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 Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc

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françois vauvillier
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 6 Oct 2008 - 1:08

Bonsoir Olivier,

Je reviendrai plus tard sur votre long post relatif à l'interprétation qu'on peut faire des écrits de CdG, pour m'attacher ici, brièvement, à la seule question du décompte des chars :
takata a écrit:
...Mais il y en a aussi une autre :
- 150 chars lourds (type inconnu) -> 150 canons moyens , 150 canons légers, 150 mitrailleuses
- 250 chars moyens (type inconnu) -> 0 canons moyens, 250 canons légers, 250 mitrailleuses
- 100 chars légers (type inconnu) -> 0 canons moyens, 0 canons légers, 200 mitrailleuses
Total : 500 chars -> 150 canons moyens, 400 canons légers, 600 mitrailleuses

Comme je crois que De Gaulle ne parle pas de matériel existant ou à venir, j'aurai tendance à penser que la mienne est la bonne...

Si votre interprétation était la bonne, nous aurions alors, rapportés en nombre d'unités :
— 1 régiment lourd à 150 chars (= 2 bataillons à 75 ou, ce n'est pas formellement exclu, 3 bataillons à 50)
— 1 régiment moyen à 250 chars (= 2 bataillons à 125 ou, ça va être plus dur, 3 bataillons à 83,33)
— 1 bataillon léger à 100 chars.
Dans la logique d'un RCC ternaire, et à condition de tordre les chiffres du RCC moyen, il y aurait une logique progressive apparente.
Dans la logique d'un RCC binaire (que j'ai favorisée mais sans jamais exclure la première, voir ma note 16, page 28 ), votre interprétation ne peut pas être retenue.

Au demeurant, le seul élément vraiment solide, sur le plan comptable, est celui tiré du troisième texte de CdG, " Comment faire une armée de métier ". Là, les quantités sont irréfutables et les ordres de grandeurs parfaitement cohérents.
Vous savez, avant d'écrire ce que j'ai écrit, j'ai tortillé les (maigres) chiffres donnés par CdG dans tous les sens, pour arriver à l'interprétation que j'ai publiée dans GBM. Et, comme vous dites, " j'aurai tendance à penser que la mienne est la bonne ".

Bonne soirée

François
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takata
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 6 Oct 2008 - 1:42

Bonsoir François,

François a écrit:
Vous savez, avant d'écrire ce que j'ai écrit,
j'ai tortillé les (maigres) chiffres donnés par CdG dans tous les sens,
pour arriver à l'interprétation que j'ai publiée dans GBM. Et, comme
vous dites, " j'aurai tendance à penser que la mienne est la bonne ".
Laughing

Comme on voit que dans sa forme "réduite" de Comment faire..., la brigade de char n'est pas homogène avec un régiment lourd mixte qui possède aussi (on suppose) des chars moyens, on pourrait donc avoir :
- 1 régiment lourd à 200 chars (= 150 lourds et 50 moyens, en 2 ou 4 bataillons)
- 1 régiment moyen à 200 chars (= 200 moyens, en 2 ou 4 bataillons)
- 1 bataillon léger à 100 chars.
Donc, j'estime que je peux toujours penser que cette explication se tient dans tous les cas ! Very Happy
J'ai tendance à croire que De Gaulle aimait bien les chiffres ronds avec un total de 5 bataillons à 100 chars, dont un lourd, un lourd-moyen, deux moyens, un léger.

Bonne nuit,
Olivier

PS : j'ai oublié de préciser que dans Comment faire..., on voit aussi que le régiment est binaire et pas trinaire avec, y compris les remplacements : 72 lourds (~1 bataillon), 216 moyens (~3 bataillons de 72) et 90 légers (1 bataillon) pour un total de 5 bataillons. La seule différence, c'est qu'il y aurait un bataillon mixte lourd-moyen dans la formule à 500 chars... et évidemment, plus de chars. Mais on peut aussi penser que tous les bataillons "lourds" dans les deux formules sont mixtes avec un mélange de chars lourds et moyens. C'est d'ailleurs une formule qu'on retrouvera dans d'autres armées, y compris chez les Allemands qui mixaient Pz.IV, Pz.III et Pz.II dans leurs unités avant de les rendre homogènes. On pourrait alors envisager que le bataillon de chars lourds De Gaulle était mixte, avec un ratio de 3 lourds pour 1 moyen dans la première, puis 1 lourd pour 1 moyen dans la seconde. D'après la proportion de réserves dans la deuxième formule, on aurait chaque bataillon lourd à 24 chars lourds et 24 chars moyens en ligne, avec 12 lourds et 12 moyens en réserve. Il aurait peut-être envisagé, un peu rapidement, dans la première formule 4 compagnies à 5 pelotons de 5 chars (25), puis dans la seconde hypothèse plus réaliste financièrement, 4 compagnies à 4 pelotons de 3 chars (12). Pour les chars légers, 4 compagnies à 3 pelotons de 5 chars (15). Mais honnêtement, c'est bien difficile de prédire avec certitude ce qu'il avait envisagé avec le peu d'indices qu'il a laissé là-dessus.

Maintenant, il y a aussi une autre petite incohérence dans votre analyse, à partir de ce qu'il dit dans le chapitre « emploi » du livre Vers l'armée de métier (1934) :
Citation :
« A bonne distance en arrière, les chars se forment en bataille. Leur masse est articulée, d'ordinaire, en trois échelons. Les engins légers, d'abord, qui prendront les permiers contact avec l'adversaire. Ensuite, l'échelon de combat, composé de chars moyens et lourds, et dont le front et la profondeur dépendent de la nature de l'opération entreprise et des résistances présumées. Enfin, l'échelon de réserve, destiné aux relèves ou à l'exploitation. Chaque échelon comporte lui-même des fractions successives. En moyenne, le dispositif d'attaque de la division couvre, intervalle compris, huit kilomètres de large, les éléments étant plus ou moins denses le long du front suivant l'intention de manoeuvre. Le tout constitue cinq à six vagues de chars, dont la plus forte est généralement la première dans l'échelon de combat. Pour peu que l'armée engage quatre divisions, deux mille chars, sur dix lieues de front, s'apprêtent à surgir à la fois. »
(les emphases sont de moi) Je lis bien un premier échelon de chars légers (= le bataillon léger), un second de lourds-moyens (= le régiment lourd), un troisième imprécisé mais pour l'exploitation, il est peu probable qu'il y ait des chars lourds (= le régiment moyen).

