Bonjour à tous.
Je reviens sur ce post après avoir bien avancé dans mes recherches concernant la disparition au combat de Bois l'Abbé du jeune sous-lieutenant Alain GILBERT DE BOISROGER.
Voici une évocation partielle de son parcours avec en parallèle ce qu'aurait pu être sa tenue durant l'hiver 1939/1940, accompagné de l'harnachement de son cheval.
Je tiens à préciser que la vareuse, la culotte & le manteau ont réellement appartenu à cet officier.
Alain GILBERT DE BOISROGER est né le 3 octobre 1915 dans un petit village du département de la Manche en Normandie. Sa mère est issue d'une vieille famille de la petite noblesse locale.
Cette famille compte dans ses ancêtres une figure de l'Histoire de France de la fin du XIX° siècle, il s'agit du Général Baratier, qui était alors capitaine. Il est l'un des héros de l'expédition de Fachoda menée par le capitaine Marchand qui a opposé la France et l'Angleterre lors de la colonisation de l'Afrique Noire. Cette aventure menée avec peu de moyens avait passionné le peuple français à l'époque mais s'était malheureusement terminé par une "capitulation diplomatique française" alors que sur le terrain les hommes avaint rempli leur mission! Ce général sera tué lors de la Première Guerre Mondiale en 1917. L'évocation de ce nom dans ce post n'est pas anecdotique, vous verrez un peu plus loin pourquoi.
Revenons au sous-lieutenant, il est le deuxième d'une famille de quatre enfants et vit à Paris. En 1934 il est bachelier. En 1935 il tente l'entrée à l'Ecole de Saint Cyr mais il n'est pas accepté pour "défaut de largeur de poitrine"! En effet ce jeune homme ne semble pas assez robuste pour le métier des armes! Pourtant, l'année précédente il avait été jugé apte à se présenter à l'Ecole Navale et en cette même année 1935 il est pris comme jeune soldat dans le service armée, à l'examen de sa classe! Pour autant Alain semble vouloir à tout prix choisir la carrière des armes par ce qu'elle a de plus noble: une école d'officier. De plus bien que possédant déja son brevet de conducteur civil(permis de conduire), il est passionné par l'équitation et il semble que dans un choix futur il se verrait bien officier de cavalerie à cheval. Aussi ses parents, qui probablement veulent tout faire pour que leur fils réussisse, font appel à la "famille" pour donner un "coup de pouce" à ce jeune particulièrement motivé. C'est ainsi qu'un autre général Baratier(en fait le frère de celui tué en 1917) écrit au colonel commandant l'école de Saint Cyr pour lui exposer le cas de son petit-neveu en lui demandant en quelque sorte de lui donner sa chance! En plus de cet appui, le jeune GILBERT DE BOISROGER peut également compter sur le soutien du docteur EMILY. Il était le médecin de l'expédition de Fachoda, toujours vivant en 1936, c'est devenu quelqu'un d'influent dans le milieu médical. Lui, prend également sa plume pour expliquer la situation médicale particulière de ce jeune homme, accepté dans certain corps de l'Armée mais pas à l'E.S.M!
Ces interventions vont porter leur fruit, et l'Armée n'aura pas à le regretter, puisque en février 1936 il participe au concours d'entrée de l'Ecole de Saint Cyr et le réussit! Il est classé 45eme sur 368. En octobre 1936, il incorpore l'école et fait alors partie de la promotion 1936/1938 du Soldat Inconnu. Il se liera d'amitié avec un jeune élève qui connaîtra une longue carrière militaire et une importante notoriété lorsqu'il épousera la fille du Général DE GAULLE: le général DE BOISSIEU! Pendant sa scolarité le jeune élève se montre très doué pour la chose militaire mais il est plutôt moyen en instruction général. Même si l'appréciation faite par le Directeur de l'Ecole en tient compte à la fin de cette première scolarité, les résultats de son instruction militaire efface en grande partie ces résultats passables. En effet il obtient comme moyenne générale 18.33. Il excelle, littéralement, dans les 8 matières que compte l'instruction militaire et l'appréciation d'ensemble de son capitaine d'escadron est à la hauteur de cette excellence: "Très complet, très énergique, très droit. Intelligent et très bon camarade. Nature enjouée et sympathique. A du commandement! Doit faire un officier de tout premier ordre. Bon cavalier, monte avec tact et énergie."
En octobre 1938 Alain GILBERT DE BOISROGER sort de Saint Cyr comme sous-lieutenant. Il choisit d'intégrer l'E.M.A.C.T(l'Ecole Militaire d'Application de la Cavalerie et du Train).
