Bonjour
ne sachant pas si vous connaissez déjà le déroulement de cette matinée du 08 juin je vous la livre ci-dessous :
- Matinée du 08 juin :
* pour le 1er Bataillon du 71ème RI -
Vers 04h30 au moment où les 1ère et 2ème Compagnie se préparent à reprendre leur progression, la ligne de feu s'anime, quelques mitraillettes entrent en action, des bombes lumineuses sont lancées par l'ennemi, et les deux compagnies doivent s'aplatir au sol; de violentes rafales d'armes automatiques sont échangées, puis le calme revient.
A 6h30 une violente attaque se déclenche sur les deux compagnies qui, après une résistance acharnée, doivent céder du terrain. Elles s'opposent avec une telle énergie à la progression de l'ennemi que celui-ci doit s'arrêter bientôt, déconcerté, désuni.
Bien que terriblement secouées, ces deux compagnies ne se tiennent pas pour battues. Le Capitaine BOURDON en prend le commandement et prépare la riposte.
A 7h15, d'accord avec le Lieutenant MOREL, qui commandait la 2ème Compagnie, le Capitaine BOURDON donne le signal de la contre-attaque. Il était convenu que pour indiquer l'heure H, les deux commandants de compagnie s'élanceraient à 25 mètres en avant de la ligne de feu et que leurs officiers feraient comme eux. A l'heure H, tous les officiers ont bondi littéralement sur l'ennemi, entraînant leurs unités à leur suite.
C'est la ruée !
En un clin d'oeil, les bâtiments de la sucrerie de Billy sont reconquis, au fusil, à la grenade. Un à un, les Allemands sortent des bâtiments. La prise est de : une quarantaine de prisonniers, une mitrailleuse lourde, plusieurs mitraillettes et un abondant matériel individuel.
L'ennemi laisse, en outre, des morts et des blessés sur le terrain.
Les prisonniers ne sont malheureusement pas tous conduits au PC du régiment en raison de son éloignement de la ligne de feu et de la nécessité dans laquelle se trouve le Capitaine BOURDON de se battre avec le plus d'hommes possible.
Ce n'est d'ailleurs pas l'échelon de feu qui doit escorter des prisonniers. Et le 1er bataillon ne disposait d'aucune réserve. Il avait été engagé en entier par le 12ème Etranger.
Ce fait d'armes est, hélas attristé par la mort du Lieutenant MOREL, l'intrépide commandant de la 2ème Compagnie, blessé grièvement en se portant à l'assaut d'une mitrailleuse lourde allemande. Il expire dans les bras du Capitaine BOURDON.
A 8h30, l'ennemi qui dispose d'effectifs important, prononce une nouvelle attaque et reprend sa progression, menaçant ainsi d'encerclement les 1er et 2ème Compagnie.
Le Sergent-Chef PILON, qui commande la section de mitrailleuses chargée de couvrir le flanc droit des compagnies, ne peut que ralentir, par ses feux, cette manoeuvre de débordement.
Petit à petit le feu de l'ennemi se fait plus violent, plus précis, sur le plateau d'Acy et les bâtiments de la sucrerie, les wagons, derrière lesquels sont installées les armes automatiques deviennent intenables.
Les 1er et 2ème Compagnie, pressées et débordées, doivent à nouveau céder du terrain, puis se replier en direction de Billy.
Aucun blessé n'est laissé aux mains de l'ennemi.
Informé vers 8h30 de la situation de ces deux compagnies, qui ont leur droite en l'air, le colonel donne l'ordre au commandant du 2ème Bataillon du 71ème RI d'envoyer une compagnie de voltigeurs entre les 1er et 3ème bataillons pour s'opposer à la progression de l'ennemi et former détachement de liaison. Malheureusement cet ordre ne peut être exécuté, le 2ème bataillon a déjà orienté ses trois compagnies de FV sur la Croix d'Acy.
A la gauche du 1er Bataillon, la 3ème Compagnie est intriguée, pendant la nuit, par des bruits de marteaux et de maillets provenant des rives de l'Aisne. Il semble même au Capitaine BOLLOCH que des éléments ennemis passent sur un pont, vers 5 heures du matin.
Il en rend compte, et le Capitaine MAZE, commandant la CAB 1; fait tirer un groupe de mortiers (80 obus) sur la zone suspecte.
Un groupe de mitrailleuses, prélevé sur la section réservée, est en même temps chargé de protéger la gauche de la 3ème Compagnie. Il est mis en batterie face à la tuilerie, située à 1 km ouest de Venizel. Cette tuilerie est devenue un point suspect.
Vers 9h30, on signale au colonel que trois avions français viennent de survoler le plateau d'Acy, en rase-mottes, attaquant les troupes ennemies à la mitrailleuse. Ce sont les seuls appareils français qui, en cette journée, se montrent dans cette région.