Évidemment, vous aviez relevé ce détail des "deux mille chars" en quatre divisions, mais l'explication que vous donnez dans GBM 85 : « cette envolée semble être une rémanence des travaux initiaux de 1933 » n'est pas super convaincante (mais c'était bien tenté !). Comme vous pouvez le voir plus haut, les travaux de De Gaulle pour son article de 1933 ne sont pas destinés aux combats de chars ni à la division cuirassée. La totalité de l'article est, mot pour mot, reprise dans le livre de 1934, avec quelques corrections mineures, mais la grande nouveauté, c'est justement cette évolution vers les six divisions cuirassées. Donc, et c'est confirmé par ses mémoires, au moment de la publication du livre, sa division compte bien 500 chars (ou quelque chose d'approchant qu'il a arrondi à ce nombre) car ce passage est la grande nouveauté.

Pour finir, ce qui me fait penser que cette réduction pourrait être purement liée au budget, c'est la répartition des "coupes". Entre la formule à 500 chars et celle à 378 (-24%) :

Il supprimerait :
- 52% des chars lourds (150 -> 72)
- 14% des chars moyens (250 -> 216)
- 10% des chars légers (100 -> 90)

En coût, ça donnerait :
- lourds (1.350 millions -> 648 millions)
- moyens (1.050 millions -> 907,2 millions)
- légers (240 millions -> 216 millions)
Total : 2.640 millions -> 1.771,2 millions.

Soit une économie de 869 millions (-33%), 174 millions par an sur les cinq années budgétaires projetées.
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françois vauvillier
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 6 Oct 2008 - 9:14

Bonjour Olivier,

Eh bien, on peut dire que vous n'aimez pas l'idée même d'avoir tort.
Remarquez, il n'y a nul déshonneur à cela, surtout sur des matières aussi " molles" que des interprétations personnelles de textes imprécis.

Sur la question du nombre des bataillons, ni même sur le fait qu'ils aient pu être de composition mixte, je n'affirme rien, vous l'avez noté. J'ai choisi in fine la solution qui m'a paru, à la fois la plus logique, la plus arithmétique et la plus conforme aux habitudes françaises (RCC à deux bataillons actifs de composition homogène en matériel).
Mais libre à vous de voir les choses autrement, je ne suis pas censeur.

Donc, à présent, vous défendez l'idée de, je vous cite : "- 1 régiment lourd à 200 chars (= 150 lourds et 50 moyens, en 2 ou 4 bataillons)" émanant du livre de 1934.
Et vous étayez cela sur la description de l'attaque de la brigade blindée faite par de Gaulle.

Mais c'est passer sous silence un élément fort important du livre, sur le plan descriptif : la phrase (p. 111 de l'édition originale) indiquant " cette brigade de deux régiments, l'un de chars lourds, l'autre de chars moyens " (je la cite page 26 de mon article de GBM 85, 1re colonne).
Il n'est donc pas question, en 1934, d'un " régiment lourd ", mais d'un " régiment de chars lourds ". Nuance de taille qui, à mon avis tout du moins, suffit pour écarter la possibilité d'une mixité du régiment à ce stade du raisonnement de CdG. Croyez bien que j'en suis navré.

Quant à la tentative de décompte par compagnies et sections (et non "pelotons", nous sommes dans les chars, pas dans la cavalerie), je l'ai bien sûr tentée, mais elle ne permet pas d'aboutir.

Enfin, vous me lancez aimablement la pique suivante :

takata a écrit:
Évidemment, vous aviez relevé ce détail de deux mille chars en quatre divisions, mais l'explication que vous donnez dans GBM 85 : « cette envolée semble être une rémanence des travaux initiaux de 1933 » n'est pas super convaincante (mais c'était bien tenté !). Comme vous pouvez le voir plus haut, les travaux de De Gaulle pour son article de 1933 ne sont pas destinés aux combats de chars ni à la division cuirassée.

Je vous ai remercié, plus haut sur ce fil de discussion, d'avoir publié l'article initial du 10 mai 1933, que je n'avais pas. Puis-je vous faire observer que, entre mai 1933 et mai 1934, il s'écoule un an au cours duquel une idée s'enrichit, se développe, s'approfondit, se mesure à la discussion des uns et des autres, et donc évolue.
Ce qui est sûr :
1) Entre, disons l'été 1933 et le printemps 1934 (impossible à moins de trouver des brouillons ou d'autres traces publiées, d'être plus précis), Charles de Gaulle a voulu " 500 chars" par division. Le chiffre est rond et frappe l'imagination. C'est un chiffre littéraire.
2) Au plus tard en décembre 1934, il n'en demande plus que 378. Ceci ne frappe pas l'imagination. C'est un chiffre organisationnel et budgétaire.

Passe-t-il de 500 à 378 en une seule étape (votre thèse) ou en plusieurs (la mienne) ? Franchement, je ne suis pas en mesure de trancher. J'ai publié tout ce que j'ai pu, et la question a bien avancé.

Cordialement

François
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 6 Oct 2008 - 11:17

Bonjour François,
Shocked ... on ne s'en sort plus !

françois vauvillier a écrit:
Eh bien, on peut dire que vous n'aimez pas l'idée même d'avoir tort.
L'idée en elle-même ne me dérange aucunement car si j'arrive à être convaincu par votre thèse, je la défendrai comme si c'était la mienne, soyez en sûr !
Non non, c'est juste que vos prémices sont différents des miens : vous vous basez sur ce qui existe déjà dans l'armée française et vous en tirez ce que De Gaulle veut modifier. De mon côté, je pense que De Gaulle imagine autre chose que ce qui existe déjà.

françois vauvillier a écrit:

Mais c'est passer sous silence un élément fort important du livre, sur le plan descriptif : la phrase (p. 111 de l'édition originale) indiquant " cette brigade de deux régiments, l'un de chars lourds, l'autre de chars moyens " (je la cite page 26 de mon article de GBM 85, 1re colonne).
Il n'est donc pas question, en 1934, d'un " régiment lourd ", mais d'un " régiment de chars lourds ". Nuance de taille qui, à mon point de vue, suffit pour écarter la possibilité d'une mixité du régiment à ce stade du raisonnement de CdG. Croyez bien que j'en suis navré.
Moi aussi vous m'en voyez navré car j'ai bien lu votre article et le passage en question mais je n'y vois guère qu'un terme générique n'excluant pas cette hypothèse. Pourquoi aurait-il été plus précis dans ce corps de phrase en précisant qu'il n'y aurait pas que des chars lourds dans le régiment de chars lourds ? Il doit bien aussi y avoir des camions et on ne précise généralement pas "un régiment de chars lourds avec des camions".

