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| Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Dim 14 Sep 2008 - 9:07 | |
| Bonjour à tous
Il ne me semble pas qu'en parlant de mon forum l'un de vous en ait donné le lien et si je me trompe une répétition ne fera pas de mal :
http://www.delpla.org/forum/viewtopic.php?t=27&postdays=0&postorder=asc&start=0
Le débat étant effectivement très long (malgré l'effacement par un modeste de tous ses messages -alors que, piètre technicien, je ne savais pas que cette possibilité était ouverte : je l'ai immédiatement supprimée), j'ai tenté de le résumer sur la partie de mon site où je sauvegarde les fragments les plus intéressants des débats forumiques : http://www.delpla.org/article.php3?id_article=291
En lisant les pages ultérieures (et dernières), on s'apercevra que pour l'instant la discussion est suspendue faute de combattants : l'un a annoncé des cartes de situation qui ne sont pas venues et n'a pas montré, quand on le lui a rappelé, les stigmates du ravissement le plus extrême, un autre a fini par rendre le Halbefehl tellement méconnaissable que la discussion devenait sans objet.
Pour en terminer sur la question du Htbf, je signale que la discussion avait aussi achoppé sur un refus de lecture. Au point d'investissement où en étaient certains, il devenait anormal qu'ils n'aient pas lu la Ruse nazie et se contentassent d'un article la résumant. Peut-être cette situation a-t-elle évolué ?
Je ne comprends ni ne partage, bien évidemment, la volonté de Louis de scinder la question du Haltbefehl de celle d'un what if sur le rétablissement de la paix fin mai 40 mais il est chez lui, il tient les commandes et pour ma part, tant que je peux débattre, je le fais. Va donc, provisoirement j'espère, pour une discussion sur le seul what if en question.
La question est à la mode en cette rentrée, cf. mon dernier édito, et ce n'est évidemment pas moi qui m'en plaindrai, je dirais même que j'attendais cela depuis 15 ans. Le fond de l'affaire : les conditions allemandes seraient-elles "dures" (Louis en donne ci-dessus des exemples : désarmement -y compris naval britannique- etc.) ou "douces" ?
J'incline pour ma part à penser que les conditions transmises par Göring à Dahlerus le 6 mai (et non à la mi-avril, une des erreurs les plus fâcheuses de Vanwelkenhuyzen dans l'ouvrage cité) (en gros, une paix blanche, un statu quo -l'expression est dans le texte) sont plus que jamais valables le 25 : donc Hitler peut raisonnablement espérer le renversement ou l'assagissement de Churchill et la quasi-réalisation du programme de Mein Kampf : ne reste plus qu'à obtenir d'un Staline en caleçon le fameux "espace vital", et on a tout son temps. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 19:28 | |
| Juste une appartée sur les cartes de situations qui n'ont jamais été proposées sur le site de F.Delpla : - l'integralité des cartes de situation quotidienne des GUF du SHD sont accessibles sur ATF40 - pour des raisons bien compréhensibles nous ne pouvons diffuser le pendant allemand des cartes alliées , l'ouvrage etant reçent - des cartes plus tactiques sont en notre possession mais sortent du cadre du site et peuvent par ailleurs servir a de futures publications . Nous ne les diffuserons donc pas , dans l'hypothese qu'elles puissent avoir une utilité , par exemple a E.Denis - Enfin , vu la tournure des discussions sur le forum de F.Delpla , il est bien evident que je n'avais plus aucune envie de proposer des documents d'époque , ou des documents synthétiques d'apres-guerre , et a en croire mon experience, si ces cartes n'allaient pas dans le sens de l'argumentaire de certains , elles aurraient elle meme été constestée sur leur realisme/véracité . Donc aucune utilité de les partager .
Alain |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 21:00 | |
| Je suis d'accord que le fond du problème n'était pas la promesse faite puis retirée de produire un jour des cartes à l'appui d'une argumentation, mais cette argumentation elle-même : elle tendait à réviser l'opinion jusque là commune que les Panzer de Guderian étaient en bonne voie de s'emparer de Dunkerque le 25 (sinon même le 24 au soir). Un point de vue commun à plusieurs participants.
