Aides belges à la France pendant la Drôle de Guerre

Voici quelques actions de Belges en soutien à la France entre septembre 1939 et mai 1940 (source : ouvrage Jours de sursis publié par le Crédit Communal dans la série "Jours de Guerre", en coopération avec la RTBF-Charleroi, 1990).


Durant cette période où la Belgique est officiellement neutre, les Alliés et la France ont une grande popularité parmi les Belges. Les anciens combattants belges sont en grande  majorité favorables à la France et le font savoir aux travers de leurs associations et de leurs publications (en 1941, la Propaganda Abteilung belgien relèvera que durent l'hiver 39-40, sur les 307 quotidiens et hebdomadaires publiés en Belgique, seuls 48 donnaient leur préférence à l'Allemagne, essentiellement des media flamands). La propagande française, devant la francophilie belge et wallonne, ne jugera pas utile d'agir en Belgique. Ainsi faisant, elle négligera le monde catholique belge assez mal disposé à l'égard de la IIIe République... et la population flamande, toujours méfiante envers la France... Les quelques publications destinées à toucher les Flamands (et les Néerlandais) seront rédigées... en Français!!!!! Quelques émissions en Néerlandais seront diffusées par la France peu avant mai 1940.

Côté wallon, plusieurs cercles se constitueront autour du thème de l'amitié franco-belge. Ils éditeront plusieurs journaux, dont le ton fort francophile éveillera la vigilance de la censure belge, soucieuse de préserver l'image d'une Belgique neutre envers tous les voisins en guerre, soucieuse aussi d'interdire toute attaque contre le roi Léopold III et sa volonté neutraliste. Exemple de prose wallonne, dans le numéro du 30 août 1939 (juste avant la guerre) déjà, La Bataille Wallonne (publication du Fond d'Histoire du Mouvement Wallon), on peut lire "Les soldats Wallons ne tireront jamais sur les Français leurs Frères!" sous-entendu... même s'ils contournaient la ligne Siegfried par la Belgique. Après plusieurs saisies par les autorités belges, ce journal sera interdit de publication en janvier 40.

 Des associations liées au mouvement wallon vont dréer des organismes d'aide aux "Poilus".  On peut citer la Solidarité Franco-Wallonne, sous le patronyme de Croix-Rouge Wallonne, oeuvre de bienfaisance qui regroupe et expédie des colis destinés aux soldats français. Apparaissent aussi l'Assistance aux Soldats Français, l'Aide aux Familles de Français Mobilisés (+/- 7000 Français de Belgique auraient été mobilisés dans l'ATF40). La Cigarette du Poilu, l'Oeuvre d'Assistance Belge aux Poilus français, l'Hôpital des Anciens Prisonniers Liégeois pour l'Armée Française, le Secours Wallons aux Blessés Français, l'Oeuvre des Marraines de Guerre Belges pour les Combattants Français... Différentes autres associations récoltent des fonds pour l'Ambulance Franco-Britannique (une ambulance est envoyée au printemps 40) et pour l'Oeuvre des Ambulances Françaises.

L'idée de certains leaders wallons de constituer un corps de volontaires pour se battre en France est découragée par Paris, au profit de l'envoi de travailleurs belges dans les usines françaises (si possible des ouvriers spécialisés et non communistes). En contact avec Raoul Dautry, ministre français des armements, 4000 Belges auraient ainsi participé à l'effort de guerre français avant mai 40 sous le nom de Légion Volontaire. Sans être interdit par la Belgique, cet engagement d'habitants de la Belgique au service de la France est toléré pour les Polonais de Belgique et pour les Belges au chômage (et pas sous les drapeaux). L'état belge refuse cependant  de délivrer des passeports aux membres des familles de ces engagés belges qui veulent rejoindre leur chef de famille en France!

Bonjour Olivier,

Merci pour ce commentaire instructif. J'ajouterai que du côté français, l'amitié franco-belge a été une constante entre les deux guerres et le roi des Belges a toujours reçu un accueil enthousiaste de la population lors de ses visites en France.

Encore de nos jours, les Belges sont très souvent vus comme nos "cousins".

Bonjour Olivier,

Merci pour ces éléments. La faveur donnée par certains Flamands aux Allemands s'explique par la simple détestation des Wallons et donc, par association, des Français, où bien les causes en sont elles autres ?  Cela remonte t'il à l'aide française pour expulser les Pays-Bas de Belgique au 19°siècle ou cela n'a rien à voir ?

Très intéressé par ton point de vue sur ce sujet que la grande majorité des Français ne parvient pas à appréhender correctement par défaut d'éléments de contexte.

Cordialement

F

Fantassin a écrit:

Bonjour Olivier,

Merci pour ces éléments. La faveur donnée par certains Flamands aux Allemands s'explique par la simple détestation des Wallons et donc, par association, des Français, où bien les causes en sont elles autres ?  Cela remonte t'il à l'aide française pour expulser les Pays-Bas de Belgique au 19°siècle ou cela n'a rien à voir ?