françois vauvillier a écrit:

Je vous ai remercié, plus haut sur ce fil de discussion, d'avoir publié l'article initial du 10 mai 1933, que je n'avais pas. Puis-je vous faire observer que, entre mai 1933 et mai 1934, il s'écoule un an au cours duquel une idée s'enrichit, se développe, s'approfondit, se mesure à la discussion des uns et des autres, et donc évolue.
Là, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais lorsqu'il relit les épreuves de son livre, c'est en mai 1934.

françois vauvillier a écrit:

Ce qui est sûr :
1) Entre, disons l'été 1933 et le printemps 1934 (impossible à moins de trouver des brouillons ou d'autres traces publiées, d'être plus précis), Charles de Gaulle a voulu " 500 chars" par division. Le chiffre est rond et frappe l'imagination. C'est un chiffre littéraire.
Ce n'est pas tout à fait exact : il ne dit pas "500 chars", il dit : « Pour peu que l'armée engage quatre divisions, deux mille chars, sur dix lieues de front, s'apprêtent à surgir à la fois. »... et, honnêtement, s'il avait dit : « Pour peu que l'armée engage quatre divisions, mille six-cent chars, sur dix lieues de front, s'apprêtent à surgir à la fois », son effet "littéraire" aurait tout aussi bien réussi (selon moi).


françois vauvillier a écrit:

2) Au plus tard en décembre 1934, il n'en demande plus que 378. Ceci ne frappe pas l'imagination. C'est un chiffre organisationnel et budgétaire.

Passe-t-il de 500 à 378 en une seule étape (votre thèse) ou en plusieurs (la mienne) ? Franchement, je ne suis pas en mesure de trancher. J'ai publié tout ce que j'ai pu, et la question a bien avancé.
Bah non... ma "thèse" n'est pas simplement de dire qu'il passe de 500 à 378 en une seule étape, mais de dire qu'au moment où il a publié son livre « Vers l'armée de métier » en 1934, sa division comptait toujours 500 chars, contrairement à l'hypothèse que vous avez publiée dans votre article dans laquelle elle n'en compterait plus que 400 sur la base "du nombre des mitrailleuses et canons". Je la soutiens d'autant plus que dans ses écrits antérieurs, il n'a jamais été question de divisions cuirassées. Donc, quand aurait-il publié ce nombre de 500 chars ?

J'avais regardé aussi ce qu'en disait Paul Reynaud dans La France a sauvé l'Europe, tome I, page 323, dans son chapitre « 1935: Mon contre-projet » mais c'est écrit après coup ; peut-être lui aussi se mélange-t-il les pinceaux. Pourtant, cette histoire de 500 chars lui a laissé des souvenirs précis :
Paul Reynaud a écrit:
Comme on le voit, ce texte maintenait la division légère mécanique (D.L.M.) de Reims, parce qu'elle existait déjà et créait six divisions cuirassées, appelées « divisions de ligne ». Je m'abstenais, bien entendu, de toute précision technique. On savait, au surplus, et cela résultait de l'effectif de 100.000 hommes prévu dans l'exposé des motifs, que ces six divisions devaient avoir, dans ma pensée, la composition prévue par le général de Gaulle. c'est-à-dire 500 chars par division, soit 3.000 chars (1).

[Note 1,bas de page]Un groupe de reconnaissance, une brigade de 500 chars, une brigade d'artillerie tractée, un bataillon du génie et un bataillon de camouflage. 500 chars par division cuirassée, c'est trop disent les techniciens. Que n'a-t-on fait 12 divisions à 250 chars au lieu de six à 500 ! C'est le fonctionnement des divisions cuirassées qui devait permettre de régler cette question. Mais, pour cela, il fallait en faire. Et on en a pas fait.

Donc, si les « techniciens » trouvent l'idée de ces divisions à 500 chars saugrenue, c'est bien parce qu'elle a été publiée et qu'il y a eu une polémique autour de cette question, non ? Il paraît évident que De Gaulle en a tenu compte ensuite dans ses révisions à la baisse... Mais c'était forcément après la parution de "Vers l'Armée de métier". Et non avant, quel que soit le nombre de mitrailleuses qu'emportait un Char B1, D1 ou D2 !

Voilà ce que je voulais dire à ce sujet si je n'avais pas été assez clair dans ma remarque sur votre article. Il ne s'agit pas d'avoir raison ou tors, mais de me faire comprendre... Ce point a été à la base de mon raisonnement ultérieur, comme quoi de Gaulle n'avait pas fait une étude technique très poussée sur cette question organique des unités de chars avant de publier "Vers l'armée de métier" (le livre).

Olivier
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 6 Oct 2008 - 12:45

Je pense que nous n'irons pas beaucoup plus loin sur cette question, ce qui n'est pas grave après tout, puisque de toutes manières rien de tout cela n'a vu le jour.

Vous invoquez Reynaud, dans son livre de douze ans postérieur au débat de mars 1935 à la Chambre, pour rappeler qu'en effet, le chiffre de 500 est celui d'origine, ce que nul ne conteste. C'est même le chiffre qui a marqué tous les esprits jusqu'à aujourd'hui, comme le prouve notamment notre fougue à en débattre.

Mais ce qui est piquant dans le cas de Paul Reynaud que vous évoquez, c'est que justement, lorsqu'il intervient dans la "croisade" (décembre 1934), on n'en est plus à 500 chars, mais bien à 378. Or, Reynaud n'a pas attendu l'après-guerre pour rappeler ce chiffre initial frappant de 500. Dès 1937 (dans " Le problème militaire français"), il y revenait, en "zappant" complètement les données chiffrées précises mises à jour (nos fameux 378) qu'il avait lui-même défendues à la Chambre en mars 1935. Un trou de mémoire juste deux ans après ?

