Bonjour à tous.
L'histoire de mon grand-père maternel.
Voila l'histoire : tout démarre au décès de mon père en 2014. Je m'étais lancé dans les recherches sur mon grand-père paternel 14/18 et 39/45, l'Yser, la Marne, Verdun, 20éme RAC,32éme RAC, Aviateur, Commandant de maquis.
Après le décès de mon père, en discutant avec ma mère, elle me demande si les recherches avancent sur le père de mon père. Je lui explique tout ce que j'ai déjà trouvé et c'est à ce moment qu'elle me dit "ça serait bien que tu procèdes aussi à des recherches sur ton grand-père maternel", c'est là que lui dit "pourquoi ?" Elle me dit "ton grand-père maternel était soldat français et il a été emprisonné au camp de Tambow en Russie, mais il y a que ton père qui était au courant." cCest le seul qui savait puisque mon père avait fait la guerre d'Algérie et mon grand-père s'était confié sur ce lourd passé, mais ni ma mère ne savait ni ses enfants et moi petit fils je ne savais rien de tout ça.
Je me décide donc à demander à ma mère si elle a des papiers de mon grand-père maternel sur cette période, elle me dit "il faut regarder dans les dossiers de ton père", je trouve alors sa carte de combattant et son livret militaire et diverses photos et une crécelle anglaise que mon grand-père a ramené de son périple, me voila lancé dans une nouvelle aventure et en même temps sur l'autre grand-père deux histoires complétement incroyables, c'est plusieurs années de recherches.
Je me lance donc dans les recherches sur le camp de Tambow et je m’aperçois que dans ce camps, ils sont de nombreux Français à être passés et notamment des Alsaciens et des Mosellans, ce camp soviétique se trouvait dans la forêt de Rada à 430km de Moscou. Je décide donc sur la toile d'en savoir plus : j’achète un livre qui s'appelle les 1500 de Tambow et découvre qu'ils ont vécu dans des conditions abominables avec des températures de -40 et beaucoup de maladies diverses et une hygiène déplorable et une alimentions très drastique : deux soupes très claires par jour servies dans des écuelles de bois et 600 grammes de pain apportés dans chaque baraquement, le camp était nommé le camp 188 de Tambow (camp des Français), j’apprends aussi dans ce livre que les 1500 ont été libérés par un accord entre Staline et le gouvernement de Vichy, une délégation est envoyée sur place, les Français envoient le général Petit et les Russes le général Petrov, entre temps le camp est remis en état pour ne pas voir dans quelles conditions vivent les prisonniers, peinture, travaux de baraquement, les grabataires sont mis à l'écart et le rapatriement commence, donc comment tout ça est arrivé à mon grand-père ? pourquoi n'a t-il rien dit ? j'ai retracé son histoire avec l'aide des archives, les archives allemandes, les forum Français et allemands (merci le traducteur google) et deux écrivains et docteurs en histoire, me voila parti dans ce long périple, il fallait que je sache.
Mon grand-père maternel est né le 10 juin 1916 en France dans la commune de Stiring-Wendel (Moselle) , il avait été à l'école et avait appris le platz, dialecte lorrain, un genre de patois qui ressemble beaucoup à l'allemand et à la langue luxembourgeoise, mon grand-père a ensuite été marié avec ma grand-mère maternelle et il y a eu dans leur vie 8 naissances, 3 filles et 5 garçons. Etant adulte, il fait ses classe au camp d'Errouville (Meurthe et Moselle), classe 1936, incorporé au corps le 1 septembre 1937 au 149éme Régiment d'Infanterie de Forteresse, il est soldat de 2éme classe. Il fait son service et rentre ensuite chez lui en Moselle à Audun-Le-Tiche à 1 km de la frontière luxembourgeoise.
