Bonjour à tous !
Vous trouverez ci-dessous la transcription (majuscules d'origine) du carnet (mince) de mon grand-père, Maxime Guibert, instituteur au Raincy et 1ère classe au 23e RIF pendant la bataille de France.
A part une entrée en septembre 1939, le carnet couvre la période qui commence au 10 mai et prend fin le 26 juin alors qu'il attend sa démobilisation après avoir traversé la moitié du pays à pied.
Pour information fin mai il est affecté au 2e Bataillon de Mitrailleurs, ce qui l'a fait râler à l'époque mais surtout ce qui d'après moi l'a sauvé du Stalag (sauf erreur les BM étaient à quelques km en arrière des fortifications, il a pu échapper à la tenaille sur la région fortifiée en juin).
- Si quelqu'un peut retrouver le nom du camp bombardé le 10 Mai je suis preneur, je n'ai pas pu le lire dans le carnet.
- Je n'ai pas encore eu le temps d'aller voir le JMO au SHAT, si quelqu'un en a des extrais, je prends
- Si erreur factuelle c'est sans doute ma transcription, corrigez-moi !
Merci et bonne lecture.
-K
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10 septembre N. voici déjà depuis deux à trois jours transbahutés de Cloyes à Pouxeux et vice versa. En arrivant à Pouxeux on n. apprend que nous sommes portés déserteurs car notre régiment est en ligne (à Drachenbronn). Enfin, la chose se tasse grâce à deux caporaux qui sont avec nous mais c’est une mauvaise chose pour nous. Jean Sorbier est lieutenant à notre compagnie. Sympathique. Nous entendons des bobards invraisemblables. Nous allons à Epinal, à Drachen, Limoges, Nice. Bon moral en général.
10 Mai alerte donnée à 4h45
2 b. Dornier survolent à 2000 m pdt 1h
8 Messerschmitt à 5h50 de vecteur SO NE
Fin d’alerte à 7h45
La DCA n’a pas tiré (avions trop haut) emplacements occupés en 4 mn
Dxxlle a été bombardé à 6 km d’ici. Le camp est en feu.
Nous apprenons ce matin que la Hollande et la Belgique sont envahies. Cette fois, c’est la vraie guerre qui commence, j’en ai l’impression. Le capitaine G. m’a dit « Alors p’tit, tu peux cirer tes bottes. »
11 Mai Les nouvelles se précipitent.
1 alerte donnée dans la nuit du 10 au 11.
1 alerte ce matin à 5h. Les chasseurs français (4) atterrissent et avant exécutent quelques cabrioles qui paraissent être une manifestation de joie. Peut-être le sous-lieutenant P... a-t-il accompli un nouvel exploit ?
Les escadrilles allemandes s’acharnent sur Nancy parait-il. Nous nous attendons d’ailleurs à être bombardés d’un instant à l’autre.
9h30 Nouvelle alerte : nous entendons des avions.
16h25 Nous entendons des avions derrière les nuages, très haut. Nous sortons pour voir. Un tour au-dessus de la caserne. Un sort des nuages – gris argenté – ce sont des allemands et l’alerte n’est pas donnée. Ils repassent au-dessus de nous et le premier brusquement pique à mort. C’est encore l’attaque de D.
Bombes mitrailleuses DCA, tout se déclenche. Deux mitrailleurs de chez nous tirent aussi. Les avions piquent, lâchent leurs bombes, virent très sec et recommencent ; la ronde dure 3 ou 4 minutes pas plus ; ils s’en retournent. Une épaisse fumée noire se dégage.
Informations 3 morts 8 blessés 2 avions de chasse détruits.
12 mai 8 alertes dans la journée. Rien de neuf.
13, 14, 15 mai Alertes continuelles (15 dans la nuit du 15 au 16. J’ai l’impression que les pilotes allemands prennent des photos. A quand le vrai bombardement ?
28 Mai lundi Suis en train de faire un bridge avec Orustein, Levy, Tame. Beyler m’avertit que je suis sur un renfort.
29 Mai fais tout mon possible de rester. Impossible, le lt. T… m’a fait cette bonne blague. Revue ce même jour à 16h.
30 Mai : Départ destination inconnue – arrêt à Nancy, Bar le Duc – arrivée le soir à Revigny
31 Mai : Excellent cantonnement. 1ère vision de bombardement. 2 soldats du 2ème BM ont été tués par une bombe.
1er Juin 2 Juin Repos, bains.
3 Juin Départ destination inconnue. Je passe à 800 m du Raincy. Emotion. Nous bifurquons dans Villemomble même. Arrivons le soir à Poix dans la Somme. Les anglais ont abandonné le pays : cadavres de cigarettes, matériel de photo aérienne. Maisons abandonnées déjà pillées par les Sénégalais nous rentrons dans les caves : vin, cidre, tout y passe. Nous passons la nuit dans un bois pour se dissimuler des avions.
4 Juin Toute la journée se passe dans les bois expéditions dans les maisons un avion passe à très basse altitude et mitraille les rues. je me planque derrière le piano de la maison. A la tombée de la nuit, nous montons prendre nos fonctions marche très pénible montée et descente. Nous cantonnons à Bergicourt à côté du P.C.