Ce simple élément montre qu'au moins l'un des deux principaux acteurs se mélange les crayons, nolens volens, dans cette histoire, et ce, dès 1937. Pour Reynaud, pour de Gaulle, le chiffre de "500" demeure et demeurera gravé dans les esprits.

Mais j'aime bien, pour ma part l'idée d'un CdG, en marge de la "croisade " au plus haut niveau, procédant à l'affinage de son projet, à la réduction progressive du nombre de chars dans la " division de ligne", au fur et à mesure du cheminement de la réflexion.
Et je ne crois pas l'homme si éloigné que vous des considérations sur le matériel réel ; n'oubliez pas qu'il se défie des "gardiens du temple" des chars de combat, anciens de l'AS, qui ne lui veulent pas du bien. Il avance à tâtons et prudemment sur les questions dont nous débattons, et qui sont en effet — nous le voyons bien — de vrais "pièges" qui l'empêcheraient d'élever le débat au niveau où il veut le situer.

Voyez comme s'enchevêtrent nos histoires de régiments mixtes ou pas mixtes, de bataillons homogènes ou pas. Querelles d'"experts", querelles que CdG considère certainement comme, d'une part subalternes, d'autre part dangereuses. Mais cela ne l'empêche certainement pas de faire ses comptes, au crayon à papier avec la gomme, sur des brouillons non publiés. Surtout à ne pas publier...
Les trouvera-t-on un jour ?

François.
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 6 Oct 2008 - 13:09

françois vauvillier a écrit:

Mais ce qui est piquant dans le cas de Paul Reynaud que vous évoquez, c'est que justement, lorsqu'il intervient dans la "croisade" (décembre 1934), on n'en est plus à 500 chars, mais bien à 378. Or, Reynaud n'a pas attendu l'après-guerre pour rappeler ce chiffre initial frappant de 500. Dès 1937 (dans " Le problème militaire français"), il y revenait, en "zappant" complètement les données chiffrées précises mises à jour (nos fameux 378) qu'il avait lui-même défendues à la Chambre en mars 1935. Un trou de mémoire juste deux ans après ?
Euh?..., là vous allez un peu vite, car à la chambre en mars 1935, il n'est nulle part question de 378 ou 500 chars. J'ai l'intervention de Reynaud si vous voulez que je la recopie. Il ne fournit aucun détail sur le nombre de chars. La note demandée par Reynaud à De Gaulle, concernant le "coût", était destinée à son dossier pour sa présentation du projet de loi devant la commission du Sénat et dont je n'ai pas le compte-rendu. Mais vous avez raison de dire qu'à cette époque, le projet était déjà révisé. La meilleure explication serait qu'il ne l'ait même pas lue !

Sinon, je sais bien que tout ça n'est que pure spéculation. Rappelez-vous, cependant, l'annecdote entre Hitler et Keitel, lorsque ce dernier avait eu le malheur de confondre une pièce antichar avec un autre modèle et qu'Hitler n'en était pas revenu. Il nous paraît évident, nous qui avons le nez plongé dedans, qu'un chef d'état-major de la Wehrmacht devait connaître parfaitement tout le matériel de son armée, et pourtant... On ne peut pas spéculer sur ce qui interessait précisément De Gaulle en matière d'armement ou d'organisation. Il pouvait très bien s'inspirer des centaines d'articles qui paraissaient à l'époque sur ces questions de chars sans se référer uniquement au développement de ces armes dans l'armée française.

Olivier

PS: à l'attention d'un modérateur. Peut-être faudrait-il déplacer ces posts dans la rubrique "au sujet des articles de GBM" pour ne pas encombrer l'uchronie de François ?
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takata
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyDim 12 Oct 2008 - 6:05

Bonjour à tous,

J'ai encore trouvé une autre "variante" de la première mouture de « Vers l'armée de métier » qui me semble intéressante puisqu'elle se situe entre le premier article publié en mai 1933 et le livre édité en mai 1934. Il s'agit d'un autre article écrit par de De Gaulle pour « La revue des vivants » (dirigée par Henry de Jouvenel) paru en janvier 1934.

Dans cette petite polémique (amicale) qui m'oppose à François sur la génèse de l'Armée De Gaulle, je crois bien que j'apporte un autre élément en défaveur de son hypothèse des 400 chars basée sur le décompte des armes qui se trouve dans ce fameux livre (cf. GBM 85).

Or, il se trouve que cet article, intitulé cette fois « FORGEONS UNE ARMÉE DE MÉTIER », comprend déjà la description de la division telle qu'on la retrouve ensuite dans le livre publié. En effet, les armes de la brigade de chars sont identiques : 150 canons moyens, 400 canons légers, 600 mitrailleuses... mais il n'est nulle part mentionné la fameuse phrase des 2.000 chars pour 4 divisions. Alors, il s'agirait bien d'une précision introduite pour son livre, quatre mois plus tard, avec le même armement dans les deux cas (à moins que quelqu'un n'arrive encore à dénicher un autre article postérieur à celui-ci !).

Par conséquent, l'idée de François sur les 400 chars ne colle pas avec les travaux antérieurs, ce que le général de Gaulle confirme dans ses "mémoires de guerre", tome 1, La pente : « Attaque déclenchant 3.000 chars, disposés en plusieurs échelons sur un front moyen de 50 kilomètres » (pour les 6 divisions).

Cordialement, Olivier


Dernière édition par takata le Dim 12 Oct 2008 - 6:17, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyDim 12 Oct 2008 - 6:08

Voici le texte intégral de cet article :

LA REVUE DES VIVANTS — Janvier 1934 —

[35] « FORGEONS UNE ARMÉE DE MÉTIER »
« C'est le temps du travail et des
métamorphoses ». ALBERT SAMAIN.

