Bonjour,
Ce post pourrait être une réponse partielle à JP Alvery qui posait une question sur les ouvriers d'artillerie en août 2010, mais c'est aussi un appel à la communauté des passionnés de ce forum pour
m'aider à reconstituer l'itinéraire de mon père, maréchal des logis au 107e RALA, du 3 septembre 1939 à la fin juin 1940. Il se trouve que l
e livret militaire de mon père porte également la mention: affaire de Saint-Florentin, et cette affaire m'a longtemps interpellé. Malheureusement, bien que grâce au carnet d'artillerie de mon père j'ai pu reconstituer une partie de ses pérégrinations, le JMO de son régiment a disparu dans la tourmente ainsi qu'en témoigne ce rapport conservé dans le carton coté
34 N 609 du Service Historique de la Défense (S.H.D.) à Vincennes:
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107
e R.A.L.A.
État Major
Déclaration de perte d’archives Au cours d’une attaque dirigée contre les colonnes du régiment à SAINT-FLORENTIN, dans la nuit du 14 au 15 juin, toutes les archives du régiment (confidentielles et secrètes) ont été perdues.
Ces archives se trouvaient chargées sur deux camions qu’il fut impossible de dégager d’un embouteillage général provoqué par l’ennemi.
Ces archives comprenaient en particulier les feuillets de campagne de tous les officiers du régiment.
P.C. le 20 juin 1940
Le lieutenant colonel GARNIER commandant le 107
e R.A.
Signé GARNIER
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7
e Corps d’Armée
Artillerie
État Major
N° 5851/JC
P.C. le 21 juin 1940
Transmis à
Monsieur le général commandant le Corps d’Armée
Le général BALOURDET
Commandant l’artillerie du 7
e C.A.
Signé BALOURDET
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Ce rapport fait suite, dans le même dépôt d'archives, sous la même référence,
au récit, par le lieutenant-colonel Garnier, de l'affaire de Saint-Florentin qui s'apparente à un guet-apens des éléments avancés des forces allemandes (von Kleist ?), à moins que le colonel ne travestisse la réalité (ces documents, postérieurs à la destruction des archives du 107e RALA, sont parmi les rares conservés à Vincennes sur ce régiment - à noter que cette "affaire" concerne d'autres corps de troupe se trouvant à Saint-Florentin à cette date):
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7
e Corps d’Armée
Artillerie
État Major
N° 5851/JC
P.C. le 21 juin 1940
Transmis à
Monsieur le général commandant le Corps d’Armée
Le général BALOURDET
Commandant l’artillerie du 7
e C.A.
Signé BALOURDET
Rapport du lieutenant-colonel commandant le 107e R.A.L.
Sur l’affaire de Saint-Florentin
Nuit du 14 au 15 juin 1940
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Venant de la région TRANCAULT où déjà nos arrières étaient menacés par des engins mécaniques ennemis, le régiment est arrivé le 14 juin vers 18 heures dans la forêt d’Othe :
- B.H.R. à la VERRERIE,
- I et II/107 aux environs du carrefour 2 Km au Sud de VILLEFROIDE,
- III/107 dans les bois communaux.
Vers 21 heures, en exécution d’ordres reçus du colonel commandant l’A.L.C.A., le régiment se remet en route en direction d’AUXERRE par ARCES et SAINT-FLORENTIN. Les menaces se précisent sur l’arrière et les flancs de la colonne. Le lieutenant-colonel commandant le régiment donne immédiatement l’ordre de se mettre en mouvement dans la formation suivante : I, II, III, B.H.R.
Cette formation ne sera pas respectée. L’arrière du III/107 étant déjà au contact de l’ennemi, le commandant de ce groupe a mis son unité en mouvement par mesure de précaution. De même les autres unités, gênées par la nuit, ne se rangent pas selon la formation prescrite. La colonne du 107 est dans la formation suivante : III, B.H.R., II, I/107. Il est à noter, d’ailleurs, qu’au départ certains poteaux indicateurs ont été retournés. Néanmoins la colonne se met en marche dans la bonne direction. Entre la forêt d’Othe et les abords Nord de Saint-Florentin, rien à signaler, si ce n’est un encombrement inextricable de véhicules auto et hippo civils et militaires de toutes formations. Marche extrêmement lente, coupée d’arrêts très fréquents et prolongés. Des fusées, dont il est difficile de préciser le point d’émission, s’élèvent aux environ de la colonne.
En arrivant dans SAINT-FLORENTIN l’embouteillage est à son maximum, la colonne entière est bloquée. À ce moment (15 juin 2h30), la position du régiment est à peu près la suivante :
- Le III/107 a dépassé SAINT-FLORENTIN et est engagé sur la route d’AUXERRE, au-delà du pont de chemin de fer ;
- L’État Major et la B.H.R. suivent le III/107, la tête immobilisée au passage en dessus ;
- Le II/107 a en partie dépassé les ponts sur l’Armançon, la 4e batterie du II/107 et le I/107 n’ont pas encore passé l’Armançon.