Mais foin d'une discussion exotique, acclimatons-la ici : quelqu'un est-il à même de soutenir ce point de vue, ou convenons-nous tous du risque extrême et imminent couru, sauf Haltbefehl, par la dernière porte de sortie des armées alliées ? |
| | | Louis Capdeboscq Colonel
Nombre de messages : 1335 Localisation : Paris Date d'inscription : 26/05/2007
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 21:32 | |
| Bonsoir François, Deux points - François Delpla a écrit:
- Je ne comprends ni ne partage, bien évidemment, la volonté de Louis de scinder la question du Haltbefehl de celle d'un what if sur le rétablissement de la paix fin mai 40 mais il est chez lui, il tient les commandes et pour ma part, tant que je peux débattre, je le fais. Va donc, provisoirement j'espère, pour une discussion sur le seul what if en question.
Ce sujet a été créé par Laurent pour répondre à une question précise. Pourquoi s'intéresse-t-il aux conséquences d'un éventuel armistice plutôt qu'à l'ordre d'arrêt donné par Hitler ? C'est son affaire. Mais cette question a tout à fait sa place dans ce forum, le fil poursuit donc sa vie. "Le haltbefehl, sa vie, son oeuvre", ou plutôt ses causes et ses conséquences, est un sujet qui peut également donner lieu à discussion ici, mais pas dans ce fil. Il suffit d'ouvrir un fil idoine. - François Delpla a écrit:
- J'incline pour ma part à penser que les conditions transmises par Göring à Dahlerus le 6 mai (et non à la mi-avril, une des erreurs les plus fâcheuses de Vanwelkenhuyzen dans l'ouvrage cité) (en gros, une paix blanche, un statu quo -l'expression est dans le texte) sont plus que jamais valables le 25 : donc Hitler peut raisonnablement espérer le renversement ou l'assagissement de Churchill et la quasi-réalisation du programme de Mein Kampf : ne reste plus qu'à obtenir d'un Staline en caleçon le fameux "espace vital", et on a tout son temps.
A chacun son opinion, bien sûr. Notons tout de même deux éléments. D'une part, Hitler avait auprès des démocraties la réputation - parfaitement justifiée - de ne pas être homme de parole. Il avait tout de même rompu chacun des accords diplomatiques qu'il avait signés (parmi les derniers en date: traité de 1935 encadrant le réarmement naval, et traité de Munich en 1938). Ce qui m'amène au deuxième élément: la possibilité d'un statu quo. Le 25 mai, il ne peut plus réellement y avoir de statu quo: l'Allemagne a violé la neutralité de 5 pays, tous occupés (les Belges et les Norvégiens ont encore un petit morceau de territoire national mais ce n'est plus pour longtemps). Les alliés auront de bonnes raisons de penser que le statu quo avec la levée du blocus avantage nettement les Allemands, ces derniers auront de toutes aussi bonnes raisons de se penser très vulnérables à une "trahison" occidentale une fois la Wehrmacht engagée dans les plaines russes. Comme l'Allemagne mène, et qu'elle a de très, très gros problèmes économiques, elle va être plus que tentée de prendre des gages. C'est à la fois logique, et quelque chose que les Allemands ont invariablement cherché à faire chaque fois qu'ils en ont eu la possibilité. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 22:08 | |
| Pour alimenter la discussion, voici donc (pour la première fois sur Internet à ma connaissance !) le document des archives Reynaud du Quai d'Orsay qui indique les conditions allemandes, présentées par Göring le 6 mai dans l'éventualité où l'armée allemande aurait atteint Calais (c'est chose faite le 23) :
