Bonsoir
Voici le récit d'une journée au bord. Voici le reportage :
"1935, en rade des Salins d'Hyères, le BEARN est au mouillage. A proximité, au Palyvestre se trouve le terrain d'entraînement de l'Aviation d'escadre. Le BEARN compte à son bord trois escadrilles: une escadrille de surveillance, une escadrille de torpillage et une escadrille de chasse, soit une trentaine d'avions.
Les trois escadrilles du BEARN sont équipées en avions terrestres, car le BEARN présente une vaste plate-forme sur laquelle, seuls des avions à roues peuvent s'envoler ou se poser.
Avions à roulettes disent les marins, un peu dédaigneusement, car leur sympathie va plutôt à l'hydravion, dont les qualités rappellent le navire.
En fait, les terrestres du BEARN sont des avions marins. Ce qui signifie que leur qualité d'avions terrestres n'exclut pas certains dispositifs propres à assurer leur flottabilité en cas d'amerrissage forcé.
Ainsi les LEVASSEUR P.L. 10 de l'escadrille de surveillance et les LEVASSEUR P.L. 7 de torpillage ont une carlingue en bois qui a été rendue étanche à l'eau en dessous du moteur. La ligne inférieure du fuselage fait penser à la quille d'un hydravion. En outre, les extrémités du plan inférieur des LEVASSEUR portent un petit ballonnet de flottabilité.
Les WIBAULT de chasse, monoplace du type parasol, ont une aile métallique étanche. Les DEWOITINE D. 373 qui doivent remplacer les WIBAULT seront dotés de sacs spéciaux en toile, normalement repliés, mais que l'on peut gonfler très rapidement au moyen de gaz carbonique au moment de l'amerrissage. Les sacs ainsi gonflés deviennent une sorte de bouée de sauvetage pour l'avion terrestre qu'une panne de moteur contraint à se poser en mer.
il peut ainsi attendre du secours quelques heures. Ce délai suffit en général au navire torpilleur ou la vedette préposée à l'escorte du porte-avions pour venir sauver l'équipage.
Il est à craindre que les roues et l'essieu d'atterrissage venant en contact brutal avec la mer ne provoquent le capotage de l'avion. Aussi, la plupart des avions de porte-avions ont-ils leur train d'atterrissage largable. Dans l'avenir, le train d'atterrissage rentrant des avions rapides sera préférable au train largable.
Sur le pont du BEARN, à l'arrière, l'escadrille de chasse est actuellement réunie. Les ascenseurs spéciaux ont monté un à un, les fins monoplace peints en gris ardoise et .C.qui portent tous le numéro 7 C.1. Les matelos mécaniciens d'aéronautique réchauffent les moteurs, les pilotes embarquent.
A tribord du pont d'envol, reportée complètement en abord se dresse la cheminée du BEARN. La passerelle de commandement réduite à sa plus simple expression a été accolée à cette cheminée ainsi qu'un minuscule mât de signaux. L'ensemble a l'air d'une tour quelque peu bizarre, mais c'est de là que le commandant de l'aviation exécute tous les signaux concernant l'envol et l'atterrissage.
Un pavillon multicolore se monte sur la passerelle. Le premier avion va partir. Son moteur ronfle à plein gaz, mais l'avion ne bouge pas retenu par ses freins sur roues. Le pavillon s'abaisse et subitement, le pilote ayant desserré ses freins, l'avion s'élance, suivant la ligne blanche peinte sur le pont longitudinalement et qui indique l'axe d'envol. bien avant l'extrémité du pont, ses roues ont décollé avec une légèreté insoupçonnée. Sur le pont derrière, les avions similaires qui attendent leur tour ont légèrement frémi au souffle de l'hélice du partant.
Le pavillon est monté à nouveau sur la passerelle, pour le départ du deuxième WIBAULT. Et ainsi de suite, les avions s'enlèvent du pont du BEARN pour rejoindre leur chef de file qui les attend à 500 mètres d'altitude en tournant en rond au-dessus du navire.
En l'air, les chasseurs se sont formés en vol de canard, puis la formation conduite par son chef, se dirige vers le terrain de Palyvestre, que l'on devine caché derrière les pins de la plage d'Hyères.
Une heure après le BEARN appareille. Lentement, le lourd navire s'est mis en branle. Il fait route vers la passe centrale de la rade entre les îles de Porquerolles et de Port-Cros. Le pont est complètement libre d'avions. Les ascenseurs sont exactement à fleur de la plate-forme. Tout est prêt pour l'exercice d'atterrissage, d'appontage, comme disent les marins.
Le BEARN fait route maintenant au large des îles d'Hyères. il s'est mis exactement debout au vent, pour faciliter les manoeuvres d'atterrissage de ses oiseaux marins. Cette fois, il s'agit de l'escadrille de surveillance qui a décollé du Palyvestre.
Les trois premiers P.L. 10 des biplans aux ailes égales, se montrent bientôt en vol de groupe, à quelque mille mètres d'altitude, au dessus du BEARN. Au mât de signaux de la passerelle un pavillon est monté. Sans doute les trois avions ont dû le remarquer, car voici qu'ils se séparent pour atterrir séparément. L'avion de tête descend le premier en décrivant un large cercle vers l'arrière du BEARN.
Une sonnerie de clairon a fait dégager le pont qui paraît complètement nu. toutefois entre la cheminée et l'arrière de la plate-forme on remarque à peine des filières d'acier tendues au ras du pont de bâbord à tribord. C'est le réseau d'atterrissage. En abord du pont chacune de ces filières disparaît dans un tube mystérieux. Ces tubes contiennent le dispositif de freinage.
L'avion qui se pose doit en effet, accrocher avec une crosse spéciale, l'une de ces filières transversale. La traction de l'avion est alors absorbée par les freins des filières. on remarque aussi à l'extrémité avant et à l'arrière de la plate-forme à tribord un petit mât qui dresse une mire triangulaire à quelques mètres au-dessus du pont. Ces mires sont destinées à faciliter la manoeuvre de présentation des pilotes.