Des chars légers paraissant faire partie de la colonne sont arrêtés en divers points. En particulier, l’équipage d’un de ces chars est interpellé par un officier du 107 qui tente de régler la circulation. Un individu, qui paraît être le chef de char, s’exprimant en très bon français, explique que ces chars se replient pour rejoindre un centre de réparation. Étant donné le mélange de toutes armes faisant partie de la colonne, cette réponse ne paraît pas suspecte.
Quelques instants après éclate un feu nourri de mitrailleuses et de canons légers émanant en particulier des chars ci-dessus indiqués et de plusieurs autres qui, d’après les rapports des témoins, sont postés au mieux pour prendre d’enfilade l’itinéraire suivi par la colonne. Simultanément des tireurs ennemis, invisibles jusqu’alors, tirent sur la colonne à coups de mitrailleuses, en sommant les troupes de se rendre.
Des projectiles percutent ou fusent aux environs de la route, région de la gare. L’ennemi tire également des bois que traverse la route de SAINT-FLORENTIN à AUXERRE, au Nord du passage en dessus, c’est-à-dire à la tête du régiment.
La panique s’empare des civils et des militaires non encadrés étrangers au 107 qui longeaient un peu partout la colonne ; toute remise en mouvement devient désormais impossible. La répercussion de tous ces faits sur le régiment est la suivante :
- III/107 et B.H.R.- Il est impossible de dégager les pièces vers l’avant. L’embouteillage est inextricable.
Devant l’attaque qui se resserre sur la route, venant de droite et de gauche, les commandants de batterie tentent de détruire leur matériel. La panique d’éléments étrangers au 107 R.A est à son comble en cet endroit. Des centaines d’hommes s’enfuient en jetant leurs armes. À noter l’action d’individus très suspects (officiers en particulier) qui donnent des ordres et prennent des mesures dont la conséquence est d’augmenter la panique et de rendre la situation plus grave encore.
- II/107 (5e et 6e batteries).- Les 5e et 6e batteries sont en plein sous le feu ennemi. Des coups de canons légers atteignent les voitures et en incendient quelques-unes. Ces deux batteries se défendent avec courage et énergie.
Le capitaine commandant la 5e batterie est blessé après avoir attaqué des tireurs ennemis à bord de leur char ou à proximité. Le capitaine commandant la 6e batterie a été vu pour la dernière fois un fusil mitrailleur à la main, tentant de contre-attaquer avec quelques hommes pendant que le reste du personnel des deux batteries mettait hors d’usage, à coup de masse, les tracteurs et les canons.
- 4e batterie du II/107 et I/107.- Se trouvent encore en arrière du point où le combat est le plus intense et n’ont pas encore traversé l’Armançon. Réussissent à faire demi-tour, à reconnaître un nouvel itinéraire et à passer la rivière au pont de LAROCHE où une grande partie de la 4e batterie est détruite par un bombardement aérien très meurtrier.
Le régiment se regroupe par parties à l’entrée de LORDENNOIS [Lordonnois, 7Km au sud de St-Florentin] à AUXERRE et sur la vallée de la Loire ; l’ensemble se reforme aux CHERRIERS et Bois de la CHAPELOTTE (10 Km ouest de SANCERRE).
Il comprend :
- Une B.H.R. réduite,
- Un groupe de 105 L/36 réduit,
- Une troupe sans matériel autres que des véhicules de transport provenant surtout de la C.R./3.
P.C., le 22 juin 1940
Le lieutenant colonel Garnier commandant le 107e R.A.
Signé GARNIER
Destinataire : le général BALOURDET commandant l’artillerie du 7
e Corps d’Armée.
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J'ai encore le récit de la capture de l'adjudant Léon Edus dans ces circonstances et les noms des soldats qui ont trouvé la mort dans cette affaire, dont le capitaine Edmond Volmerange. Le JMO du 107e RAL pour la première guerre mondiale est bien connu et a été publié, mais la reconstitution des marches et opérations du 107e RALA reste à faire pour 1939-1940. C'est à cela que je m'attache depuis une douzaine d'années et souhaite connaître d'autres informations et des photos si possible. Mon père était chef de pièce dans le 3e groupe, 9e batterie du 107e RALA. J'ai mis maladroitement un post le mois dernier sous la rubrique "croix de guerre refusée" qui laisse croire que c'est lui qui l'a refusé alors que c'est la commission d'homologation qui est revenue sur cette attribution. En outre, après l'arrêt des hostilités, il a servi dans le même régiment jusqu'à sa démobilisation en septembre 1940 dans une compagnie de TNA. J'ignore ce que cache ce sigle.
Merci pour l'aide que vous pourrez m'apporter.
Daniel