Très intéressé par ton point de vue sur ce sujet que la grande majorité des Français ne parvient pas à appréhender correctement par défaut d'éléments de contexte.

Cordialement

F

Les causes du problème linguistique en Belgique et de ses répercussions sur les relations avec la France constituent une très vaste question.
Je ne suis pas un spécialiste de la question mais je vais tenter de donner quelques éléments :
- La Belgique est constituée en 1830 sur une région (riche) à la limite des influences latine et germanique, après une succession de périodes dominées par une ou plusieurs de ces influences sur le territoire belge actuel. De nombreuses puissances européennes y ont été présentes ou actives. Citons (pas chronologiquement) la France, l'Angleterre, les ducs de Bourgogne, l'Espagne, l'Autriche, les Pays-Bas. Une forme d'identité belge, fort diversifiée, se forme à partir de la période bourguignonne. La révolution belge de 1830 arrive après une courte période française (1re République et 1er Empire) et une courte période hollandaise (1814-1830). Durant ces deux périodes, la puissance possédant les territoires qui formeront la Belgique a essayé de renforcer/privilégier sa "culture et sa langue". Mais ni la France ni les Pays-Bas n'ont eu recours à la force pour cela. Disons qu'ils ont surtout agi en donnant des avantages à ce qui les arrangeait le mieux. Exemple : les officiers de l'armée hollandaise (1814-1830) étaient quasi exclusivement des Hollandais, alors que les soldats pouvaient être wallons... Globalement les élites belges de l'époque appartenaient à la sphère culturelle française. Le peuple parlait, comme partout en Europe, des patois locaux, soit diverses formes de flamand en Flandre et diverses formes de patois +/- francophones en Wallonie. A la création de la Belgique, la révolution a été plutôt initiée et conduite par les élites (francophones donc) et l'état belge a utilisé le français comme seule langue officielle. Si les Wallons ont pu s'en accommoder et s'adapter +/- facilement, les Flamands ne l'ont pas accepté, d'autant plus que l'identité flamande était déjà assez forte. La mauvaise gestion de la question linguistique par les autorités belges (longtemps, consciemment ou non, l'état belge a refusé de prendre en compte cette identité et ses revendications légitimes...) a intensifié le conflit.
- Très progressivement, les Flamands vont obtenir une reconnaissance (je passe les détails) dans les lois, les institutions, les esprits... En 14-18, l'occupant allemand utilise (détourne) certains leaders du mouvement flamand pour se faciliter la vie en Belgique (diviser pour régner). Certains tombent dans la collaboration (mais il est faux de prétendre que toute la Flandre a collaboré, loin de là). 
- La France étant la puissance française par nature et la Flandre tentant d'être reconnue face à un état belge francophone, il est normal qu'une certaine méfiance à l'égard de Paris existait. Cette méfiance n'était d'ailleurs pas uniquement partagée par les Flamands. La Belgique, état jeune, constitué sur le principe de la neutralité afin de subsister aux ambitions contradictoires de ses voisins, craint longtemps une annexion française!
- Après 14-18, la période de coopération militaire entre Belges et Français, matérialisée dans l'accord secret de 1920, n'effacera pas totalement cette méfiance. Certaines autorités françaises se comportent d'ailleurs avec suffisance à l'égard de son allié (Foch notamment). Les deux pays sont en concurrence par rapport au Grand-Duché de Luxembourg... Le côté opaque de l'accord de coopération militaire avec la France est fort mal perçu en Flandre. D'une part, on ne connaît pas la nature et l'ampleur des engagements des deux signataires et d'autre part, se savoir lié avec la France inquiète le monde flamand du point de vue "hégémonie du français en Belgique" et du point de vue diplomatique/politique de défense belges. Après 1918, la Flandre catholique est très marquée par un courant pacifiste. Se savoir alliée de la France fait craindre de se retrouver entraînée dans une guerre non voulue et profitable à la France.
- Devant les tensions et crise en Europe, la Belgique, déçue par les faibles réactions contre l'Allemagne, opte pour un retour à une neutralité armée. Une façon aussi de convaincre les courants pacifistes flamands (catholiques) et pacifistes francophones (socialistes) de soutenir une politique de réarmement.
- En 1939-1940, la majorité des Belges (francophones ou néerlandophones) craignent une attaque allemande. Les vrais partisans de l'Allemagne sont peu nombreux mais ils existent dans le monde nationaliste flamand et dans le parti REX francophone (alors déjà en perte de vitesse).

Merci beaucoup pour cette longue réponse qui apporte de nombreux éléments que nous ne percevons pas forcément de France.

L'opposition entre le catholicisme belge et la 3°République en particulier est une dimension dont je n'avais pas conscience mais qui se comprend très bien dès que l'on y réfléchit.