Il se montre également très brillant lors de cette scolarité en obtenant une moyenne générale de 16,65 dans les 4 enseignements proposés! Il sort 5eme sur 29 élèves et est affecté en août 1939 au 8° Dragon, un régiment de cavalerie encore composé d'unités à cheval(régiment de la futur 4° D.L.C)! C'est sans doute à ce moment là qu'il se lie d'amitié avec Jacques BRANET (un jeune sous-lieutenant comme lui mais dans un autre escadron. Il sera fait prisonnier en 1940 et s'évadera de son oflag en compagnie de DE BOISSIEU. Par la suite Branet sera officier des F.F.L, il commandera une unité de char sous le commandement de LECLERC et finira Compagnon de la Libération). Revenons à notre sous-lieutenant, pendant cette période il ne fait plus aucun doute que la Guerre va éclater. A peine sorti de l'Ecole, le jeune sous-lieutenant est affecté à un escadron de combat. Tout d'abord au 2° puis au 3° avec lequel il entrera en Belgique dés le 10 mai 1940. La 4° D.L.C avait pour mission de fixer l'avant-garde allemande pour que les unités d'Infanterie puissent se mettre en place. Mais très vite les Français se rendent compte que l'ennemi a des forces bien plus considérables que prévues. Aussi les éléments motorisés partis en pointe sont dans l'obligation de retraiter d'autant plus que sur la droite la II° Armée effectue des replis non concertés qui fragilise la position de la IX° Armée. C'est le début d'un repli ordonné alors que les troupes venaient juste de pénétrer en Belgique! Le 8° Dragon reçoit une mission de sacrifice: il assure la couverture de cette retraite. C'est à cette occasion qu'a lieu le fait d'arme de Bois l'Abbé au cours duquel le sous-lieutenant GILBERT DE BOISROGER trouve la mort avec 4 autres officiers du régiment.
Les combats du Bois l'Abbé: journée du 16 mai 1940.Après de durs combats à l'est de la Meuse puis à l'ouest de cette rivière, le jeudi 16 mai, le 8° Dragon occupe une ligne boisée à l'ouest de Saint Gérard(15 kms au S.O de Namur).
A cette date la 4° D.L.C doit tenir coûte que coûte le secteur BOIS L'ABBE / PONTAURY / METTET. Le 8° Dragon obtient le secteur nord du dispositif. Le capitaine de SAINT SERNIN commande le centre de résistance du Bois l'Abbé avec un escadron(lieutenant de NADAILLAC, l'escadron auquel appartient le sous-lieutenant GILBERT DE BOISROGER)renforcé de deux pelotons de fusiliers, un peloton de mitrailleurs, un peloton de mortiers et un canon de 47mm.
Dés 5H30 l'ennemi attaque mais il est facilement contenu. A 9H30 il s'est nettement renforcé, la pression s'intensifie et surtout elle s'exerce de tous côtés. Les différents points d'appui sont bientôt débordés. Le tir des armes automatiques fait rage. Le point d'appui DE NADAILLAC, qui est en pointe, subit une première attaque qui est repoussée au prix de lourdes pertes. A la deuxième attaque les dragons sont submergés par les troupes allemandes, c'est à ce moment de l'action que le sous-lieutenant GILBERT DE BOISROGER est tué alors qu'il tentait de saisir un F.M dont deux servants venaient d'être tués à leur poste. Il est alors environ 10H30, c'est à cette heure précise qu'un ordre de repli est envoyé par estafette au capitaine de SAINT SERNIN. Malheureusement cet ordre ne parviendra jamais à ces héroiques défenseurs. Le point d'appui NADAILLAC ayant plié sous le poids de l'attaque, cet officier ainsi que le sous-lieutenant NEGRE tente de rassembler les hommes pour contre-attaquer. Ils saisissent chacun un F.M s'avance au devant de l'ennemi...ils n'en reviendront pas!
A la lisière Nord du bois le lieutenant DESJEUX parvient à faire replier son peloton et tente de rejoindre le capitaine de SAINT SERNIN. Il sera également tué les armes à la main.
Le capitaine envoie un compte-rendu au colonel:"nous sommes encerclés de toute part, nous résistons jusqu'à la mort". Il envoie un cavalier pour tenter d'obtenir des ordres, notamment celui de se replier mais le dragon trouve l'emplacement du P.C vide. Il revient et en avertit le capitaine.
Celui-ci décide de sa propre initiative de faire replier son centre de résistance tandis qu'il reste seul afin de ne pas désobéir à l'ordre initial qu'il avait reçu. Son corps sera retrouvé par les Belges quelques jours plus tard prés d'un tas de bottes de paille ou il s'était défendu avec des grenades et un F.M.
L'héroique résistance du groupe SAINT-SERNIN avait facilité le repli du 8° Dragon qui, par ailleurs, avait largement rempli sa mission.
Quelques photos & documents:
Photo du sous-lieutenant avec sa citation:(source la Saint Cyrienne).Inscription sur le monument aux morts de son village natal:(photo de l'auteur)
Carte mortuaire du capitaine de SAINT SERNIN:Passage du livre ou le lieutenant BRANET parle de GILBERT DE BOISROGER dans son livre: L'escadron: carnet d'un cavalier.En espérant que cela vous plaise.
Cordialement.
Rémi.