Offres éventuelles de paix de l’Allemagne M. Nordling, Consul Général de Suède à Paris, qui avait accompagné M. Coulondre et le général Mittelhauser lors de la mission accomplie en Scandinavie du 12 au 14 avril, est revenu 15 jours plus tard à Paris en traversant l’Allemagne. Il s’est joint à une mission suédoise qui comprenait M. Dahlerus, industriel connu pour ses relations avec le Maréchal Göring, le Directeur des Affaires Économiques au Ministère des Affaires étrangères suédois et le chef d’État-Major des forces navales suédoises. Cette mission a proposé au gouvernement du Reich un projet consistant essentiellement à assurer par des forces navales suédoises la police des eaux norvégiennes et la répartition équitable du minerai de fer entre l’Allemagne et les Alliés. Ce projet a été repoussé par les Allemands. Le Maréchal Göring a cependant tenu à voir M. Dahlerus qui, à plusieurs reprises, s’était fait l’intermédiaire d’offres de paix allemandes. Le Lieutenant du Führer a exprimé l’avis que toute paix était impossible dans les conditions qui régnaient alors. Il a ajouté cependant que si la guerre était portée en Belgique et si l’armée allemande parvenait à s’emparer de la côte belge et de Calais, le Führer ferait une proposition de paix. Il demanderait l’annexion d’Eupen, de Malmédy, du bassin de Briey, ainsi que l’attribution de colonies au Reich. Pour le reste, il se contenterait, dans l’ensemble, du maintien du statu quo avant les hostilités. Si la France repoussait ces propositions, la guerre serait étendue aux populations civiles et le peuple français « apprendrait ce qu’il en coûte d’être mal dirigé ». Les indications ci-dessus, dont la source est absolument sûre, prennent une importance particulière à la lumière des événements qui se sont déroulés depuis lors. Il est permis de se demander en particulier si le Duce n’attend pas le moment où M. Hitler, s’estimant vainqueur, formulerait des conditions de paix, pour entrer lui-même en scène. |
| | | Eric Denis Admin
Nombre de messages : 7234 Age : 57 Localisation : Toulon Date d'inscription : 04/05/2006
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 22:31 | |
| Bonsoir, Un texte fort intéressant, mais que l'on peut apprécier sous différents angles. Je doute de la volonté d'Hitler de laisser l'armée française dans l'état si il entreprend sa marche à l'Est. Le danger est majeur, car à la différence de 39, à cette époque la France produit en masse des armements modernes. L'URSS nécessite l'engagement de la majorité des forces vives allemandes et nous sommes donc loin de la situation de la campagne de Pologne ou la Wehrmacht laisse une quarantaine de divisions à l'Ouest. Dans cette hypothèse, il y a même lieu de penser que la France et l'URSS pourraient s'unir face à l'Allemagne. Cordialement Eric DENIS _________________ Cordialement Eric Denis
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 22:46 | |
| - Eric DENIS a écrit:
- Bonsoir,
Un texte fort intéressant, mais que l'on peut apprécier sous différents angles. Je doute de la volonté d'Hitler de laisser l'armée française dans l'état si il entreprend sa marche à l'Est. Eric DENIS mais moi aussi ! c'est bien pourquoi je prends au sérieux ces conditions "généreuses". Conformément à son livre, Hitler montre qu'il n'a aucune ambition atlantique et il le montre concrètement, non par une simple signature, en évacuant ses conquêtes et en se passant, dans le traité, de toute clause de désarmement. Ce qui implique qu'il ne présente pas tout de suite la facture à Staline : donc pas de Barbarossa à la même date, ni sans doute sous la même forme. |
| | | Eric Denis Admin
Nombre de messages : 7234 Age : 57 Localisation : Toulon Date d'inscription : 04/05/2006
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Lun 15 Sep 2008 - 23:04 | |
| Cela recoupe d'ailleurs sa surprise lorsque France et Angleterre lui déclarent la guerre suite à l'affaire polonaise. Il doute même longtemps de la réussite de l'action allemande à l'Ouest tout comme bon nombre de ses généraux.
On pourrait même imaginer qu'il souhaite une neutralité bienveillante des Alliés face à son entreprise de destruction du péril communiste. De là à envisager qu'il voyait les choses dans l'autre sens il n'y a qu'un pas, à savoir d'abord l'URSS, et ensuite la France...
