Les MAS 36 de série : numéros de série et dates de réception

Ainsi que je l'ai indiqué dans un précédent sujet, les MAS 36 de la série F constituaient une sorte de pré-série produite à très peu d'exemplaires, et on va sauter directement à la lettre G pour la production en série.

Les armes d'épaule de cette époque, une fois terminées, sont inspectées une dernière fois et reçoivent sur la face droite de la crosse un poinçon de réception daté du mois et de l'année. Il s'agit d'une date beaucoup plus fiable que celle de l'épreuve du canon, parfois distante de plusieurs années de celle de la réception. A l'extrême, les MAS 36 produits début 1945 recevaient encore des canons éprouvés en 1940 et tenus en stock.

Ce poinçon est néanmoins beaucoup plus fragile que celui du canon, un changement de crosse ou un simple ponçage suffisant à le faire disparaître.

Si l'on ne dispose pas des chiffres de production, un patient relevé des numéros de série et des dates de réception permet de s'en faire une idée approximative. 
Je dis bien approximative, car cela se heurte à plusieurs obstacles : il y a nécessairement des manques dans les relevés et les armes sont parfois réceptionnées en léger désordre par rapport à leurs numéros de série, d'où imprécision. Par ailleurs, des numéros de série peuvent être sautés, volontairement (par exemple la série J a été arrêtée à environ 25 000 avant de passer à la série K, soit un saut d'environ 75 000 armes!) ou non, certaines armes déjà numérotées étant définitivement rejetées à l'inspection. Dans ce cas, convertir les seuls numéros de série en quantités aboutit systématiquement à des chiffres de production trop élevés par rapport à la réalité.

Néanmoins, ces observations permettent de compléter les archives. Déjà elles permettent de dater une arme survivante qui n'aurait plus son poinçon de réception. Et de dire ce que les archives ne disent pas toujours : déblocage d'armes tenues en stock d'usine augmentant provisoirement les chiffres de "production" (en fait d'expédition d'usine) qui vont connaître un pic soudain, application tardive d'une décision de modification d'une pièce.

Je ne vais pas recopier ici toutes les armes datées connues à ce jour (plus de 230 pour la période octobre 1937-juin 1940) dont la liste a été longtemps compilée par un collectionneur américain, Thomas S. GILLES. D'autres sont encore apparues depuis et je ne les ai notées que quand elles apportaient quelque chose de nouveau.

Je vais vous donner les extrêmes, avec éventuellement les armes hors période, quand il y en a, ce petit sujet n'ayant pas vraiment d'autre prétention que d'aider à dater les armes survivantes ou d'apporter quelques menues précisions par rapport aux archives. Par soucis de discrétion, certains propriétaires masquent les derniers chiffres de leur numéro de série, les caractères sont dans ce cas remplacés par un X.

Octobre 1937 :
G 106 - G 156

Décembre 1937 :
G 1010

Février 1938 :
G 2494

Mars 1938 :
G 51XX - G 6241

Juin 1938 :
G 11803 - G 12806

Juillet 1938 :
G 160XX

Août 1938 :
G 16051

Septembre 1938 :
G 167XX

Octobre 1938 :
G 22577

Décembre 1938 :
G 27993

Janvier 1939 :
G 34522

Février 1939 :
Probable réception tardive  : G 325XX
G 347XX - G 38867

Mars 1939 :
G 39859 - G 432XX

Avril 1939 :
G 45078 - G 47602

Mai 1939 :
G 512XX - G 53770

Juin 1939 :
G 56624 - G 63627

Juillet 1939 :
G 67719 - G 70042

Août 1939 :
G 72263 - G 78767

Septembre 1939 :
G 80708 - G 85949

Octobre 1939 :
G 91765 - G 98738

Novembre 1939 :
G 99265 - H 6163

Décembre 1939 : 
H 8872 - H 18179

Janvier 1940 :
H 18661 - H 34224

Février 1940 : 
H 36821 - H 51725

Mars 1940 : 
H 62535 - H 72488

Avril 1940 :
H 73333 - H 99631
Possible réception hors période, J 6187 datée d'avril 1940.

