Opérations Luftwaffe contre GA 2

Pas vraiment une énigme, mais une question que je me pose...

Je cherche des informations sur les opérations aériennes allemandes contre le secteur du GA 2 en juin 1940 :
- quelles untés de la Luftwaffe étaient affectées à ce secteur et quand (y a-t-il eu des changements avant et après les ruptures des fronts de la Somme et de l'Aisne, le déclenchement de l'offensive en Sarre et sur le Rhin) ?
- ces opérations visaient-elles les unités ou le réseau routier et ferré ?

En fait, je m'interroge sur la capacité du GA 2 à extraire des grandes unités (ou des BCC) avant son encerclement par Guderian : jusqu'à quelle date pouvait-il compter sur un réseau ferré en état de marche ? s'ils avaient lancé le repli de qques DI qques jours plus tôt (par ex 10 ou 12 juin), pouvait-il compter sur le réseau ferré ?

Merci par avance pour toute information ou référence.

Bonjour,

En fait, la question est difficile, car nombreuses sont les escadrilles allemandes qui ont été actives sur le secteur.

D'une façon plus générale, le noeuds routiers et ferroviaires étaient des cibles classiques, souvent attaqués.

Pour en revenir à la question principale, le gros des forces du GA 2 sont des unités de forteresse, bien peu mobiles, et surtout très mal adaptées à un combat en rasse campagne.

D'une façon plus générale, je doute également qu'un renfort de quelques divisions supplémentaires ait changé grand chose à ce moment de la bataille pour les Français. Le surnombre des divisions allemandes est alors beaucoup trop important pour espérer en modifier l'issue.

De plus, ces unités n'auraient pu retraiter que vers le Sud Ouest, soit très loin de là ou elles auraient pu avoir une utilité. Le temps de les regrouper et de les acheminer au Nord...

Peut-être aurions nous pu résister quelques jours de plus.

Pourquoi cette question si je ne suis pas indiscrèt?

Cordialement
Eric DENIS

Bonjour,

merci pour ces éléments.

Pour répondre à votre légitime curiosité, ma question est liée à une tentative de compréhension des événements de juin 40 en Lorraine, et d'étude d'un "what if"... ou plutôt de deux "what if" !

Le premier, le moins probable, est celui auquel vous avez pensé : il consiste à savoir ce qu'il aurait été possible de faire, si l'ordre avait été donné "début juin" (autour du 10) de transférer certaines des DI du GA 2 (je ne parle pas des DIF, mais bien des DI) pour les envoyer renforcer d'autres lignes défensives. Je ne pense pas à un renfort du front, qui, je vous l'accorde, n'aurait servi à rien... mais plutôt à la constitution d'une nouvelle ligne défensive (sur la Loire ?), avec des bouchons (bouchons locaux, il n'est évidemment pas envisageable de recréer un front continu avec de nouvelles unités !) sur les axes de progressions (ponts) formés par des unités de bonne qualité et surtout reposées... Et si ces bouchons permettaient au moins de bloquer les avant-gardes allemandes 24 ou 48h, le temps de recueillir les armées (4e, 6e, Paris) en retraite et d'offrir 24h de repos à leurs soldats ?

La seconde hypothèse, sans doute moins utopique, consiste à analyser la possibilité de dégager certains RIF ou certaines DI pour organiser des bouchons sur la route de Guderian, dans la vallée de la haute Marne (Chaumont) ou à Langres, tout en renforçant les effectifs du groupement de Duluc sur la Saône... L'hypothèse n'est pas complètement farfelue, puisque dans la réalité, des bouchons ont été constitués le 15 juin à quelques dizaines de kilomètres de Chaumont... certes face à l'ouest et pas au nord (mais au moins la preuve est-elle donnée qu'on pouvait amener des unités dans le secteur) ou encore à Epinal et sur la haute Moselle (avec les GRDI et GRCA des 3e et 5e armées)... Là encore, l'idée est d'essayer de retarder les panzers du XXXIXe corps de 24 ou 48 h par une résistance acharnée sur des noeuds routiers dont le contrôle leur est indispensable au point de vue logistique... pour gagner le temps qui a historiquement manqué à Duluc pour faire sauter tous les ponts sur la Saône et amener assez de troupes pour défendre la rivière...

Mais pour vérifier la faisabilité de tout cela, je cherche à savoir jusqu'à quelle date les réseaux routiers et ferroviaires de Lorraine sont utilisables... et donc quelle activité aérienne allemande était concentrée sur ces cibles !

Voici les premières lignes d'un rapport sur "L'Attaque des communications par l'aviation ennemie du 10 au 17 mai 1940". Comme le titre l'indique, ça ne dit rien sur les attaques de juin mais les enseignements restent valables à mon avis. En gros, le rapport dit que les dégâts matériels ont été significatifs mais qu'à part quelques retards il n'y a pas eu d'effet décisif.

"Au cours de la période du 10 au 17 mai, l'attaque des communications par l'aviation allemande, a porté sur l'ensemble du réseau des communications. toutefois, alors que, sur notre réseau routier très dense, et sur les voies navigables, l'action aérienne n'a joué qu'un rôle épisodique tout l'effort de l'aviation ennemie s'est porté sur le réseau ferré, visant à l'interruption totale de la circulation ferroviaire. Cette action s'est faite à peu près exclusivement par bombardements de jour.

Apparemment destiné à couvrir les opérations à terre de l'Armée Allemande sans souci de la manoeuvre Alliée, cet effort aérien s'est déroulé en trois phases principales inscrivant à l'avance la manoeuvre ennemie sur le terrain.

