Séries de mobilisation et organisation des réserves

La question des séries de mobilisation revient régulièrement, et, comme pour un certain nombre de sujets, les erreurs sont parfois tenaces. Il me semble que cette période anniversaire est une bonne occasion de faire le point.


Les séries de mobilisation, active et réserve

Il existe 3 séries de mobilisation, A, B et C, définies comme suit :
A : unités à forte proportion de cadres d'active - unités du temps de paix et unités de formation (= de réserve) susceptibles d'être engagées immédiatement après la concentration.
B : unités à faible proportion d'active (le chef de corps et certains commandants d'unités) - unités de formation qui, pour la plupart, ne sont pas destinées à être engagées dans la bataille tout de suite après leur mobilisation.
C : unités entièrement formées de réservistes, de l'arrière des armées (par exemple, régiments de pionniers d'armée, dépôts d'isolés, PRI, compagnies de garde de QG...) ou de l'intérieur

Divisions d'active :
Elles appartiennent donc à la série A. Ce sont les divisions du temps de paix portées à effectif de guerre. Elles comportent :
26% de cadres actifs (représentant 40% des effectifs de cadres du temps de paix)
40% d'hommes de troupe de l'active.

Par "de l'active", il ne faut surtout pas comprendre "professionnels", mais appartenant à l'armée du temps de paix, donc appelés compris, à condition qu'ils soient "mobilisables", c'est-à-dire qu'ils aient accompli les 6 premiers mois de service ( A la mobilisation, la dernière incorporation date d'avril 39).

Par exemple, d'après la loi du 17 mars 1932, modifiant la loi sur les cadres et effectifs de l'armée de mars 1928 :
- un RI type Nord-est normal comprend, en temps de paix, 49 officiers, 187 sous-officiers et 1389 hommes, dont un minimum de 196 militaires de carrière seulement (sous-officiers et hommes de troupe)
- un RI type Nord-est renforcé n°2 comprend, en temps de paix, 58 officiers, 250 sous-officiers et 2035 hommes, dont un minimum de 275 militaires de carrière.
En fait, le régiment "normal" comprend des unités cadres, c'est-à-dire des compagnies ou des bataillons qui ne comportent pas d'hommes de troupe...

En temps de guerre, un RI type NE comportera environ 80 officiers, 340 sous-officiers et 2670 hommes de troupe.

Si l'on considère maintenant les corps de troupe, il faut relativiser la différence entre les corps du temps de paix ("actif") et les corps de formation ("réserve"). Par exemple, les RIF sont tous formés d'un bataillon actif renforcé par des bataillons de réserve. Il n'y a donc pas de grosse différence entre les régiments du temps de paix et les régiments de formation ("de réserve").
On peut prendre un autre exemple avec les demi-brigades de chasseurs : la 5e DBCA (active) compte après la mobilisation un bataillon d'active et deux bataillons de réserve, alors que la 25e DBCA (formation) compte deux bataillons d'active et un bataillon de réserve.

Divisions de formation de la série A :
Elles sont généralement appelées "divisions de série A", par simplification.
Elles comprennent :
18% de cadres actifs
2,5% d'hommes de troupe de l'active.

Ces divisions sont appelées "de dédoublement" par Gamelin dans ses Mémoires.
De la même façon que certains corps de troupe de réserve ou d'active sont assez proches, certaines divisions de formation de série A incluent des unités d'active. C'est le cas notamment des divisions type montagne à 2 régiments et 2 demi-brigades de chasseurs.

Divisions de formation de la série B :
Elles comportent un noyau actif très réduit, un peu plus important dans certaines divisions.

Huit divisions de série B sur 18 mises sur pied initialement n'ont reçu qu'un RAMD à trois groupes de 75 et un groupe de 155, au lieu d'un RAD à 3 groupes de 75 et un RALD à 2 groupes de 155.
D'autre part, le plan de concentration prévoit de laisser à disposition de l'intérieur (à disposition de l'Etat-Major de l'Armée) 7 divisions de série B, en cas de troubles. Ces divisions seront progressivement prélevées pour être envoyées aux armées, à partir du 23 septembre (en commençant par la 53e DI).
Mais il n'y a pas de concordance complète entre les divisions en "déficit" d'armement et celles laissées à l'intérieur. Les cas des 54e, 60e, 61e, 63e et 67e DI concordent, mais au contraire, les 55e, 62e et 70e DI sont affectées d'emblée aux armées, alors que les 53e et 66e DI sont laissées à l'intérieur, mais disposent bien de leurs 5 groupes d'artillerie.


Il n'y a pas de divisions de série C. Les unités qui ont été formées en plus de ce qui était prévu au plan de mobilisation sont appelées simplement "unités de formation".




La disponibilité et la réserve, concordance avec la territoriale

La loi du 31 mars 1928 (modifiée par la loi du 17 mars 1936, tendant à adapter le recrutement à la période des "années creuses") relative au recrutement de l'armée répartit la durée totale du service militaire (vingt-huit années), de la manière suivante :
Service actif : un an ;
Disponibilité : trois ans ;
Première réserve : seize ans ;
Deuxième réserve : huit ans.

Avant la première guerre mondiale, les vingt-huit ans se répartissaient ainsi :
Service actif : trois ans ;
Réserve de l'active : onze ans ;
Armée territoriale : sept ans ;
Réserve de la territoriale : sept ans.

Entre les deux guerres, l'âge d'incorporation a fluctué, ce qui complique les calculs. On peut comparer la situation à la mobilisation d'août 14 et celle à la mobilisation de septembre 39 comme suit :



L'âge indiqué correspond à fin 14 ou fin 39. En bleu sont repérées les classes effectivement mobilisées à la déclaration de guerre.

Il y a parfois confusion entre la série B et la 2e réserve. Mais la série B ne recrute pas dans la deuxième réserve. Un exemple peut être tiré de l'analyse des pertes (tués) autour de Stonne de 4 régiments de série B. (extraction réalisée il y a quelques années sur la base de données Mémoire des Hommes).
Sur 49 morts, le plus âgé avait 57 ans à la mobilisation. Il s'agit de Robert Lassalle, député des Landes, engagé volontaire pour la durée de la guerre, en tant que lieutenant de réserve.
Les autres se répartissent très inégalement entre 23 et 36 ans, la majorité se situant entre 29 et 33 ans, ce qui correspond à l'ancienne réserve de l'armée active :


Avec la même approche, on peut comparer la répartition des âges entre un régiment d'active (110e RI), un régiment de série A (33e RI) et un régiment de série B (213e RI) :



Cordialement,
DH

Merci DH,

En effet il vaut mieux faire une explication à part car c'est quand même assez complexe à suivre.

Mais maintenant au sujet de la 47e DI et de ses Unités (comme sans doute pour la 57e que je n'ai pas encore regardé) je comprend mieux le terme division de série A...

Bonsoir,
Merci dhouliez pour le partage de ce superbe travail aussi instructif qu'utile.

Cordialement.