Cordialement Eric DENIS |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Mar 16 Sep 2008 - 8:00 | |
| - Eric DENIS a écrit:
- Cela recoupe d'ailleurs sa surprise lorsque France et Angleterre lui déclarent la guerre suite à l'affaire polonaise.
elle est feinte, à mon avis - Citation :
- Il doute même longtemps de la réussite de l'action allemande à l'Ouest tout comme bon nombre de ses généraux.
même jeu il agit de manière calculée... depuis Mein Kampf. Et aussi d'une façon mystique, en "chargé de mission" de la Providence. Ce n'est pas pour lâcher en route le cahier des charges. |
| | | Eric Denis Admin
Nombre de messages : 7234 Age : 57 Localisation : Toulon Date d'inscription : 04/05/2006
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Mar 16 Sep 2008 - 11:10 | |
| Bonjour, Je doute de la feinte, mais ce n'est que mon avis. Lorsque l'on retrace ses offensives précédentes (plus politiques que militaires) le bluff fonctionne toujours, alors tant que ça tient, on tire sur la ficelle. Hitler redoute l'ATF, il l'a combattue en 14 et elle est considérée comme l'une des meilleures au monde. Ce ne peut être un morceau aussi facile que l'armée polonaise, surtout que la mobilisation française ne pourra être prise de court et qu'à l'époque de la déclaration le chancelier n'a aucune idée de la façon dont il doit "attaquer le morceau". Cordialement Eric DENIS _________________ Cordialement Eric Denis
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Mar 16 Sep 2008 - 11:54 | |
| - Eric DENIS a écrit:
- Bonjour,
Je doute de la feinte, mais ce n'est que mon avis. Lorsque l'on retrace ses offensives précédentes (plus politiques que militaires) le bluff fonctionne toujours, alors tant que ça tient, on tire sur la ficelle. Hitler redoute l'ATF, il l'a combattue en 14 et elle est considérée comme l'une des meilleures au monde. Ce ne peut être un morceau aussi facile que l'armée polonaise, surtout que la mobilisation française ne pourra être prise de court et qu'à l'époque de la déclaration le chancelier n'a aucune idée de la façon dont il doit "attaquer le morceau".
cher Eric, conviendras-tu avec moi que Hitler est secret et retors ? si oui, cela veut dire qu'il est dangereux de prendre au premier degré ses propos, et plus encore ses silences. Ce qu'il pense, il faut toujours le déduire, moyennant un raisonnement, et des uns, et des autres. Ainsi il n'y à mon avis aucune chance que la déclaration de guerre le surprenne. La raison : il a tout fait pour. En 38 il ne veut pas la guerre (rien n'est prêt, à commencer par la séparation des futurs alliés de 1941-45 par un pacte germano-soviétique pour éviter la guerre sur deux fronts, idée cardinale de MK), alors il roule les mécaniques puis s'arrête pile quand ça pourrait commencer à devenir vilain, laissant son copain Musso organiser une conférence à Munich. En 1939, c'est point par point l'inverse. Dans MK, il prévoit un coup militaire écrasant contre la France. Ne crois-tu pas qu'il y a bien des chances qu'il ait ce point présent à l'esprit quand il découvre les idées de Guderian et l'encourage à mettre sur pied des Pz-D ? Il en découle qu'il y a de fortes chances qu'au moment où il pousse la France et l'Angleterre à lui déclarer la guerre, il ait une idée précise de ce qu'il va faire, stratégiquement sinon géographiquement parlant. |
| | | Eric Denis Admin
Nombre de messages : 7234 Age : 57 Localisation : Toulon Date d'inscription : 04/05/2006
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Mar 16 Sep 2008 - 13:52 | |
| Bonjour, Je suis entièrement d'accord avec les qualificatifs que tu proposes pour Hitler. Ceci étant, la France et la GB en même temps, c'est quand même un gros morceau, surtout depuis qu'il est évident que la Belgique devra être attaquée également. Or les rapports sur la campagne de Pologne mettent en valeur de nombreuses carences dans la Wehrmacht, voir même des trace de couardise. L'agression inévitable de pays neutres va mettre l'Allemagne au banc des accusés même si une éventuelle victoire de l'Allemagne metterait le monde devant le fait accompli. Or en 1940, la Wehrmacht est loin d'être au top. Indépendament de la petite vingtaine de divisions modernes, le reste est équivalent grosso modo des divisions de 14, la marine n'est pas prête; loin s'en faut, et seule la Luftwaffe semble relativement bien équipée et entrainée. Du coté production de char, les engins moyens sortent au compte goutes, et certains d'entre eux comme le Pz III ont montré d'importantes faiblesses de conception. Certes, il y a MK, mais l'attitude d'Hitler est parfois radicalement l'inverse de ses écrits, comme en témoigne le pacte germano-soviétique. Alors que penser? Pas facile comme question... Cordialement Eric DENIS _________________ Cordialement Eric Denis
