Bonjour à tous,
je reviens sur ce sujet.
Sans pouvoir répondre aux interrogations d'artilleur240, j'ai des éléments concernant cette unité de dépôt (formation de recrues).
Les informations présentées ci-après proviennent de lectures diverses concernant la ville d'Orléans au mis de juin 1940.
Voici donc quelques informations sur le dépôt d'artillerie n°5.
Rapport d'activité du Groupe d'intervention du Dépôt d'artillerie n° 5, du 12 avril au 16 juin 1940
Auteur : René CHAUVE
Le brigadier René Chauve a été mobilisé le 2 septembre 1939 à Vincennes au 232e R.A.D. (Régiment d'artillerie divisionnaire), pour la courte campagne qui permit d'entrer de 10 km en territoire allemand afin de soulager la défense polonaise. Mais le repli fut rapidement ordonné sur des positions préparées à l'avance.
J'ai été envoyé comme brigadier instructeur au C.O.A. de Bourges, le 10 avril 1940, puis le 12 avril à Orléans, au Dépôt d'artillerie n° 5, pour procéder à l'instruction des "récupérés".
Missions de patrouilles et de circulation.
A l'approche des allemands, quand Orléans fut incluse dans la zone des armées, il a été formé une section de défense de circulation et de reconnaissance au nord de la Loire, sous le commandement du lieutenant Marchand (1), dont le P.C. était installé dans l'école de l'avenue Dauphine, à proximité des ponts dont il devait préparer la destruction.
Au cours de ces semaines-là, nous avons patrouillé par Cercottes, Chevilly, jusqu'à Artenay et par Saran, Gidy, Huêtre, Sougy jusqu'à Poupry.
Chef de section d'artillerie.
Après avoir suivi quelques heures d'entraînement aux Groues, bien que brigadier, je fus nommé chef de section, avec mission de défendre chaque pont avec un fusil-mitrailleur et un canon de 90, d'un vieux modèle avec frein à corde, calé sur des briques (2). Notre nouveau cantonnement était la caserne Saint-Charles, avec une infirmerie rue de la Brèche.
Pendant quatre jours, du jeudi 13 au dimanche 16 après-midi, nous avons assuré la circulation devenue impossible et le transport des blessés provoqués par les bombardements et mitraillages des avions. Ce sont bien des avions allemands qui mitraillaient en piqué, avec des hurlements de sirène. Ils bombardaient la ville et les ponts sans les atteindre. J'ai vu Orléans brûler pendant plusieurs jours. Journées terribles, où nous subissions constamment ordres et contrordres.
Au Pont Royal, un de mes hommes (Gallico Raymond) a été tué au cantonnement qui nous servait de poste de garde, à l'angle de la rue de la Bascule.
Au pont Joffre, deux hommes ont été tués (Gottardini Charles et Marastoni Adolphe) (3), n'ayant dû moi-même avoir la vie sauve qu'au fait d'être parti chercher de l'eau à la Tuilerie, qui se trouvait alors à l'emplacement des établissements Sandoz.
Quand faire sauter les ponts?
Les ponts devaient sauter dans la nuit du samedi 15 au dimanche 16 juin. Cette nuit-là, au pont Joffre, un officier français, révolver au poing, voulait nous empêcher de faire sauter l'ouvrage, afin de donner le temps à sa troupe de le franchir. Nous avions reçu l'ordre de laisser passer les premières voitures allemandes et de les détruire ensuite au fusil-mitrailleur
C'est le dimanche 16, vers 14 h30 (4), que le Pont Royal a sauté à l'arrivée d'une voiture blindée allemande. Les éléments allemands arrivaient du pont de Vierzon qui n'avait pas sauté, car un officier allemand (5) avait réussi à couper les cordons de mise à feu.
Vers 15 h00, l’ordre a été donné d'allumer la mise à feu au pont Joffre, malgré l'encombrement du pont par plusieurs centaines de réfugiés et de soldats. Les éléments allemands arrivaient et mitraillaient par rafales.
L'ordre a été ensuite donné aux hommes de partir, puisqu'ils ne pouvaient plus rien faire d'utile.
La retraite et l'exode.
J'ai alors pris la route vers La Ferté-Saint-Aubin, au long de laquelle nous avons été mitraillés par des avions italiens, aux cocardes vertes et jaunes, qui surgissaient du sud.
Je me suis retrouvé à Châteauroux, déclarée "ville ouverte", où j'ai déposé mes armes (un mousqueton et un révolver à barillet). Puis j'ai continué jusqu'à Agen, où on nous regroupait afin de poursuivre les opérations en Algérie.
Après l'armistice, j'ai été démobilisé et j'ai gagné, par mes propres moyens, la Drôme où ma famille s'était réfugiée.
Notes explicatives
(1) Il s'agit bien du lieutenant du génie Albert Marchand, que tous les témoins désignent comme l'officier chargé de la mise à feu des ponts Royal et Joffre.
(2) Probablement une pièce de 90 du type de Bange 1877.
(3) C'est la consonance italienne de ces noms qui a pu faire croire au commandant Tuffrau qu'il s'agissait d'étrangers. M. Chauve assure que ces "récupérés", de conditions aisées, s'exprimaient parfaitement en français.
(4) Le brigadier Chauve avance d'1h30. Nous verrons plus loin, par le témoignage indubitable du sergent Villette, qu'il était en fait 16h00. quand le pont Royal a sauté. L'heure de destruction du pont Joffre se trouve décalée d'autant.
(5) Le sous-lieutenant Meder.
Source : Bulletin de la société archéologique et historique de l’orléanais (n°93, juillet 1991).
Cordialement
Rémy SCHERER