Après avoir délogé les 1ère et 2ème compagnies du plateau d'Acy, et rassemblé des forces importantes au sud de l'Aisne, l'ennemi entreprend une action de force sur Billy.
Vers 10h15, des avions de bombardement font leur apparition au-dessus du village et commencent leur pilonnage. A la même heure, des mitrailleuses lourdes ouvrent le feu sur les lisières du village. Pas une rue n'échappe au bombardement, pas une maison n'est épargnée.
C'est alors que, se glissant le long des haies, et s'infiltrant dans les jardins, les colonnes ennemies pénètrent dans le village. La lutte est acharnée. Le 1er bataillon doit se replier de maison à maison. Au cours de cette résistance, les mitrailleuses et les mortiers de la CAB 1 tirent sans arrêt sur les assaillants et souvent à un débit accéléré.
S'il y a des pertes du côté de l'ennemi, il y en a aussi dans nos rangs. Le Sous-Lieutenant BLIVET, qui commandait la section d'engins du 1er Bataillon, est tué près de ses pièces.
C'est à ce moment-là que le Commandant BOLLET rend compte au colonel de la gravité de sa situation et signale que s'il n'est pas renforcé et ravitaillé en munitions, il se verra obligé de décrocher.
Le colonel qui ne dispose plus d'aucune réserve, ne peut ni renforcer le 1er bataillon, ni communiquer avec le commandant BOLLET : la route de Septmonts à Billy vient d'être interceptée par l'ennemi. Les motocyclistes et cyclistes lancés en direction de Billy doivent faire demi-tour. Dès qu'ils dépassent la section MICHEL, en position sur cette route, ils se trouvent nez à nez avec des forces ennemies importantes.
Quand le 1er Bataillon rompt le combat, il est 11h30. Le commandant du bataillon ne peut plus faire parvenir de nouveaux comptes rendus au colonel.
A la même heure (11h30) le repli de nos troupes a été général dans le sous-secteur de Soissons.
Le Commandant ROUX, du 12ème Etranger, s'est replié en même temps que le Commandant BOLLET.
* pour le 3ème Bataillon du 71ème RI -
Le 7 juin soir, dès que le commandant du 3ème Bataillon a pu assurer la mise en place de sa sûreté immédiate, il a préparé sa manoeuvre du lendemain :
a) la 9ème Compagnie du Capitaine THOMAS renforcée d'une section de mitrailleuses viendra, avant le jour, prolonger la 10ème Compagnie à gauche, où elle tendre la main au 1er Bataillon.
b) le 10ème Compagnie du Capitaine FREMONT, renforcée également d'une section de mitrailleuses, se resserrera sur sa droite à l'arrivée de la 9ème Compagnie.
c) dès la pointe du jour, ces deux compagnies se porteront en avant près de la route d'Acy de façon à pouvoir agir par leurs feux sur les dépressions situées à l'ouest d'Acy.
d) la 11ème Compagnie sera réservée et se portera de part et d'autre du carrefour des routes Septmonts - Billy-sur-Aisne, Soissons - Croix-d'Acy, en vue de couvrir le thalweg de Septmonts et de pouvoir épauler, le cas échéant, l'une ou l'autre des compagnies de 1er échelon.
e) deux sections de la CAB 3 et les engins du bataillon seront également réservés dans le thalweg orienté vers Septmonts.
Ce dispositif est réalisé avant 4 heures du matin.
Vers 4h30, l'ennemi qui, à la faveur des hautes cultures, s'est rapproché des compagnies de premier échelon, passe à l'attaque.
Il s'agit d'une action générale affectant tout le front du régiment, car c'est également vers 4h30 que les 1ère et 2ème Compagnies subissent les premiers assauts de l'ennemi.
Cette action d'ensemble; menée en direction du sud-ouest, prend aussitôt une grande violence.
Les 9ème et 10ème Compagnies, qui constituent le premier échelon du bataillon, font face à l'attaque avec crânerie et exécutent des feux nourris de mitrailleuses et de FM dans les blés où se dissimule l'adversaire.
Mais bientôt les éléments ennemis débordent la défense et leur tir devient meurtrier.
Le Capitaine FREMONT est blessé et le Lieutenant TURPIN est tué. Un peu plus tard, le Capitaine THOMAS est également blessé; de nombreux gradés et soldats sont tués et blessés.
L'ennemi a réussi à progresser, d'une part, entre les 1er et 3ème bataillons, d'autre part, entre les 9ème et 10ème Compagnies.
A 6h00, il atteint la Croix-d'Acy. La 10ème Compagnie est rejetée sur le chemin de terre situé à 200 mètres au sud du carrefour.
