêche d'être autodidacte car elle suit des règles de bon sens. Notons que c'est seulement à partir du master 1 (4e année d'étude) que l'étudiant réalise son premier (modeste) travail d'historien avec la réalisation d'un mémoire de maitrise. La validation d'une thèse de doctorat (bac + 7) montre que l'étudiant est capable d'appliquer cette méthodologie sur un sujet d'ampleur.

C'est pour cette raison que l'on peut trouver en quatrième de couverture des présentations d'auteurs qualifiés d'historiens mais dépourvus de diplômes… cela n'est pas abusif si celui-ci a respecté la méthodologie.



Si vous pensiez qu'être historien c'est connaître l'histoire en particulier l'histoire militaire, je vous mets en garde car l'histoire événementielle et en particulier l'histoire bataille n'a pas bonne réputation en France et l'on n'y étudie presque jamais les guerres en tant qu'opérations militaires. Il y a très peu de spécialistes des questions militaires (Vaïsse, Quetel, Lean Luc Leleu…) et même eux n'abordent ces questions qu'indirectement (Vaïsse est surtout un spécialistes des relations internationales, Leleu est un sociologue ou un politologue comme le montre sa thèse sur la Waffen SS). La plupart des universitaires commettent de grosses bourdes quand ils se risquent à parler d'opérations militaires (je pense par exemple à une thèse sur "les volontaires français des brigades internationales en Espagne "qui est remarquable sur ses aspects pol, sociologique, culturel mais qui est bien naïve sur la dimension militaire).

Bien sûr je développe ici mon point de vue qui n'engage que moi.



Cordialement

Nicolas
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Clausewitz
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MessageSujet: Re: Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire   Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire EmptyVen 11 Juin 2010 - 20:11

On rencontre des gens vraiment biens grâce à ce Forum
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Thierry Moné
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MessageSujet: Re: Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire   Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire EmptySam 12 Juin 2010 - 17:49

Bonjour,

Merci pour cette remarquable mise au point aussi utile qu'intéressante. Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire Icon_biggrin

Je voudrais cependant préciser que le "what if" ne se limite pas à ce qu'en font les adeptes de l'uchronie. En effet dans le raisonnement qui précède la prise de décision (militaire ou civile), on trouve toujours une phase de "what if" qui sert à confronter les modes d'action retenus après étude des différents facteurs à... la réaction de l'adversaire ou à l'imprévu. Le "what if" influence donc bien souvent le choix du mode d'action retenu.

Cette confrontation existe dans les méthodes de raisonnement tactique ou opérative de nombreux pays (cf. Kriegspiel de Coblence avant la Campagne allemande à l'Ouest, le "Decision making process" US et autres méthodes). Il me semble me souvenir que nos "ennemis" britanniques avaient même mis en place un officier chargé de critiquer l'état-major de haut niveau dans lequel il était employé (niveau opératif surtout) selon le principe du "what if". Cet officier avait, de par sa fiche de tâche (job description), une grande liberté d'action et d'intervention. Certaines armées modernes cultivent à l'envi ce très intelligent principe, d'autres moins... (suivez mon regard). Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire Icon_wink

Pour ma part, mais cela n'engage que moi, je n'ai absolument aucune attirance pour "l'uchronie des historiens" que j'ai tendance à considérer d'instinct (donc sans raison argumentée) comme une très grande perte de temps alors qu'il reste tant de mythes et de légendes à "démonter" par une recherche des sources et non par la compilation des écrits précédents (cf. les écrits récents des Max Gallo et autres "malins"). Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire Icon_redface

Je précise, afin de ne pas faire l'objet d'une "corvée de bois", que je n'ai rien contre les "uchronistes" et que je lis d'ailleurs assez souvent leurs productions. Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire Icon_study

Merci encore pour ce beau billet !