La frontière de la France est une enceinte trouée. Géographie et
politique ont conjugué leurs effets pour y faire brèche précisement à
l'endroit le plus vulnérable. Les conditions économiques du siècle
aggravent cette infirmité. Au nord-est, la nature ne nous offre rien
pour couvrir la patrie. Or, c'est là que, de tout son poids, pèse le
voisin, par excellence ambitieux et dangereux. C'est là aussi que
s'entasse une large part de nos richesses: tout le fer, presque tout le
charbon, les meilleures cultures, les plus puissantes usines, un tiers
de la population. La capitale en est tout près. Un tel désavantage est
spécial à la France. En cinq heures de vol, par l'avion Berlin-Paris, le
voyageur voit marquées au sol les sûretés allemandes et les faiblesses
françaises. Quittés les bords de la Sprée, il peut, en de longs loisirs
et jusqu'à notre Meuse, compter cent vingt-cinq lieues, discerner les
fossés: Elbe, Aller, Leine, Weser, Rhin, qui couvrent de près et de loin
la capitale de l'Empire, contempler les forteresses, Harz, Monts de
Hesse, Rothhaargebirge, Eifel, dont la nature fait hommage aux Germains.
Soudain, le sol s'aplanit, s'adoucit, s'humanise.Plus de montagnes, de
gorges. d'escarpements. C'est la France !

[36] A peine la frontière franchie, ce terrain en forme de cuvette qui
va s'abaissant vers son centre, ces rivières, ces chemins de fer, ces
routes qui convergent dans la même direction, cet aspect de banlieue que
prend rapidement la campagne font sentir que Paris est tout proche. Mais
le voici déjà: monument, entrepôt, usine, assemblant mille artères, m:û
gardé par des collines médiocres, proie si proche, si belle et si facile
! Des conditions aussi fâcheuses quant à la défense initiale du pays,
c'est-à-dire à la couverture, entraînent des conséquences parfaitement
déterminées. Configurés pour l'invasion, exposés aux surprises, tant par
le tracé des frontières que par les dispositions du caractère national
et de celui des voisins, nous ne pouvons nous en remettre, pour
supporter les premiers chocs, à la défensive hâtive de formations mal
assurées. Il nous faut de quoi riposter pour ainsi dire de but en blanc.
Quand on n'a point de marches devant ses trésors, que Colmar,
Strasbourg, Metz, Thionville, Mézières, Lille, Dunkerque sont à la merci
d'un incident, que le destin du pays dépend directement de ce qui se
passe devant Liége ou, peut-être, autour de Berne, qu'une seule bataille
perdue c'est Paris à feu et à sang, et qu'on laisse délibérément
l'initiative à l'adversaire, il ne reste comme garantie qu'une première
ligne maçonnée d'un ciment spécial, susceptible grâce à la manoeuvre de
remédier d'urgence aux mauvais coups. Il est vrai que, sur une partie de
la frontière, nous achevons d'édifier un système bien agencé de
fortifications. Nul doute que tant de bons ouvrages ne procurent à notre
défense un considérable appui. Mais, ces organisations, outre qu'il
faudrait pouvoir leur donner des garnisons suffisantes, n'ont qu'une
profondeur restreinte. D'ailleurs, elles laissent découverte toute la
région du Nord. Enfin, comment prévoir les effets que produiraient sur
les défenseurs les modernes engins d'attaque, si, comme on doit s'y
attendre, les assaillants devaient passer dans les intervalles à l'aide
de chars lourds, de gaz délétères et de brouillards artificiels ? Au
surplus, il faut tenir compte des défaillances possibles. Parmi des gens
enterrés, isolés, vivant dans l'impression d'un écrasement imminent, se
croyant abandonnés de Dieu et des hommes, il se produit bientôt une
sorte de désagrégation morale. C'est pourquoi pendant la grande guerre,
tant de bétons belges, russes et français, demeurés en somme intacts,
furent aussi rapidement rendus par des garnisons à peine entamées. Les
forteresses ont leur valeur, mais non point celle d'une panacée. Edifier
notre couverture uniquement sur la résistance d'ouvrages tenus par des
novices serait une pure absurdité.

[37] Ainsi, la figure de la France, qui rend à la fois si précaire
l'intégrité du territoire et si grave la moindre invasion, exige que sa
défense initiale soit étayée d'un instrument de manoeuvre capable d'agir
sans délai. c'est-à-dire permanent dans sa force, cohérent, rompu aux
armes. Faute de pouvoir l'attendre des unités mobilisées, ni des
contingents passagers du service à court terme, formons-le de
professionnels ! Au reste, l'effort militaire de la France, pas plus que
sa politique, ne sauraient se limiter à l'action sur le territoire.
C'est en vain que nous tenterions de vivre et de combattre dans
l'isolement. Bon gré, mal gré, nous faisons partie intégrante d'un
certain ordre établi dont tous les éléments se trouvent solidaires. Ce
qu'il advient, par exemple, de l'Europe centrale et orientale, du
Danemark, de la Belgique, de la Sarre, de la Suisse nous touche
essentiellement. Aussi bien avons-nous signé des traités, souscrit à des
pactes, pris des engagements, adopté une attitude qui consacrent, une
fois de plus, cette interdépendance. De combien de sang et de larmes
payâmes-nous l'erreur du Second Empire qui laissa faire Sadowa sans
porter l'armée sur le Rhin ? Sous peine de nous trouver ici, puis là,
ailleurs encore, devant des faits accomplis, nous devons être en mesure
d'agir à toute heure, en tout lieu, en toute occasion. Comment
pratiquement le faire, s'il faut, avant d'entreprendre quoi que ce soit,
mobiliser des réserves ? C'est bien pourquoi, soit dit en passant,
aucune organisation réelle de la paix ne se conçoit sans troupes de
métier. A la nation armée, élément principal de la défense française,
mais lente à réunir, lourde à mettre en oeuvre et dont le gigantesque
effort ne saurait correspondre qu'au dernier degré du péril, nous devons
joindre une avant-garde toujours prête aux actions de secours. Alors
seulement nous aurons l'armée de notre politique. Et comme il y a, dans
les affaires humaines, une sorte d'obscure harmonie, en vertu de
laquelle les tendances de divers ordres convergent souvent vers les
mêmes nécessités, voici que l'évolution technique nous presse, elle
aussi, de constituer au milieu de la masse une élite militaire. A mesure
que le matériel qui s'incorpore aux armées tend à devenir plus puissant,
rapide et délicat, le rendement qui en est tiré varie dans des limites
plus larges suivant l'habileté et la cohésion du personnel. Non que les
mouvements musculaires qu'exige le maniement des armes et de l'outillage
aient, par eux-mêmes, rien d'exceptionnel. II s'agit toujours, en
dernier ressort, de manoeuvrer un levier, un tube, un volant. Mais la
manière dont on le fait devient bel et bien essentielle. Le premier venu
peut, sans doute, en deux