Le large encagement des Ardennes, entrepris les 10 et 11 mai sans résultats remarquables, a été suivi du 12 au 14 d'une très violente parade sur les pénétrantes françaises vers MEZIERES, puis du 15 au 17 d'un visible effort pour garder la progression des Armées Allemandes de toute intervention des forces alliées de l'Est.

Les dégâts matériels, importants dès les premiers bombardements, n'ont pas eu d'effet immédiat sur la circulation; toutefois la rupture des transmissions et la destruction d'organes techniques essentiels ont réafi profondément sur l'ensemble du réseau dont les parties les plus atteintes ont évolué vers une condensation progressive.

En tout état de cause, la manoeuvre "Y" envisagée par le Haut Commandement ALlié n'a pas été affectée par les destcurtions de l'adversaire qui semble l'avoir négligée.

Mes transports du plan "Y" ont été exécutés avec quelques retards il est vrai mais sans incident notable.

(...)

Sur 180 atteintes connues au réseau ferré, 140 ont donné lieu à des destructions dont:
- une centaine sur la voir proprement dite,
- une quarantaine sur les organes techniques essentiels (cabines réservoirs, dépôts, etc...).

Il est à remarquer toutefois que les effets immédiats ont été relativement peu importants grâce à l'intervention rapide et incessante des équipes de réparation et des unités de sapeurs de chemin de fer.

Dans les deux premiers jours surtout, la circulation a été rétablie à très bref délai (attaques peu violentes, facilité des premières réparations sur un réseau jusqu'alors intact). Mais même au cours des 2e et 3e phases, où la violence des bombardements allait croissant, et alors que les mêmes points étaient attaqués plusieurs fois dans la même journée, on peut dire qu'il a été rare que la durée des interruptions totales ait excédé 48 hres sur les fractions de ligne importantes.

A noter cependant que sur certains points les effets de bombardements répétés ont été considérables.

Le 12 mai, HIRSON était totalement coupée du réseau de l'Est et à AULNOYE la circulation était très ralentie à la suite des dures journées des 10 et 11.

Le 15 mai, après les bombardements des 12, 13 et 14 à CHALLERANCE (? pas sûr du nom, le texte est un peu effacé - LC) et dans les environs immédiats, 9 coupures étaient enregistrées, presque toutes graves et nécessitant de longues réparations.

A TERGNIER et Ste MENEHOULD les bombardements répétés avaient créé des troubles sérieux."

Je recopie ces derniers épisodes à l'attention d'Alain que ça intéressera peut-être pour son étude des combats du 15 du côté de Bulson

Donc au total, les leçons sont les mêmes que celles retenues par les Alliés en 1944 suite au Transportation Plan pour encager la Normandie:
- il est pratiquement impossible d'interdire les mouvements par rail sur une fraction significative du réseau,
- une vraie coupure du réseau, c'est à dire interruption totale du trafic, n'est réalisable qu'en concentrant un effort considérable sur une portion limitée et pendant quelques jours (parce qu'on ne peut pas maintenir l'effort au-delà).
- en revanche, l'attaque du réseau ferré a pour effet de ralentir tout le trafic: d'une part à cause des destructions matérielles qui touchent les éléments les plus efficaces, d'autre part à cause des effets indirects comme destruction des lignes téléphoniques ou, à cause des coupures de courant, la fermeture des signaux "marche lente" conduisant à un ralentissement de tous les trains.

Donc sur le plan stratégique, la Luftwaffe n'avait pas les moyens d'empêcher les Français de redéployer une armée ou deux d'un bout à l'autre du front, et d'ailleurs le gros des unités de campagne du GA 2 ont été redéployées, de même que l'aviation alliée n'a pas empêché les Allemands de transférer tous les renforts qu'ils ont voulu vers la Normandie en 1944. En revanche, sur le plan tactique si on est à une journée ou deux près pour atteindre un point vital avant l'ennemi, alors là oui, l'action de l'aviation ennemie peut avoir un effet décisif en provoquant le retard qui tue.

En ce qui concerne les attaques sur le réseau ferroviaire dans la région du GA 2, à ma connaissance elles sont le plus violentes après la date étudiée, par exemple le 14 juin il y en a beaucoup. Pour se faire une idée à partir de documents consultables en ligne, on peut faire une recherche sur les avions allemands combattus par l'aviation suisse. La plupart des cas concernent des bombardiers attaquant les régions de l'est et se déroutant au-dessus de l'espace aérien suisse, soit volontairement pour échapper à la chasse française, soit involontairement (avion endommagé, équipage blessé etc).

Merci beaucoup pour ces éléments !

Leur lecture me confirme par ailleurs dans mon impression, à savoir que la paralysie des trains enregistrée en Lorraine à partir des 14-15 juin est tout autant (voire plus) liée à l'exode des cheminots (au même titre que les autres fonctionnaires... et une bonne part de la population civile !) qu'aux dégâts liés aux bombardements de la Luftwaffe (ces derniers auraient pu - auraient du ! - être réparés plus ou moins rapidement...)

L'avantage de l'exode des cheminots c'est qu'à l'armistice le gros du matériel roulant était en zone non occupée. Evidemment, Vichy a fini par céder aux Allemands sur la "restitution du matériel normalement en place en zone occupée" sans demander grand chose en termes de contreparties mais évacuer la SNCF à partir de la mi-juin ce n'était pas en soi une mauvaise idée.