De retour chez lui la vie avance et il y a la naissance de sa première fille le 30 juillet 1937 et ensuite la naissance du premier garçon le 27 décembre 1938, la seconde guerre mondiale éclate, il est de nouveau sous les drapeaux mobilisé et la Moselle est sous le régime de l'annexion, le déplacement des mosellans ne se fait pas attendre en septembre 1939 ils sont évacués vers la Charente, Vienne et d'autres régions Française, ma grand-mère maternelle est évacuée vers la Vienne avec sa première fille et son premier fils ainsi que la mère de mon grand-père (mon arrière grand-mère), en juin 1940 mon grand-père est envoyé en renfort dans la Marne au combat de Darmanes (Andelot) avec le premier bataillon du 149éme RIF du camp d'Errouville sous le commandement du Capitaine Viardet. Il se retrouve encerclé par une division de 60000 allemands, il est fait prisonnier le 25 juin 1940 sous le régime de l’annexion de la Moselle, ma grand-mère est déjà de retour en Moselle dans les premiers mois de l'année 1940, dans le mois d'octobre 1940 mon grand-père est toujours prisonnier des allemands, ma grand-mère lui annonce par courrier que sa première fille est décédée elle n'avait que 3 ans, la région d'Audun-Le-Tiche était complétement sous le contrôle des allemands ainsi que la frontière Luxembourgeoise, ma grand-mère n'avait pas de moyen de locomotion, elle a voulu emmener l'enfant dans un hôpital au Luxembourg avec l'aide du médecin traitant, celui-ci a refusé puisque il fallait un laisser passer qu'il n'avait pas, l'enfant est morte dans les bras de ma grand-mère, mon grand-père a demandé à ce qu'il puisse venir enterrer sa fille ce qu'il lui était accordé, mes grands-parents n'avaient pas les moyens, l'enfant a été inhumée dans la terre dans le cimetière communal et mon grand-père y a planté un sapin qui fait aujourd'hui plus de 30 mètres de hauteur, c'était pour être sur que la tombe ne disparaisse pas.
Le voila toujours prisonnier, le 28 juillet 1943 il est enrôlé de force dans l'armée allemande dans la Wehrmacht sous le matricule 1136 à la Stam Kompagnie Grenadier Erzatz Bataillon 479, il est ensuite muté à la 1 kompanie/Reserve-Grenadier-Bataillon 479 et ensuite dirigé vers le Grenadier-Bataillon Tennert, il se retrouve alors en Ukraine dans les environs de Loutsk, le bataillon du capitaine Tennert était rattaché à la Kampfgruppe Von Dem Bach-Zelevski (commandant de la place forte de Kovel), ce groupe de combat tenait un front à l'Est de Kovel, le long de la rivière Styr, ils sont ensuite rattachés au 48 Panzer Korps et se retirent vers la rivière Stokhid, toujours à l'Est de Kovel, ensuite l'armée Russe réussit a percer le front du Kampfgruppe Von Dem Bach Zelevski, le groupe change à nouveau de nom et devient le Kampfgruppe Gille (Herbert Gille 5.SS "Viking), ils sont encerclés par les Russes et fait prisonniers, on les mets dans des wagons à bestiaux avec une température de -30 et ils sont dirigés jusque à la gare de Rada à 5km du camp 188 de Tambow, mon grand-père maternel aura vécu un enfer de tout ça il ne parlera pas, il va traverser plusieurs pays pour rentrer, départ en train de Tambov-Rada vers Rostov, Bakou, de Tabriz à Téhéran en camion, Bagdad, de Haïfa à Tarente en bateaux et de Tarente à Alger en bateaux, il sera débriefé à Hussein Dey (Alger) en 1944, il aura eu après toute cette vie dramatique, l'uniforme Français, l'uniforme Allemand, la tenue de prisonniers au camp 188 de Tambow, l'uniforme Russe lorsqu'il a été rapatrié jusque à Alger et ensuite pour rentrer en France l'uniforme Anglais. Il ne rentrera en France que le 25 janvier 1946 et en gardant tout pour lui, mon grand-père était un Malgré-Nous Mosellan, aujourd'hui encore de nos jours cette partie de l'histoire est encore tabou à cause du tristement célèbre massacre de Oradour-Sur-Glane par les SS et Tulle, mais tous les Malgré-Nous n'ont pas demandé tout cela leurs familles étaient menacées, je ne sais comment aujourd'hui comment on réagirait dans de telles conditions si l'on devait protéger nos familles.