[38] heures, apprendre à tirer au stand une mitrailleuse sur son
trépied. A quoi bon, s'il ne sait, au combat, pointer, observer, se
camoufler, employer ses outils, marcher, tirer, bondir opportunément,
lier ce qu'il fait à ce que font les autres, s'adapter comme il faut à
des circonstances terribles et changeantes ? Ce n'est pas le geste qui
devient difficile, c'est l'art qui se complique et se multiplie. Par là,
la qualité prend par rapport à la masse une valeur relative croissante.
D'ailleurs, des engins paraissent, si puissants à tous les égards,
qu'ils vont concentrer dans des carapaces limitées en nombre l'essentiel
des moyens d'action. Les chars, grâce à leur armement, à leur vitesse, à
leur protection, sont en train de bouleverser la tactique et de se
saisir du rôle capital. Dès lors, leur importance et le prix qu'ils
coûtent vont conduire forcément à la sélection des équipages. Il serait
demain aussi puéril de confier ces cuirassés du sol à de malhabiles
recrues que de faire monter le « Dunkerque » par des novices ou de
remettre à des apprentis les grands avions multiplaces. Ainsi, en
ajoutant à l'organisation militaire d'aujourd'hui un corps de
spécialistes pourvu du matériel le plus moderne, nous apporterons le
vrai remède aux infirmités de notre couverture, nous donnerons à la
France les moyens de remplir aussitôt, s'il le fallait, ses devoirs de
solidarité internationale, nous nous conformerons, enfin, aux conditions
imposées par l'évolution technique de la force.

* * *

Pour un tel instrument de manoeuvre, c'est au moteur, bien entendu,
qu'on demandera la puissance et la rapidité voulues, au moteur qui,
désormais associé avec la chenille, s'offre à porter ce que l'on veut,
où il le faut, à toutes les vitesses, pourvu toutefois qu'il soit manié
très bien. Dans l'armée de métier de demain, chaque élément de troupes
et des services évoluera par monts et par vaux sur véhicules appropriés.
Pas un homme, pas un canon, pas un obus, pas un pain qui ne doivent être
ainsi portés à pied d'oeuvre. Une grande unité, levant le camp au point
du jour sera le soir à cinquante lieues de là. II ne lui faudra qu'une
heure pour venir de quinze kilomètres et à travers tous terrains,
prendre face à l'ennemi son dispositif de combat ou pour disparaître, en
rompant le contact, hors de portée des feux et des jumelles. Mais cette
vitesse vaudrait peu si l'on ne pouvait la prolonger par une

[39] telle puissance de feu et de choc que le rythme du combat s'accorde
avec celui des évolutions. Or le moteur cuirassé donne la solution du
problème. En poussant dans cette voie sans cesse élargie on évitera aux
troupes d'élite la stabilisation des fronts qui a faussé la guerre
récente du point de vue de l'art et, par suite, dans le rapport des
pertes et des résultats. Six divisions de ligne, motorisées et
chenillées tout entières, blindées en partie, constitueront l'armée
propre à créer l' « événement ». Organisme auquel son front, sa
profondeur, ses moyens de se couvrir et de se ravitailler permettront
d'opérer par lui-même. L'une quelconque des six grandes unités sera,
d'autre part, dotée de tout ce qu'il faut, en fait d'armes et de
services, pour mener le combat de bout en bout, du moment que d'autres
l'encadrent. On peut concevoir comme suit la composition de chaque
division. Une brigade fortement blindée, roulant à travers champs aussi
vite qu'un cheval au galop, armée de cent cinquante canons de moyen
calibre, de quatre cents pièces plus petites, de six centaines de
mitailleuses, franchissant les fossés de trois mètres de large,
gravissant les talus de trente pieds de haut, culbutant les arbres de
quarante ans, renversant les murs épais de douze briques, écrasant tous
réseaux, grilles ou palissades, voilà de quoi l'industrie peut doter
aujourd'hui chaque division professionnelle. Cette brigade de deux
régiments, l'un de chars lourds, l'autre de chars moyens, éclairée par
un bataillon d'engins légers, très rapides, dotée d'un matériel
perfectionné pour la liaison, l'observation, les travaux de campagne,
constituera l'échelon capital de la grande unité.

Une brigade d'infanterie de deux régiments et un bataillon de chasseurs,
armée de cinquante pièces d'accompagnement, d'autant de canons
anti-chars, de six cents mitrailleuses lourdes et légères, pourvue d'un
matériel spécial pour creuser vite tranchées et abris, équipée, en fait
de vêtements, toiles peintes, treillages, artifices, de manière à
n'offrir aux vues et, par conséquent, aux coups que d'insaisissables
objets, devra consacrer à mesure, par occupation, nettoyage et
organisation du terrain, ce que la terrible mais passagère puissance des
chars aura virtuellement réalisé. L'ensemble des feux très mobiles mais,
en somme, improvisés et à courte portée, que manoeuvreront de concert
les chars et l'infanterie de la division, il s'agit qu'il soit couvert,
à toutes distances possibles, par un autre système de feux, celui-là
préconçu et précis. C'est l'affaire de l'artillerie, disposant, dans la
division, des diverses sortes de pièces qui

[40] sont couramment nécessaires pour la préparation des attaques,
l'appui direct, la protection lointaine ou rapprochée, la neutralisation
des batteries adverses. Deux régiments, l'un servant des canons lourds
et courts, l'autre des pièces plus légères à tir tendu, formeront une
forte brigade, complétée par un groupe de défense contre avions, et
capable de lancer en un quart d'heure, jusqu'à dix kilomètres en avant
du front de combat, cent mille kilogs de projectiles. Cependant, malgré
la vitesse, la protection, la dispersion accordées aux combattants par
les moteurs, cuirasses et chenilles, la masse et le relief des troupes
ainsi constituées demeureront considérables. La dimension des engins,
leur bruit, leurs traces seront tels que, sauf précautions, l'ennemi en
percevrait aisément l'approche. Or, il s'agit, par-dessus tout, de lui
ménager la surprise. Un camouflage méthodique sera donc réalisé. On ne
saurait s'exagérer les résultats auxquels il est possible d'atteindre à
cet égard par recherche et par discipline. Un bataillon de camouflage,
spécialisé dans la matière et doté des moyens voulus pour simuler la
présence d'une grande unité, sera dans chaque division l'instrument de
cette duplicité. A l'ensemble formé par les six divisions de ligne se
trouvera jointe, pour l'exploration et la sûreté à distance, une
division légère du même type général que les autres, mais dotée d'engins
plus rapides. Enfin, des réserves générales de chars, d'artillerie, du
génie, de camouflage et les services accoutumés complètent l'armée de
choc. Celle-ci possèdera, par rapport au total des troupes que la France
mit sur pied au mois d'août 1914, une capacité de feu trois fois
supérieure, une rapidité virtuelle décuplée, une protection infiniment
plus grande. En ajoutant que le tout s'appliquera normalement sur un
front dix fois moins étendu et que les soldats de carrière tireront de
leur armement un rendement incomparable, on peut se faire une idée de la
puissance dont sera localement susceptible l'armée de métier de demain.