Mai 1940 :
Probable réception tardive : H 96738
Pour le reste, il faut un peu détailler, puisque nous arrivons sur l'incomplète série J ou I.
Petite précision, j'utilise la lettre J pour retranscrire la lettre préfixe frappée sur les armes, car cela m'évite la confondre avec un 1. Néanmoins, scripturalement parlant, la lettre cursive majuscule utilisée est un I.
Ce modèle de lettre est utilisé depuis le fusil Gras... Mais à la place de la lettre J majuscule romaine utilisée auparavant sur le Chassepot. Et en plus, dans les archives manuscrites, cette lettre est souvent reportée comme un J.
En tous cas, que vous décidiez de considérer cette lettre comme un I ou comme un J, sachez qu'il n'y a pas eu à la fois une série I et une série J. C'est l'un ou l'autre.
Donc nous avons, dans les MAS 36 de la série J de mai 1940 :
J 3372 - J 21355
La J 21355 est l'arme produite à coup sûr pour l'Armée française au plus haut numéro de série connu. 
Car il existe deux armes bizarres, sans poinçon de réception, matriculées I 24155 et I 24210. La majuscule frappée avant le N° du boîtier de culasse n'est pas une majuscule cursive comme pour les autres, mais romaine. Ces deux armes n'ont pas de poinçon de réception visible, mais par contre des marquages LK5 montrant un ré-emploi par l'armée allemande. 
Et en tous cas, il s'agit des deux dernières armes connues pour la série J (ou I), puisque, toujours pour le mois de mai 1940, nous passons à la lettre K.
Celles-ci, pour mai 1940, vont de K 617 à K 3184

Juin 1940 : 
Probable réception tardive : J 20233
Pour le reste :
K 7227 - K 28278

Le numéro de série le plus bas que j'ai trouvé en archives pour une arme produite après 1940 est K 30027, expédiée le 30 septembre 1944.
Il est possible, avec les réceptions hors période, qu'on aille un peu en-deçà ou au-delà de ces matricules, mais pour le gros de la production, voilà la limite 1940-1944.

L'observation des armes nous donne également un petite précision quant à l'application réelle de certaines instructions. Le 10 février 1939, il est demandé de munir le bouchon de culasse du MAS 36 d'un ergot et de pratiquer dans le boîtier de culasse un évidement, afin que le premier se verrouille dans le second lorsque la culasse est fermée, évitant le détachement accidentel de ce bouchon.
Or, l'arme H 86587 d'avril 1940 n'a pas reçu cette modification, de même que la H 96738, réceptionnée en mai 1940 (probable réception tardive).
La première arme recensée ayant reçu cette modification semble-t-il d'origine en usine est H 88989, suivie par la H 99631, toutes deux datées d'avril 1940.
Il existe des armes avec des numéros de série plus bas (et plus anciennes) ayant cette modification, mais l'usinage dans le boîtier à toutes les apparences d'un ratrappage appliqué ultérieurement.
Toutes les armes des séries J et K (mai-juin 1940) ont reçu cette modification.

Bonjour Alamas,

Merci pour cet "état des lieux" qui met en évidence, une fois de plus, l'importance des différences de quantités entre les armes fabriquées, livrées, réceptionnées et distribuées aux troupes. Ces chiffres diminuant inévitablement d'une étape à l'autre.

Il n'est que justice que je donne le lien avec le travail de Thomas S. Gilles (pseudonyme Orcmastiff). Une première liste existait à l'époque des balbutiements d'Internet et j'avais apporté à ce moment le résultat de mes listes papier collectées en France. Avant que cette première liste ne disparaisse avec le site d'origine en 2008, Thomas l'avait sauvée. Quelques photos de ce travail remarquable ont malheureusement disparu :
https://www.gunboards.com/threads/collective-survey-of-the-mas-mle-1936-acceptance-and-modification-chronologies.277276/

Et pour ceux que l'anglais rebuterait, un collectionneur franco-américain, Robert OLIVIER (pseudo VivelaColo) a fait un sujet en français, très bien illustré qui plus est, sur l'évolution du MAS 36 :
https://www.tircollection.com/t9937-mas-36-elucubrations