5 Juin Matinée et l’après-midi se passent à creuser une tranchée pour nous abriter. la canonnade est intense et se rapproche, je prends un bain complet ; moral excellent bien que nous apprenions le bombardement de Paris et l’avance des Allemands dans notre direction
6 Juin Matin calme : l’après-midi un GRD n rejoint, se repliant venant de Ereunes. Sur 240 chevaux il en reste 20. Ils prétendent qu’ils n’ont pas trop de pertes mais que le reste est en fuite disséminé. Les Sénégalais se replient également mais n ne les voyons pas. Attendons l’ordre de repli. Allège le plus possible mon sac, il est 13h45
14h sommes placés de garde au PC toute la journée passée ds l’attente
18h15 vais à la soupe. 5 avions surviennent. me planque sous un porche. 1ère bombe 2ème bombe tombent dans la cour derrière. 15 m environ. Je n’ai qu’une peur : que la maison me tombe dessus, elle tremble et de la terre m’éclabousse mais rien.
19h30 Les avions de bombardement qui nous attaquent depuis 3h sont enfin pris à partie par la chasse. Curtiss. le combat dure 5 m. De très loin nous apercevons un avion descendre en flammes. En tous les cas les deux Curtiss reviennent et le calme se fait de nouveau.
20h la 1ère est encerclée, la 3ème menacée nous sommes les seuls à tenir. Il faut tenir. Suis à 5m du PC.
21h 14 chars montent pour dégager la 1ère, le sourire renaît. il semble que les renforts soient sur le point d’arriver.
7 Juin nuit calme l’artillerie des tanks sont arrivés. Je suis réveillé par un tir de barrage de 75 sur un passage d’avions. Les tirs d’artillerie se déchaînent. Pour la première fois j’entends le sifflement des obus et leur voyage dans l’atmosphère
10h les évènements se précipitent la 1ère et la 3ème sont encerclées. Nous occupons les postes de combat pour la défense du P.C. Nos mitrailleuses entrent en action, cependant le repli est général. Nous quittons à quatre pattes nos emplacements après un arrosage de bombes d’aviation. C’est l’ordre de repli. Nous courrons presque, à 4 km de Bergicourt, vide complètement, je me couche, des avions arrivant, les deux bombes tombent à 30m derrière nous. En courant je me jette dans une maison. J’en fais l’inspection après m’être débarrassé de mon harnachement. Je mange 3 œufs et termine un pot de confiture de framboise, mais pas de trace de boisson. Je jette ma veste, 2 cache-cols pour m’alléger. Tout le monde est parti, j’attends presque l’arrivée des Allemands. Enfin, je me décide à partir. Une voiture de Commandant me ramasse et me dépose à 800m de là, le PC étant rassemblé pour se refaire un peu. Je mange, bois, ça y est le moral est revenu. Nous subissons le bombardement des 77. Pas de dégoût mais sur 800h il n’en reste plus que 200 environ tout le reste est tué, blessé ou prisonnier.
Nous marchons jusqu’à 7h du soir, ça va à peu près l’entraînement vient. Nous cantonnons dans un petit bois où nous attendons les ordres. Les renforts arrivent, la division monte, chars en tête.
Nous repartons 2h après. Marche toute la nuit. Au petit matin, crevé, je monte sur une prolonge d’artilles’enrie où je dors pendant 3 heures.
Au matin descends et ai la chance de retrouver le docteur. Attendons quelques temps, direction Francastel où nous les retrouvons tous.
Couchons dans un bois où nous apprenons que nous sommes encerclés. Le Cdt n dit Débordez par le petit bois, nous débordons, tiraillons et prenons les champs ; sommes poursuivis et mitraillés par des avions. Marchons, marchons et arrivons à Troisserieux où nous dormons […]
8 Juin […] jusqu’à 4h, reprenons la route en direction de Beauvais que nous traversons au matin en prenant « les boulevards extérieurs ». Beauvais en miettes, retraversons en direction de Gisors, route toute droite sans ombre, ns commençons à en baver comme des Russes, les arrêts deviennent de plus en plus fréquents et longs. Nous arrêtons dans une ferme où nous sommes magnifiquement accueillis. Nous comptons dormir et nous repartons quand même. Bien nous en prend car une camionnette ns monte en nous disant qu’il est temps. En effet nous apercevons 2 ou 3 Allemands sur notre droite, nous tirons au FM et au mousquet. 2 descendent, le reste s’en retourne. Sommes encore sauvés, allons à Pontoise où nous passons la nuit chez la mère d’’un camarade.
9 Juin Repartons de bonne heure, cassons la croûte le matin.
repartons en direction de Maison Laffitte.
Retraite précipitée, trop fatigué pour noter les villages traversés.
Arrivée à Limoges. On embarque tous les isolés.
Arrivée à Auch.
Repartons pour Pamiers : 3 jours et 3 nuits de voyage dans le train. Je sais que l’armistice est signé avec l’Allemagne et l’Italie.
Sommes à Bourac, village ravissant.
26 Juin : difficulté pour le ravitaillement ; depuis 5 jours nous n’avons qu’un casse croûte par jour et rien d’autre heureusement qu’il me reste un peu d’argent. Ns n’avons toujours aucun renseignement. Je ne m’en fais plus et attends les évènements.