Le problème de l'arrogance n'est toujours pas résolu...vu hier sur un Twitter officiel...."La France apporte sa science militaire..." en parlant d'échange avec une autre nation. Rien que cela, en toute modestie, la fameuse science militaire française !!! Expérience opérationnelle, je veux bien, mais "science militaire" !



Cordialement

F

Bonsoir,

Sur le plan naval, une certaine coopération franco-belge se met en place dès la déclaration de guerre.
En effet, en septembre 1939, les capacités de la construction navale sont orientées en faveur de ma Marine Nationale. Dans les chantiers privés, sur 74 cales, seulement 15 sont occupées par un bâtiment civil en construction. Même, les chantiers traditionnellement consacrés au fluvial voient leurs capacités détournées vers le programme militaire avec la fabrication d'éléments portuaires : coffres d'amarrage, ras d'accostage, tonnes pour soutenir les filets anti sous-marins ou anti-torpilles.
Au fur et à mesure qu'une cale se libère, la Direction des Constructions Navales l'affecte à un bâtiment militaire en instance de mise en chantier.
Ne voulant pas compromettre la neutralité de la Belgique ou des Pays Bas, la Marine fait acheter par la Société Dunkerquoise de Remorquage et de Sauvetage et par l'Union des Remorqueurs de l'Océan des remorqueurs dans ces deux pays. Ils ne rejoindront la Marine qu'après une francisation en bonne et due forme dans un port français à l'instar d'un achat "normal" comme le faisait ces sociétés en temps de paix.
En plus de ces achats de matériel d'occasion, la Marine va chercher à se procurer des bâtiments neufs.
Le 25 janvier1940, la Compagnie Générale d'Armement Maritime passe commande de deux gabares de type "Puissante" auprès de Beliard Crighton et Compagnie à Ostende. Ces navires "civils" seront construits sous la Surveillance du Bureau Veritas qui en approuve les plans et les caractéristiques sous les numéros 19050 A et B. Le 1er mars 1940, deux unités supplémentaires sont commandées par un Acte Additif au Marché du 25 janvier. Sans sourciller, le Bureau Veritas accorde à ces nouvelles unités les numéros 19050 C et D.
Le 16 avril 1940, la CGAM récidive en passant un marché auprès des Chantiers Navals de Ruppelmonde cette fois pour la fourniture de quatre citernes à eau du type "Fraiche modifié" de 300 tonnes de port en lourd. Rien "d'anormal" pour le Bureau Veritas qui certifient les plans et caractéristiques des citernes avec les numéros 19066 A et B et 19067 A et B.
Lors de l'invasion de la Belgique, le 10 mai 1940, aucune citerne n'avait pas eu de commencement d'exécution bien qu'une lettre de 24 janvier 1941 des autorités allemandes informent la CGAM de la saisie d'une des citernes.
Si un des membres belges a des renseignements complémentaires, en particulier les numéros de chantiers, je suis preneur.
Pour les gabares, Beliard et Crighton avait mis sur cale l'Ardente, numéro de chantier 81, numéro Veritas 19050 A, l'Entreprenante, n° de chantier 82, numéro Veritas 19050 B, et les deux suivantes numéros de chantier 83 et 84, numéros Veritas 1905 C et 1905 D.
Les Allemands, vont se saisir des quatre bâtiments et ils en informent le 24 janvier 1941 la CGAM en précisant bien que ces bâtiments sont bien des bâtiments militaires saisis comme "butin de guerre" et non pas des bâtiments civils.
Les quatre sont reclassés baliseurs. L'Ardente est rebaptisée Wilhelmshaven, repassera sous pavillon belge en 1945 avant d'être acheté par la RFA en 1950 comme le baliseur Friesland qui sera démoli en 1967. L'Entreprenante est rebaptisée Langeoog et servira comme baliseur d'abord pour la Kriegsmarine puis ensuite comme bâtiment civil de la RFA jusqu'à sa démolition en 1969. Quant aux deux dernières gabares qui n'avaient pas reçues de nom français, elles ont été lancées en 1942 et 1943 sous les noms respectifs d'Amsterdam et de Minsen.
Par contre, ma méconnaissance totale de la langue allemande ne m'a pas permis de traduire ce que le Docteur Gröner a écrit à l'exception des noms de ports Ijmuiden et Zeebrügge : 3.45 noch im Einsatz vor Ijmuiden pour l'Amsterdam et 7.44 noch im Einsatz vor Zeebrügge pour le Minsen.

@+
Alain

Bonsoir à tous,

Bonsoir Alain !

"3.45 noch im Einsatz vor Ijmuiden pour l'Amsterdam et 7.44 noch im Einsatz vor Zeebrügge pour le Minsen."

"3.45 toujours en service devant Ijmuiden pour l'Amsterdam et 7.44 toujours en service devant Zeebrugge pour le Minsen."


Bien cordialement !

Bonjour Claude,
Bonjour à tous,

Merci pour la traduction.

Cordialement 
Alain