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| | | Louis Capdeboscq Colonel
Nombre de messages : 1335 Localisation : Paris Date d'inscription : 26/05/2007
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Mer 17 Sep 2008 - 19:51 | |
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| | | Louis Capdeboscq Colonel
Nombre de messages : 1335 Localisation : Paris Date d'inscription : 26/05/2007
| Sujet: Re: Uchronie - Et si... la France se rend fin mai 40 ? Mer 17 Sep 2008 - 21:26 | |
| Merci François d'avoir publié ce texte intéressant. Je le rappelle:
Offres éventuelles de paix de l’Allemagne M. Nordling, Consul Général de Suède à Paris, qui avait accompagné M. Coulondre et le général Mittelhauser lors de la mission accomplie en Scandinavie du 12 au 14 avril, est revenu 15 jours plus tard à Paris en traversant l’Allemagne. Il s’est joint à une mission suédoise qui comprenait M. Dahlerus, industriel connu pour ses relations avec le Maréchal Göring, le Directeur des Affaires Économiques au Ministère des Affaires étrangères suédois et le chef d’État-Major des forces navales suédoises. Cette mission a proposé au gouvernement du Reich un projet consistant essentiellement à assurer par des forces navales suédoises la police des eaux norvégiennes et la répartition équitable du minerai de fer entre l’Allemagne et les Alliés. Ce projet a été repoussé par les Allemands. Le Maréchal Göring a cependant tenu à voir M. Dahlerus qui, à plusieurs reprises, s’était fait l’intermédiaire d’offres de paix allemandes. Le Lieutenant du Führer a exprimé l’avis que toute paix était impossible dans les conditions qui régnaient alors. Il a ajouté cependant que si la guerre était portée en Belgique et si l’armée allemande parvenait à s’emparer de la côte belge et de Calais, le Führer ferait une proposition de paix. Il demanderait l’annexion d’Eupen, de Malmédy, du bassin de Briey, ainsi que l’attribution de colonies au Reich. Pour le reste, il se contenterait, dans l’ensemble, du maintien du statu quo avant les hostilités. Si la France repoussait ces propositions, la guerre serait étendue aux populations civiles et le peuple français « apprendrait ce qu’il en coûte d’être mal dirigé ». Les indications ci-dessus, dont la source est absolument sûre, prennent une importance particulière à la lumière des événements qui se sont déroulés depuis lors. Il est permis de se demander en particulier si le Duce n’attend pas le moment où M. Hitler, s’estimant vainqueur, formulerait des conditions de paix, pour entrer lui-même en scène.
Si je résume:
1. Une mission diplomatique suédoise cherchant à circonscrire l'affaire norvégienne avait prévu d'aller à Berlin, puis à Paris. 2. Au cours de l'arrêt à Berlin, les propositions suédoises ne sont pas retenues mais Göring fait une déclaration à Dahlerus. 3. Dahlerus rend compte à Nordling, qui en rend compte à Reynaud, qui le note dans ses papiers, où François découvre cette mention un demi-siècle plus tard.
Je retiens plusieurs éléments.
Pour commencer, il me semble un peu vain de faire une exégèse trop fine de la lettre de ce texte. Après tout, Göring a déclaré quelque chose à Dahlerus (en allemand, j'imagine), qui en a discuté avec Nordling, lequel a traduit en français, et Weygand en a restitué ce qu'il en avait retenu. Rien de tout ça n'enlève son intérêt potentiel au document, en revanche il semble clair que le texte qui subsiste dans les papiers de Weygand n'est pas forcément conforme à l'original, au moins dans sa formulation (je suppose que le message principal est resté valable).