* * *


Dernière édition par takata le Dim 12 Oct 2008 - 6:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyDim 12 Oct 2008 - 6:08

Ce terrible système mécanique de feu, de choc, de vitesse et de
camouflage, pour le mettre en oeuvre il faut cent mille hommes. Tel est,
d'ailleurs, l'effectif de la Reichswehr. Tel est, sensiblement, celui
des troupes professionnelles des Etats-Unis d'Amérique et de la
Métropole anglaise. Tel est, enfin - constante remarquable - le minimum
de force per-

[41] manente que, depuis Henri IV, les gouvernements de la France ont
toujours cru devoir conserver. Ces hommes seront jeunes. L'instruction
militaire, plus rude et variée que jamais, exige une grande plasticité
des muscles et de l'esprit. Si l'espèce des missions que l'armée de
métier aurait à remplir réclame du Commandement de sages et prévoyantes
combinaisons - car on doit être avare d'un capital limité - elle
implique chez les exécutants des qualités juvéniles : goût du risque et
détachement facile. Aux engagés de vingt ans, six années suffiront pour
parcourir le cycle. Après quoi, vétérans dans la vigueur de l'âge, ils
fourniront aux masses nationales le cadre actif des réserves et des
recrues. Quelle jeunesse empressée attirera-t-on dans les rangs, pour
peu que l'on sache mettre à la base des troupes d'élite les caractères
mêmes qui dominent la présente génération ! On ne saurait s'exagérer le
degré de perfection technique auquel les volontaires pourront parvenir.
Certes, la France a, maintes fois dans l'histoire, employé des armées de
métier, mais qui furent, sauf quelques fractions, recrutées par
contrainte légale ou formées de mercenaires. Or, si la vertu des armes
put faire de ces pauvres gens les braves de Fontenoy, de Constantine, de
Sébastopol, que n'obtiendra-t-elle pas demain de cent mille garçons bien
choisis, rangés sous les drapeaux par libre vocation ? Six divisions
groupant des corps de troupe, ceux-ci comme celles-là complets et
permanents, seront l'ossature de l'armée de carrière. Cent mille
volontaires jeunes et choisis, maniant à grande vitesse, grâce aux
moteurs, un armement d'une extrême puissance, en formeront la matière.
Une politique de l'esprit militaire donnera son âme à ce grand corps. On
verra jusqu'où peuvent aller, à la faveur de la technique et dans un
système de qualité, l'art et les vertus qui sont l'honneur des armes.

Charles de GAULLE.
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyDim 12 Oct 2008 - 6:37

Last point :
J'avais aussi dit plus haut que l'idée de mettre de
l'artillerie lourde sur voie ferrée, comme François l'avait déduit à
partir d'un autre indice, me semblait incohérente avec ce type d'armée
mais j'avais certainement tors là-dessus : Stéphane Ferrard l'avait
précisé quelque part et cela figurait effectivement dans le projet du
général Estienne dont De Gaulle s'est visiblement bien inspiré :

le général Estienne a écrit:
Réfléchissez, Messieurs, au formidable avantage
stratégique et tactique que prendraient sur les lourdes armées du
récent passé, 100.000 hommes capables de couvrir 80 kilomètres en une
nuit avec armes et bagages, dans une direction quelconque et à tout
moment. Il suffira pour cela de 8.000 camions, 4.000 chars à chenille,
montés par une troupe de choc de 20.000 hommes. Pour la clarté de
l'exposé, nous les appellerons encore fantassins, artilleurs,
cavaliers, mais tous ces soldats ne constituent plus qu'une seule armée
qui peut, c'est sa caractéristique essentielle, combattre de près,
aborder l'ennemi, et cela toujours par surprise. Ah ! la surprise,
Messieurs ! On a essayé bien des procédés d'attaque depuis que les
hommes se battent ; je ne crains pas d'affirmer qu'après cette grande
guerre, comme il y a 3.000 ans, la surprise reste le plus formidable
procédé connu et, à défaut de l'anneau de Gygès, de l'invisibilité, la
rapidité des mouvements est le plus puissant moyen de surprise. La
tactique est d'une brutale simplicité, d'une simplicité capable de
déconcerter, de prime abord, les profesionnels de la tactique.

Voici d'abord les chars de rupture de cinquante, cent tonnes peut-être,
qui s'avancent dédaigneux des détours, sous le couvert, soit de la
nuit, soit d'un épais brouillard naturel ou artificiel, écrasant tous
les obstacles, éventrant les maisons ; l'infanterie blindée,
l'artillerie d'accompagnement les suivent, profitant du chemin tracé ;
les premières lignes ennemies surprises sont bientôt rompues ; et voici
les rapides chars d'exploitation, comme jadis la cavalerie, pour
achever la victoire. En même temps, de puissants canons sur voie
ferrée
, dirigés par des observateurs aériens, utilisent leurs
énormes portées pour battre les derrières du champ de bataille.
Poursuivi, les chars dans les reins, l'ennemi ne peut se rétablir ; il
est défait sans retour, comme au soir de Cannes ou d'Iéna.
Et quelques jours plus tard, complétés en personnel, en chars, en
munitions, en esssence, nos 100.000 hommes se retrouvent prêts à porter
un nouveau coup à 100 kilomètres de là.
Bruxelles, 7 mai 1921 (conférence)

Donc, un partout, balle au centre...
Very Happy
Olivier
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyDim 12 Oct 2008 - 11:31

Bonjour Olivier,

Merci pour cette honnêteté intellectuelle.
Je suis à nouveau happé par les nécessités professionnelles qui m'éloignent de ce fil de discussion, et qui vont m'en rendre absent de longues semaines. J'avais profité de trop courtes vacances pour développer et débattre.