Thierry Moné
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Thierry Moné
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MessageSujet: Re: Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire   Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire EmptySam 12 Juin 2010 - 17:58

En complément de mon précédent billet, voici un exemple de liberté d'expression militaire dans le cadre du "what if":

http://www.typepad.com/services/trackback/6a00e008d663eb88340133f077755e970b
Listed below are links to weblogs that reference Un entretien avec le colonel Gentile (US Army), opposant à la contre-insurrection:

Thierry Moné
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aqva
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MessageSujet: Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire   Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire EmptyLun 14 Juin 2010 - 12:01

Bonjour,

Merci pour ces excellentes contributions.

La tendance que vous décrivez est l'"écoles des annales" (pour ceux qui ne le sauraient pas), qui avait pour but de mettre fin à l'histoire bataille du 19ème siècle, qui résumait l'Histoire à une suite d'évènements politiques et militaires décousus, et de mettre en avant les temps longs et les phénomènes sociaux économiques.
Cette réforme était parfaitement justifiée à l'époqueoù elle a été initiée, tant l'histoire bataille était caricaturale, mais a été victime de son succès car l'école française s'est mise à tomber dans le travers opposé en ignorant totalement l'histoire militaire.

Cela explique le niveau déplorable de nos historiens en matière militaire, et c'est d'autant plus que regrettable que c'est les plus médiatiques qui semblent le moins en savoir. Il est impossible de trouver un ouvrage de niveau correct qui n'aie pas été écrit par un étranger.
Crémieux brillhac fait exception mais il n'est pas vraiment universitaire (c'est un témoin direct de l'époque) et l'on sent bien que son domaine c'est l'analyse économique et politique, pas le domaine militaire. Ce qui le rend au passage exagérement optimiste sur les possiblités de l'AF.

Cela a contribué à répandre tout un tas d'idées que je trouve très gênantes, comme par exemple le culte du chef (de gaulle bien sur, qui aurait gagné la guerre à lui tout seul si...), l'idée que la défaite de 1940 était un accident ou de la malchance ou la conséquence d'un grand EM incroyablement mou (donc de la malchance). A contrario a longtemps circulé la thèse inverse du défaitisme et de l'impréparation qui n'est plus en vogue.
Ca discute beaucoup questions économie, sociologie et politique, c'est une bonne chose mais ca ne peut pas expliquer le résultat de la campagne (où à mon humble avis les question purement militaires ont joué à 99% dans le résultat final et le reste pour 1%).

C'est d'autant plus dommage que cela pénalise énormément nos armées qui doivent se nourrir d'une bonne recherche universitaire indépendante pour mener une réflexion sur leur réforme. Je vous conseille de voir "command or control?" de sammuels, qui bien qu'il soit un petit peu manichéen (allemand=bien, anglais=mal), aborde pas mal le problème du fonctionnement des insititutions et de la recherche militaire comme cause de l'inefficacité britannique et de l'efficacité allemande dans la première guerre mondiale.


A titre purement personnel, je trouve que nos chefs ont les même défauts que celle de 1940. Très éloquents sur les questions stratégique, économique, politique, sociales mais perdus dès qu'on entre dans le domaine technique et tactique.
Quand je compare avec les officiers allemands de la seconde guerre mondiale pour qui il était inimaginale de ne pas connaitre le matériel et de ne pas se trouver à commander de petites unités (ce qui arrivera très souvent), je me dis qu'il y'a un problème. Ce n'est peut être qu'une impression mais ce ne me rassure pas...


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Nicolas Aubin
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MessageSujet: Re: Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire   Uchronie, what if, historien et passionné d'Histoire EmptyLun 14 Juin 2010 - 16:27

Merci à tous pour ces compléments d'informations bien utiles.
Je précise juste car cela peut induire en erreur qu'au début du mon message lorsque je parle de Clausewitz, je parle de notre sympathique camarade de discussion et non du célèbre théoricien allemand.

Je commande de suite le Samuels qui semble aborder l'histoire militaire comme je l'aime, c'est à dire expliquer les événements en montrant qu'ils sont souvent les conséquences d'une culture militaire propre à chaque pays.

Cordialement
Nicolas
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