Pour les recherches, ça m'a demandé un travail colossal, les archives de Metz, les archives du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, j'ai encore une demande qui date de 2021 aux archives du Haut-Rhin concernant sa captivité au camp de Tambow, la demande est faite au Quai d'Orsay à Paris pour ce qui concerne les affaires étrangères un dossier se trouve encore aux archives militaires de Moscou, je pense que je ne le verrait jamais à cause du conflit actuel, j'avais aussi parcouru à l'époque les forums Français et Allemand, écrit aux archives de la WAST à Berlin, écrit aux archives de la Croix Rouge Allemande à Munich, ils détiennent encore des documents qu'ils reçoivent régulièrement concernant la captivité des prisonniers de la Wehrmacht, et j'ai eu l'occasion d'échanger avec Phillippe Wilmouth docteur en histoire et écrivain, il est président du musée ASCOMEMO en Moselle à Hagondange et ce musée concerne l’enrôlement de force dans l'armée allemande en Moselle et aussi toute la parti sur Tambow. Ils ont beaucoup d'archives et d'objets provenant de Tambow, j'ai aussi vu un autre docteur en histoire et écrivain Mickael Séramour concernant les troupes de forteresse rattachées aux casemates de la ligne Maginot, il est aussi vice président du Fort A5 de Villers-La-Montagne (Meurthe et Moselle) et aussi discuté avec Nicolas Mengus docteur en histoire et écrivain spécialiste des Malgrés-Nous, ce qu'il faut savoir c'est que cette histoire des malgré-nous a vraiment vu le jour à compter de 1979 dans les premières recherches et écrits, et pourtant tout était encore sous le contrôle du NKVD soviétique, il n'y a que depuis 1990 que tout s'est débloqué, donc c'est pas très vieux, aujourd'hui il y a la députée du Haut-Rhin Brigitte Klinkert qui veut réparer l'injuste du silence mémoriel sur ce sujet, ils ont signé une tribune dans le journal le Monde en compagnie de Benjamin Huin, ils souhaitent que cette partie de l'histoire soit aussi inscrite dans les manuels scolaires. Voila bonne lecture à tous.
Mon grand-père Soldat au 149ème Régiment d'Infanterie de Forteresse.
Photo d'époque du camp de Tambow.
La porte du camp de Tambow en 1944 lors de la libération des 1500.
Le livre dans je parle que je me suis procuré.
Carte concernant le retour des 1500 de Tambow.
Mon grand-père soldat au camp de Errouville au 149éme RIF.
Mon grand-père avec le bataillon du 149éme RIF et sur le bas les officiers.
Carte du combattant qu'il a reçue bien plus tard. Regardez la date, c'est mon père qui a du faire les démarches pour qu'il soit reconnu comme combattant, il avait reçu la médaille que je n'ai pas en ma possession.
Carte de soutien familial allemande.
Papiers de rapatrié de Russie en debrief à Hussey Dey.
Fiche de démobilisation.
Livret militaire de mon grand-père maternel.
La crécelle anglaise que mon grand-père a ramenée lors de son périple, elle servait aux alertes au gaz et aux raids aériens, il manque la partie métallique qui était dessus.
Je tiens à préciser qu'il y a le même écrit sur le forum de Maquisard de France où je suis enregistré sous le pseudo Commandant Maurice, j'ai juste supprimé quelques mots dans le texte, c'est pour vous partager le devoir de mémoire sur la vie de mon grand-père maternel bonne lecture à tous.
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