Juste un point, pour vous qui aimez (et vous avez raison) les archives rigoureuses.
Le texte, combien célèbre, que vous citez du général Estienne, est bien sûr brièvement évoqué dans mon article de GBM 85, page 22 (je n'en avais cité qu'une phrase). Mais la conférence du 7 mai 1921 à Bruxelles est la seconde du genre.
Le général Estienne l'a prononcée une première fois (avec quelques variantes), le 15 février 1920, au conservatoire national des Arts et Métiers à Paris. Le premier paragraphe est plus court dans la première version, mais le second paragraphe, avec référence à l'ALVF, est bien le même.

Ce sera tout, bon dimanche, je rends l'antenne.

François
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Stéphane Ferrard


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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 13 Oct 2008 - 18:08

Aïe comme bac, comme on dit en Camargue !

Bon, plusieurs choses :

1- D’abord il faudrait effectivement trouver un fil parallèle pour les interventions éclairées de Takata que je tiens à remercier car les documents qu’il cite je les avais perdus et je n’ai jamais trouvé le temps de passer à la Fondation CdG pour me « refaire une mémoire ». Ne serait-il pas possible de créer ce fil pour accueillir les propos de Takata et de François, essentiels pour la bonne compréhension de l’U-Chronique de FV mais avec un lien direct à partir de celle-ci. Je m’explique : à chaque intervention de Takata, je préfère Olivier, ou de François sur les écrits de CdG le rappel d’un lien permettrait à chacun et sur un clic d’en avoir connaissance sans rompre le fil de l’U-Chronique. Qu’en pensez-vous Messieurs les Mestres (Administrateurs) ?

2- Sur le plan de l’U-Chronique, et pour répondre cordialement à François et à ses écrits des 5 et 6 octobre (page 2). Bien vu, je n’ai pas le petit bouquin dont tu parles mais avec tes infos, ça fait volume comme disait Marie-Chantal une vieille copine à moi et de cheval bien sûr ! Bon, pour être plus sérieux : Pour les chars FT/Kégresse, effectivement devant le manque de chars légers rapides, c’était une solution, mais nous sommes d’accord, elle était un peu « as been ». L’idée des AMR est excellente mais, c’est connu, les cavaliers sont mauvais camarades. Pour le 19ème BCP, l’idée (qui n’est pas forcément la mienne) des P 104 « Colonies » (les plus abouties à l’époque) est venue du fait que ce bataillon devait être sous blindage alors qu’avec des Lorraine et Laffly il était sous « la tôle » et donc ne pouvait combattre que comme les Dragons Portés (on débarque des véhicules avant de gagner les positions à pieds) ce qui ne leur permettait pas d’accompagner les chars comme le feront les BCP des DCR sur Lorraine Mle 38. Pour le reste RAS.

3- Sur le plan des 500 chars par division de ligne, ce n’est qu’un chiffre littéraire comme l’a écrit François, chiffre d’ailleurs « à la mode » autant en Angleterre qu’en URSS ou en Allemagne à l’époque. En fait, vu le manque de fiabilité des chars de l’époque, pour être sûr d’avoir au moins 250 chars en ligne, on comptait 50% de « volant ». D’autre part, on s’aperçut très vite que gérer une telle masse d’engins (il n’y avait pas que les chars) était très largement au-dessus des possibilités d’un simple état-major divisionnaire et que le temps d’écoulement des colonnes était considérable. Enfin, en fonction des performances des radios (télégraphie et phonie), les transmissions « à la voix » étant rendues quasi impossibles en raison des interférences. Aussi, tout le monde en revînt très vite à des effectifs moyens de 250 chars (DLM, PzDv) avec la création de corps d’armée par réunion de deux, sinon trois divisions blindées, permettant un travail d’état-major plus efficace (Pz Kp, Corps de cavalerie, groupement cuirassé.)

4- « A 50 lieues de là » écrit CdG, c'est-à-dire 200 km à couvrir dans la journée, soit 10 heures de marche à vingt km/h. En 1935, seul le char SOMUA (prototype) est capable d’une telle performance (en fait 8 heures à 25 km/h). Mis à part le SOMUA, en 1935, aucun char existant (D 1) ou à venir (D 2 et B 1, chars légers) n’est capable de couvrir d’une seule traite 50 lieues à 20 km/h. Donc, pour constituer les DMC, il faut soit réduire les « bonds » de 50 lieues à 20 (80 km) en 8 heures comme le préconisait déjà le général Estienne en 1920, ou attendre de nouveaux chars comme le SOMUA ou le projet de char 20 tonnes dont les caractéristiques étaient identiques. Mais le reste aurait-il suivi ?

Cordialement
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françois vauvillier
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MessageSujet: Re: Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc   Uchronie - ET SI la Chambre vote l'armée de choc - Page 2 EmptyLun 13 Oct 2008 - 22:12

Bonsoir à tous, à Olivier et à Stéphane,

En découvrant le dernier post de Stéphane, je suis remonté plus haut pour me rafraîchir la mémoire sur notre uchronie et là, stupéfaction, j'ai découvert en incise l'intervention d'Olivier immédiatement antérieure à la question de l'ALVF (à laquelle j'avais répondu hier, sans regarder plus haut), intervention nous livrant un texte complet de CdG publié en janvier 1934 dans "La Revue des Vivants".

Excellent. MERCI à Olivier de m'avoir fait découvrir ce texte.
La mise à la disposition de tous les passionnés de cet article est un ajout remarquable dans la meilleure connaissance de l'œuvre de CdG et des étapes du cheminement de ses écrits au sujet du corps spécialisé.

J'ajoute que la présence de ce texte sur ATF 40 est une preuve de plus de la pertinence de ce site créé par Alain Adam et Eric Denis, et animé par de nombreux spécialistes. Merci donc à tous.

J'aimerais revenir sur l'uchronie en développement (j'adore débattre des programmes et des matériels, sans omettre les corps de troupe et les traditions de notre armée), mais je suis pris par le temps en ce moment, ne m'en veuillez pas. Je garde un œil vigilant et je reviendrai dès que possible.

Bonne soirée à tous, bien cordialement

François
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