Pertes allemandes à Denée le 15 mai 1940

Bonjour à tous.

Je me régale actuellement à la lecture de "La 1ère Division Cuirassée au combat", de Jean-Robert Gorce. L'ouvrage est vraiment passionnant, très documenté et particulièrement bien écrit. L'iconographie est très complète et parfaitement positionnée au regard du texte, on "retrouve facilement ses petits". En clair, ça se lit comme un roman et je ne saurais trop qu'en conseiller la lecture aux rares d'entre vous qui ne le possèdent pas encore dans leur bibliothèque.

Une question me vient à l'esprit, relative aux affrontements de Denée, dans l'après-midi du 15 mai 1940, qui voient l'anéantissement des B1bis de la 3ème compagnie du 37ème BCC du Capitaine Lehoux par 2 batteries d'obusiers de 10,5cm du III./Artillerie-Regiment 8. Le récit du combat relaté par Jean-Robert, presque minute par minute, est passionnant et très détaillé, avec le sort individuel de chacun des chars.

Mais si l'état des pertes à l'issue du combat côté français est très précis, faute de documents côté allemand, l'auteur ne peut, à l'époque de la sortie de l'ouvrage (octobre 2016), que rester très évasif et indiquer qu'elles ont dû être sérieuses si l'on en croit les témoignages des équipages prisonniers et évoque la moitié des pièces engagées environ.

Or, à la lecture de différents fils précédents, j'ai cru comprendre que certains spécialistes hantant ce forum vont régulièrement fouiner dans les archives allemandes ou ont des amis outre-Rhin capables de leur transmettre des données relatives aux archives de l'Armée Allemande.

Quelqu'un en sait-il un peu plus aujourd'hui (ou peut-il chercher l'information) ? Quel pourrait-être le nombre de pièces détruites ou endommagées par les équipages des B1bis du Capitaine Lehoux, le nombre de tués, blessés, disparus parmi les servants de ces pièces et parmi les fantassins positionnés à proximité ? Même avec l'exagération due à l'excitation des combats, quand on lit le récit de chaque chef de char, on a l'impression que les chars français ont eu le temps avant leur destruction de multiplier à très forte cadence les tirs de 75 et de 47 à très faible distance et sur des pièces visibles, mises en batterie récemment sans réelle protection. J'aimerais en savoir plus sur le prix que la compagnie Lehoux aura fait payer à l'ennemi pour sa destruction.

D'avance merci pour vos éléments de réponse.

Frédéric

Bonjour
Je ne saurais trop vous conseiller la lecture du livre de Roland Charlier:
http://imprimages.be/index.php/catalogue-des-livres/histoire/la-region-de-florennes-au-debut-de-la-seconde-guerre-mondiale-1940-1941-detail.
Roland Charlier qui est également guide au musée du souvenir français 1940 de Haut-le-Wastia a étudié ce combat en détail et en compagnie de Jean-Robert Gorce avec il a parcouru les lieux de combat et a rectifié pas mal d'idées fausses qui perduraient depuis des dizaine d'années. L'évaluation des pertes véhicules allemands est un peu floue car peu d'engin ont été laissés sur place et beaucoup réparés. Les pertes s'établissent à -+50 panzers (R.Charlier p356) mais aussi à +- 50 chars français. Les impressionnants B1bis on été de nombreuses fois photographiés et laissé des mois sur le champs de bataille (voire près d'une année comme le Var d'Ermeton). Notre équipe du musée traque régulièrement les photographies allemandes sur les sites de vente et nous en découvrons qui témoignent de ces nombreuses pertes (provisoires).Voyez ci-dessous quelques Panzer(t)38 rassemblés dans un champs près d'Onhaye. sergeH

