Bonsoir,
En m'appuyant sur quelques documents de ma collection, je vais lancer une discussion sur une qualité mentionnée par Eric: la "précision exceptionnelle" du canon de 105 L modèle 1936 S, point qui a fait l'objet de discussions contradictoires avant et après la guerre.
Peut-être un lecteur pourra-t-il apporter des éléments précis sur ce point.
En effet, les textes suivants contiennent des éléments peu clairs sur la précision du 105 L modèle 1936 S:
-Tables de Tir du matériel de 105 Long modèle 1936 S approuvées le 29 janvier 1938-édition 1938.
-Règlement de manoeuvre de l'artillerie-Titre V C 3 et VII C 3 105 L modèle 1936 S-édition 1939.
-Tapuscrit du projet de Règlement de manoeuvre de l'artillerie-Titre III- Service des pièces des unités tractées armées du matériel de 105 Long modèle 1936 SR à frein de bouche et modèle 1936 S établi par le Cne D...de la Direction de l'Artillerie en 1946.
-Règlement cité supra, édition Lavauzelle de 1947.
-Ecole d'Application d'Artillerie "Matériels d'artillerie usuels" par le chef d'escadron Béranger-Idar-Oberstein 1948.
Il ressort de tous ces textes que le matériel a d'énormes qualités, surtout la version 1936 S à frein de bouche.
Qualités principales:
-grand champ de tir Horizontal et Vertical.
-grande rapidité de mise en oeuvre.
-léger pour sa puissance.
-grande mobilité.
-affût très stable, seul le tir à charge 00 provoque un léger soulèvement.
-bonne portée de 17.000 m (16.500 m pour le Règlement de 1947, 16.000 m pour les tables de tir)?
-grande souplesse balistique.
-projectile en acier très puissant.
Reste la précision dont les textes réglementaires ne disent pas grand chose à l'exception des tables de tir que je publie en fin de discussion. L'écart probable en portée devient élevé à partir de 9.000 m, c'est à dire supérieur à 50 mètres.
Les cours d'Idar Oberstein sont sévères à ce sujet, le matériel est peu adapté aux tirs de destruction à partir de 9.000 m ce qui conduit à confier à ce canon surtout des missions de tir de harcèlement. Le 155 GPF est plus adapté aux tirs de destruction.
On apprend toutefois dans le Cours d'Idar-Oberstein que les tirs de mise au point des tables de tir
ont été effectués avec des obus "guerre" et non avec l'obus explosif en acier Schneider modèle 1936. Cet obus est pourtant le seul obus réglementaire pour le 105 L modèle 1936 S. On apprend aussi que ces obus "guerre" ont réalisé 1.000 m de moins en portée que l'obus Schneider, ce qui explique le 16.000 m des tables de tir.
Le tapuscrit précité mentionne aussi qu'il serait souhaitable de mettre en production l'obus Schneider pour améliorer la précision du matériel.
Tout ceci semble assez clair, les tables de tir distribuées à partir de 1938 montrent la réalité du tir avec un obus "guerre" (type non précisé). Il serait intéressant de connaître les essais de Schneider dans ses polygones.
J'estime avec une forte probabilité que les chiffres Schneider sont bien "meilleurs".
Il faut se remettre dans l'atmosphère des années 1936 et suivantes par rapport à Schneider. On trouve des arguments contre ces "marchands de canons" y compris dans les milieux militaires.
En résumé:
-depuis 1913, beaucoup d'officiers dénigrent les productions Schneider étudiées et réalisées en dehors des milieux de l'artillerie. Mr Schneider se plaint en 1917 que les écoles d'artillerie dénigrent les productions Schneider dans leurs conférences orales aux officiers et futurs officiers.
-le canon de 105 L modèle 1936 S est en fait à peu près au point dès 1925 mais "on" attend que Tarbes produise un meilleur modèle. Toutefois, les prototypes "guerre" ne donneront jamais satisfaction et il faut se résoudre à adopter le 105 L Schneider en 1936 malgré les préventions à l'égard de Schneider.
-en 1936, les usines Schneider sont nationalisées, nationalisation effective en 1937, date de l'établissement des tables de tir effectué en dehors de Schneider et réalisé avec des obus "Guerre".
-en 1937-1938, dans les usines Schneider, l'atmosphère est empoisonnée, la Direction de Schneider cesse toute relation avec ses anciens ateliers nationalisés, des murs sont construits entre les ateliers nationalisés et les parties d'usine demeurées sous la Direction du Groupe privé...
Il apparaît que les obus Schneider modèle 1936 ne sont parvenus que tardivement aux unités constituées avant-guerre (trouver la date exacte serait intéressante). Cet obus est en service dans les groupes dotés de ces matériels mais à ma connaissance, seules les tables de tir approuvées le 29 janvier 1938 ont été distribuées.
Il faudrait donc recueillir des témoignages d'artilleurs pour se faire une idée plus exacte de la précision du canon de 105 L modèle 1936 S.
Peut-être Eric a-t-il recueilli des éléments lors de la préparation de son bel article de GBM?
Je n'en sais pas plus.
Voici trois documents extraits des tables de tir de 1938:



Cordialement,
Guy François.