Le Commandant LE PREVOST rend compte de ces événements et donne l'ordre :
a) au Capitaine THOMAS de la 9ème Compagnie de s'accrocher à la route d'Acy pour interdire à l'ennemi le franchissement de la crête qui la longe;
b) au Lieutenant FOLINAIS, commandant la 11ème Compagnie, de défendre à outrance l'accès de la route Billy - Septmonts.
En rampant, le chef de bataillon se porte en bordure de cette route pour stimuler la résistance.
A 8h00, l'ennemi accentue encore sa pression sur le plateau d'Acy. Les sections de mitrailleuses et le groupe de mortiers du 3ème bataillon arrêtent momentanément cette progression.
Pendant ce temps, l'adjudant-chef MICHEL, du carrefour où il a été placé la veille, résiste avec une rare énergie aux assauts répétés de l'ennemi.
Vers 8h30, l'assaillant pousse des réserves sur le plateau d'Acy et sur les pentes sud-ouest de l'Orme-de-Billy. Devant la 10ème Compagnie, l'action paraît se ralentir un moment. En revanche les tirs de harcèlement de l'artillerie ennemie deviennent plus intenses dans toute la zone d'action du bataillon.
Vers 9h30, le Commandant LE PREVOST décide de contre-attaquer. Il constitue, à cet effet, un groupement temporaire avec les sections MARCEL DEVOS et BOISBAULT sous le commandement du Lieutenant MARCEL.
Ces sections commencent leur mouvement à 10h00, appuyées par les feux de la section MICHEL et les mitrailleuses du Lieutenant DE LORGERIL. Ce groupement parvient à remonter le thalweg nord de Septmonts et à repousser l'ennemi au-delà de la route Soissons - Croix-d'Acy.
A 11h00, une dernière attaque ennemie est à nouveau repoussée par le feu des FM et des mitrailleuses du bataillon.
De son côté, l'Adjudant JEZEQUEL fait tirer ses mortiers de 81, à vue directe, sur les petites colonnes ennemies qui descendent les pentes de l'Orme-de-Billy.
* pour le 2ème Bataillon du 71ème RI -
Arrivé dans la deuxième partie de la nuit au château d'Ecuiry (sud-est de Septmonts), le 2ème Bataillon est soumis à des tirs de harcèlement qui lui causent des pertes.
Placé en réserve de régiment, il est tout d'abord informé de la contre-attaque, que doit exécuter la 7ème demi-brigade de chasseurs sur le mont de Soissons, puis il reçoit l'ordre, vers 8h30, d'avoir à envoyer une compagnie de FV et une section de mitrailleuses entre les 1er et 3ème bataillons.
Cet ordre ne peut être exécuté en raison des dispositions que le chef de bataillon a déjà prises et réalisées pour reprendre la Croix-d'Acy.
En effet, le colonel avait envoyé le commandant BACQUERIE vers le Commandant MARTIN avec un ordre lui enjoignant de contre-attaquer ce carrefour de routes.
C'est ainsi qu'à la guerre, et en période de crise, les événements commandent.
Sans plus attendre, le Commandant MARTIN a donc porté son bataillon en direction de la Croix-d'Acy, les 5ème et 6ème Compagnies en premier échelon (la 6ème à droite), la 7ème en deuxième échelon, et à droite, pour couvrir le flanc droit du bataillon.
Sachant que le temps presse et que les artilleurs se replient sur de nouveaux emplacements de batterie, le Commandant MARTIN se porte résolument à la contre-attaque avec ses seuls moyens, appuyant sa progression avec ses mitrailleuses et ses engins. Il est persuadé que toute hésitation, tout arrêt dans sa marche, peuvent compromettre le succès de l'opération et lui causer de grandes pertes.
Il a bien mis la main sur trois chars de combat, qui, le matin vers 7h30, erraient sur le plateau d'Ecuiry, mais ceux-ci ne peuvent être utilisées pour la contre-attaque. Il ne leur reste que très peu d'essence.
En débouchant de la cote 151, les compagnies de tête du bataillon (5ème et 6ème) sont immédiatement soumises à des rafales d'armes automatiques provenant du hangar de la Croix-d'Acy et des champs de blé situés d'un côté et de l'autre du carrefour.
On redouble de précautions et l'approche se continue : des mitrailleuses exécutent des tirs de neutralisation sur la Croix-d'Acy.
Progressant avec décision et habileté, la section de l'adjudant-chef GLOAGUEN de la 6ème Compagnie peut finalement aborder le hangar et sauter sur un groupe d'Allemands : elle en capture une douzaine. Malheureusement, ce chef de section est blessé mortellement à la tête.
A partir de cet instant, la progression devient lente et difficile, le bataillon tout entier est soumis à des tirs violents de mitrailleuses lourdes partant des lisières sud et sud-ouest d'Acy.