Deuxième élément: c'est un style classique des "négociations" utilisées par les nazis. On utilise une carotte, la plus petite et la plus vague possible, et un gros bâton (le spectre de raids dévastateurs de bombardements au gaz sur les populations civiles, l'équivalent d'avant-guerre de la peur d'une guerre nucléaire pendant les cinquante ans qui ont suivi), assorti d'une date limite de validité de l'offre. C'est exactement de cette manière que l'Allemagne a "négocié" l'annexion de l'Autriche, celle des Sudètes, "l'occupation pacifique" du reste de la Tchécoslovaquie, et le rattachement de Memel. Il n'y a donc là rien de bien nouveau.
Troisième élément: même dans l'hypothèse la plus favorable pour les alliés, et ce à une époque où pas une division allemande n'a franchi la frontière, l'Allemagne va récupérer une quantité non spécifiée de colonies et un certain nombre de zones frontalières d'une importance économique décisive (ce qui permettra de mettre la main au passage sur la portion la plus forte de la Ligne Maginot), en échange du maintien "dans l'ensemble" du statu quo. Il s'agit donc de faire confiance à Hitler pour interpréter "dans l'ensemble" dans un sens favorable. A noter que le Reich a systématiquement interprété les clauses diplomatiques de la manière la plus favorable pour lui, voir par exemple dans le cadre franco-allemand des nombreuses violations de l'armistice.
Quatrième élément: même si l'interprétation des conditions de paix était aussi favorable que le dit François (ce dont je doute fortement), les alliés doivent faire confiance à Hitler pour tenir sa parole. Rappelons que lorsqu'Hitler avait réclamé l'auto-détermination des Sudètes un an et demi plus tôt, les alliés avaient accepté. Résultat: Hitler avait immédiatement augmenté le prix à payer pour avoir la paix, réclamant l'annexion immédiate de toute la région par le Reich moyennant une promesse de pure forme d'organiser un plébiscite, et une autre promesse solennelle de ne plus rien réclamer à l'avenir. Moins de trois mois plus tard, les deux promesses étaient violées.
Là où je veux en venir, c'est que les éléments avancés jusqu'ici ne permettent pas d'affirmer qu'Hitler se serait contenté d'une "paix de statu quo" à l'ouest. Il avait sa propre définition du statu quo, définition par ailleurs sujette à révision surtout si la situation militaire s'améliorait. On vient de voir que son "statu quo" n'en était pas un du tout alors que ses forces n'avaient pas remporté une seule bataille, pourquoi ces conditions vaudraient-elles encore quand la Wehrmacht caracolait au devant d'un succès historique ? On note une inflation équivalente des prétentions allemandes au cours de l'invasion de l'URSS: le programme d'avant l'invasion était déjà ambitieux, mais il s'est encore accru devant les succès militaires immenses remportés au cours des premières semaines (cf. Kershaw).
Dernier point, et non des moindres. La bienveillance d'Hitler à l'égard de la France est nulle. La France est qualifiée d'ennemi mortel et irréductible, coupable par ailleurs d'avoir amené le Nègre sur le Rhin. Le programme établi dans Mein Kampf inclut un "règlement de comptes définitif" avec la France. L'argument selon lequel l'Allemagne n'était intéressée que par son seul "espace vital" et pas par l'Occident, bien qu'il ait été repris avec allégresse par les conservateurs allemands (au premier rang desquels les généraux) de l'après-guerre pour faire de l'apologisme sous couvert de Guerre Froide, ne correspond pas à la réalité. Hitler avait bien des projets visant l'ouest du Rhin, et même l'Atlantique: voir l'exploitation de son "deuxième livre" et de ses divers papiers qui a été faite par Weinberg, Kershaw etc et reprise par la communauté des historiens. Tooze a articulé une bonne partie de son traitement de l'économie de guerre allemande autour des travaux de ces auteurs, dont la position ne fait même plus débat auprès des historiens spécialisés.
Il est évident qu'on discute d'un scénario purement spéculatif et que chacun est libre de se former l'opinion qu'il veut. Mon but dans ce qui précède n'est pas de dévaloriser la trouvaille de François, mais de montrer que les éléments qu'il a apportés sont loin de clore le débat et, en ce qui me concerne, ne font pas vraiment le poids pour les raisons énoncées plus haut. |
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