Je rejoins Serge dans son conseil de lecture du livre de Roland Charlier!
Je tempère cependant le nombre des pertes infligées aux Allemands et vous invite à parcourir le fil sur Flavion que j'avais initié sur ce forum Bataille de Flavion
Certes vous n'y trouverez pas les pertes de l'infanterie allemande à Denée (les divisions d'infanterie de la WH restent encore à ce jour, de grandes inconnues pour nombre d'entre-elles), mais vous aurez quelques données tirées directement des rapports allemands de l'époque. Force est de constater à la lecture de ceux-ci que les pertes en panzers à Flavion ont été très faibles! Les 50 chars allemands estimés par Roland Charlier sont un maximum incluant les chars endommagés réparables.
La 5.Panzer-Division (qui a fait le gros du travail à Flavion) perd seulement 7 panzers irréparables pour toute la journée du 15 mai!

Flavion passe d'ailleurs complètement inaperçu dans les rapports allemands du 15 mai et des jours qui suivent. Tout au plus signale-t-on un affrontement contre des chars français.
Il n'en sera fait mention que dans les synthèses de fin de campagne!

Serge, Olivier, merci à tous deux pour vos réponses.

En ce qui concerne les pertes respectives en char, ça ne fait qu'illustrer le vieux dicton latin, "Vae Victis"... Bon nombre de la cinquantaine de chars français perdus auraient très bien pu également être récupérés et réparés, si les Français étaient restés maîtres du terrain (d'ailleurs, dans un tel cas, ils n'auraient même pas été abandonnés et sabordés). Celui qui recule et laisse le terrain est condamné à saborder ses chars immobilisés et considérer tous ses chars comme définitivement perdus, alors que celui qui avance et reste maître du terrain a tout loisir par la suite de récupérer et faire réparer les engins récupérables. Et tout loisir d'indiquer 7 chars irréparables pour la journée du 15 mai, alors qu'il semble bien plus probable, vu l'intensité des échanges de tir et les comptes-rendus des combats qu'une cinquantaine soient restés sur le terrain avant que certains d'entre eux puissent être récupérés et réparés pour être remis en ligne.

Cette précision me semble utile afin de ne pas laisser penser à la simple lecture des états de pertes allemands publiés a posteriori que la 1ère DCr a combattu toute une journée pour perdre près de 50 chars au combat tout en n'en détruisant que 7, ce qui serait fallacieux. Il me semble plus équilibré d'affirmer qu'une cinquantaine de chars ont été mis hors de combat de part et d'autre ce jour-là, les allemands en récupérant dans la foulée une quarantaine.

Merci à vous deux en tout cas pour vos précisions et conseils de lecture avisés.

Cordialement.

Frédéric

ajtrad a écrit:

Serge, Olivier, merci à tous deux pour vos réponses.

[…] Il me semble plus équilibré d'affirmer qu'une cinquantaine de chars ont été mis hors de combat de part et d'autre ce jour-là, les allemands en récupérant dans la foulée une quarantaine.

Bonjour à tous, bonjour Frédéric,   

Ayant suivi les intéressants échanges de ce fil, je ne saurais trop vous conseiller de relire Olivier et de "mesurer sa prudence".

Historiquement parlant, on ne peut pas écrire la phrase retenue ci-dessus, au seul vu des éléments mentionnés plus haut. Il faudrait mener une recherche dans les archives allemandes pour essayer de déterminer quels chars de quelle(s) formation(s) ont été engagés ledit jour, quels chars de ces mêmes formations ont été engagés les jours suivants (différentiel), que mentionnent les deux soutiens "maintien en condition" divisionnaires dans les comptes rendus logistiques quotidiens et/ou de fin de campagne, etc. Evidemment plus simple à dire qu'à faire mais c'est le prix à payer pour espérer approcher la réalité des faits.

Cordialement,

Bonjour Thierry, et merci pour cette intervention.

J'en prends bonne note. J'ai entretemps relu le fil très complet d'Olivier sur la bataille de Flavion et les chiffres sont effectivement là, têtus, comme souvent. Leur lecture ne laisse que peu de doutes. 

Cordialement.

Frédéric