A la 6ème Compagnie, que commande le Lieutenant PRUAL, les Sous-Lieutenants VINCENT et Guillou sont blessés, le Sergent-Chef COSMAO est tué, puis l'Adjudant Dalmar et le Sergent-Chef Allaire, de la section de mitrailleuses mise à la disposition de cette compagnie, sont tués.
A la 5ème Compagnie, qui progresse à gauche et à hauteur de la 6ème Compagnie, les pertes sont également sévères; les Lieutenant BIDET et GOURGAUD sont tués ainsi qu'un grand nombre d'hommes; Le Sous-Lieutenant RHIN est grièvement blessé. Seul, parmi les officiers de la 5ème Compagnie, le commandant de la compagnie, le Lieutenant CALME, est épargné par les balles.
A la CAB 2, le sous-Lieutenant HEE, commandant la section de mitrailleuses mise à la disposition de la 5ème Compagnie, tombe également mortellement blessé.
Voilà ce qu'il en coûte aux unités du 71ème RI, dans cette matinée du 8, de se battre sans chars, sans appui d'artillerie et sans aviation !
A la suite de cette contre-attaque audacieuse, la Croix-d'Acy est reprise et l'ennemi repoussé sur une profondeur de 500 mètres.
A 8h45, le PC du bataillon MARTIN est installé au carrefour de la Croix-d'Acy et la liaison recherchée à l'est avec la 7ème demi-brigade de chasseurs.
Pour se couvrir à l'est, le commandant du 2ème Bataillon doit engager une partie de la compagnie réservée, la 7ème Compagnie, que commande le Lieutenant HAMEL.
Vers 10h30 de petites colonnes ennemies se dirigeant d'est en ouest sont prises à partie par le mortier de 60 de la 7ème Compagnie, puis par le groupe des mortiers de la CAB 2 et les mitrailleuses du bataillon.
Le 2ème Bataillon a eu ainsi sa petite revanche. Il a reçu des coups, il est normal qu'il en donne.
Peu après l'exécution de ces tirs, un engin blindé, portant à l'avant un grand disque rouge, débouche sur la route d'Acy en direction du carrefour. Le Commandant MARTIN appelle les trois chars recueillis le matin, mais lorsque ceux-ci se présentent, l'engin ennemi a disparu. Les chars, qui n'ont presque plus d'essence, sont alors libérés. il convient de dire que ces trois chars furent utilisés dans la matinée par le Capitaine DAGORN, commandant la CAB 2, pour couvrir la gauche du bataillon dont la liaison avec le 3ème Bataillon avait été un moment précaire.
Vers 11h00, une nouvelle pression ennemie s'exerce avec force sur la Croix-d'Acy : le carrefour est violemment bombardé et il en résulte d'autres pertes pour le bataillon.
Pour éviter un écrasement inutile des éléments en position à la Croix-d'Acy, le chef de bataillon décide de replier sa ligne de feu un peu en arrière. Il installe son PC au carrefour des chemins situé 150 mètre sud-ouest de la Croix-d'Acy.
Aussitôt après ce repli, la chenillette du bataillon que conduit l'Adjudant-Chef MORIN, chargé du ravitaillement en munitions, fonce à toute allure sur la Croix-d'Acy et provoque la fuite de l'ennemi qui abandonne à son tour ce point si disputé. Il a pris la chenillette pour un char. Il a les nerfs tendus, lui aussi, l'assaillant !
Dix minutes environ après ce curieux incident, un tir massif de l'artillerie ennemie s'abat sur le carrefour, mais heureusement le 2ème bataillon n'est plus là pour servir de cible.
* PC du RI à Septmonts -
Pendant que se déroulent ces combats opiniâtres, le PC du régiment prend, lui aussi, ses dispositions pour faire face à l'ennemi en terrain libre.
La cave qui avait abrité une partie du personnel pendant la nuit, est évacuée, une table est dressée sur la place du village comme bureau et les secrétaires sont poussés, l'arme à la main, aux lisières nord et nord-est de Septmonts, où les rejoignent les pionniers et quelques éclaireurs motocyclistes.
Le Capitaine BRISSE, commandant la compagnie de commandement, le Lieutenant GLOTIN, chef de la section de Pionniers, et le Capitaine BOUGUION, commandant la CRE, se sont réparti les missions.
Au cours de la matinée, une douzaine de prisonniers faits par le 1er Bataillon sont amenés au PC RI, puis dirigés sur le PC de la DI.
Il est une fraction du régiment dont il n'a pas été question et qui n'a pas chômé, c'est la section motocycliste. Elle fut chargée des liaisons en général et de la police du champ de bataille.
voici une carte du lieu :
(Récit du lieutenant-Colonel BEGUIER en date de 1953)
Vue Google Earth :
Cordialement