Bonjour à tous,
Ce matin, le blog du lieutenant-colonel (er) Rémi Porte (docteur en Histoire et habilité à diriger la recherche) propose un très intéressant billet qui répond à bien des questions posées sur le présent forum. Chacun y trouvera sans doute son compte.
Cordialement,
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A propos des livres d'histoire...
Quelques conseils de lecture
Depuis bientôt 10 ans et après plus de 5000 billets mis en ligne pour présenter l'actualité de l'édition et de la presse en histoire, et en particulier en histoire militaire, nous recevons régulièrement des courriels demandant que penser de tel ou tel titre, ou quel(s) ouvrage(s) privilégier sur telle ou telle période. De façon générale, voici quelques conseils qui peuvent s'appliquer à tous les sujets et qui permettent de ne pas (trop) se tromper :
1. Faire la distinction entre lecture "plaisir", pour se détendre et passer agréablement le temps, et lecture "d'apprentissage", lorsque l'on souhaite pour une raison ou une autre creuser spécialement un sujet. Pour la première, aucun problème : tout ce qui peut favoriser le développement d'un goût du public pour l'histoire est bon, de la BD au roman. Pour la seconde par contre, des précautions s'imposent.
2. Pour aborder sur le fond un sujet particulier, commencer par un ouvrage général, un classique référencé, parfois un peu ancien mais dont la qualité des sources et de la synthèse est unanimement reconnue. Ne lire qu'ensuite les récits sectoriels qui viennent le compléter et en dernier lieu les témoignages des acteurs, toujours plus ou moins enclins à l'autojustification.
3. Sur les sujets qui suscitent des débats publics parfois passionnés, des guerres de Vendée à celle d'Algérie par exemple, ne lisez pas simplement les ouvrages qui confortent votre point de vue, au contraire ! Lisez des livres représentatifs de toutes les opinions, en particulier opposées, d'abord parce que rien n'est tout blanc ou tout noir et que l'histoire s'écrit souvent en gris, d'autre part parce qu'il est toujours préférable de bien connaître le raisonnement et les arguments de "l'adversaire".
4. Emettez systématiquement les plus extrêmes réserves pour les volumes qui présentent des dialogues "reconstitués" alors qu'il n'existe aucun procès-verbal ou enregistrement de la réunion ; les livres qui abusent de qualificatifs excessifs ("extraordinaire", "héroïque" à chaque ligne, etc.), d'une ponctuation "dynamique" (points d'exclamation multiples par exemple) ou d'affirmations péremptoires à chaque fin de paragraphe ; les ouvrages enfin qui ne précisent ni leurs références, ni les archives consultées, ni la bibliographie conseillée (et si possible plus qu'une demi-douzaine de titres…) et ceux des auteurs qui ne croisent pas leurs références (critique des sources).
5. Soyez réservés sur les ouvrages qui omettent de préciser soigneusement le contexte d'un évènement. Il n'y a pas d'histoire "hors sol", inopinément surgie du néant. Il y a toujours une évolution dans le temps (plus ou moins) long, des contraintes diverses, des moyens variables, des personnalités plus ou moins adaptés, etc. Sans être exclusif, tout cet environnement doit être pris en compte.
6. Accorder plutôt votre confiance aux auteurs qui n'hésitent pas à reconnaître que l'historiographie et l'état de la recherche sur un sujet n'autorisent pas à donner une réponse tranchée mais simplement à émettre des hypothèses.
7. Ne vous laissez pas abuser par un vocabulaire inutilement compliqué, "pour faire intellectuel" (ce qui se conçoit bien s'énonce simplement). L'histoire doit élever l'esprit, mais ne doit pas ennuyer. Elle doit au contraire aiguiser les neurones, permettre d'envisager toutes les pistes, développer notre sens de l'analyse et notre goût pour la recherche (découvrir l'inconnu, place de l'imagination constructive).
En résumé, les lectures les plus complètes et les plus précises sur un sujet donné doivent être à la fois sources de connaissances nouvelles étayées et de plaisir.
Bonnes lectures