Quand l'uchronie devient désinformation

Citation :

Vous pouvez nous parler du "un"?

Le seul exemple jamais mentionné comme uchronie permettant de faire avancer la connaissance est une étude sur l'impact du développement des voies ferrées sur l'économie américaine (Railroads and American Economic Growth, de Robert Fogel (ici).

L'auteur montre que des voies de communication alternatives, comme les canaux, auraient pu se développer en l'absence du rail, si bien que l'économie américaine ne se serait pas développée de façon fondamentalement différente. Ici était une nouveauté par rapport à l'opinion généralement admise.

Il ne s'agit pas d'histoire militaire ni politique mais d'une approche s'inscrivant dans le temps long (à la Braudel), donc dans un cadre dans lequel les événements individuels et singuliers n'influent pas (pas de bataille gagnée par le moins fort, de décès précoce d'une personnalité etc.).

Vous noterez aussi que la conclusion de Fogel n'est pas "ça aurait été différent" mais "ça aurait été la même chose".

L'exemple de Fogel est régulièrement mis en avant par les auteurs qui veulent démontrer le sérieux de l'uchronie (Nial Fergusson etc.). Toutefois, je n'ai jamais vu un second exemple. Et l'étude de Fogel date de 1964, elle a plus de 50 ans, et on n'a pas vu beaucoup d'uchronie productive depuis...

Bonjour,

Loïc M. a écrit:

Question très pertinente en effet. Pour ce forum, on peut penser que les différentes uchronies évoquées ont une fonction de psychothérapie de groupe ...

Nul besoin d'une uchronie pour une éventuelle psychothérapie de groupe.
Comme le signale Didier, les informations techniques sourcées d'ATF40, la "matière dure", suffisent à démonter les clichés et les idées fausses colportées depuis la défaite de 1940 et qui ternissent le sacrifice et les épreuves traversées par nos aïeux.

Cordialement,
Nicolas

Bonjour à tous

Une psychothérapie de groupe  , j'avoue n'avoir jamais pensé que les uchronies pouvaient avoir un effet médicinal . Faut-il renommer cette section "le divan" et appeler les modérateurs "doc"  ?


Merci Shiki pour cette référence. Les conclusions ne m'étonnent pas car, si je me remémore les cours de géo, les industries des première et deuxième révolutions industrielles se localisent en fonction de la proximité des matières premières et/ou de l'énergie et non en fonction des flux (sauf exception bien sûr).

Mais il ne faut pas s'y tromper, l'emploi d'outils mathématiques en sciences humaines donne un vernis scientificité qui ne fait qu'estomper la possible partialité des propos.
Il y a quelques jours a été évoqué sur ce fil les probabilités comme d'un outil pour hiérarchiser les choix possibles : "...permet (...) d'estimer quelle aurait été l'attitude la plus probable de sa part en de telles circonstances." Or, une probabilité est le quotient du nombre de cas favorables sur le nombre de cas possibles. C'est facile pour un jet de dé (1/6) ou le loto (50/nombre de parieurs) parce qu'ils ont un nombre de chance égales. Avec le tiercé, c'est plus compliqué puisque chaque cheval à des chances différentes de l'emporter ce qui introduit la partialité de celui qui estime la valeur de chaque cheval. Dans le cas des probabilités l'on peut manipuler le résultat lorsqu'on définit les cas possibles et les cas favorables.
Il en va se même pour tous les autres outils mathématiques dont il faut accepter les conclusions qu'après examen des définitions employées.
Les calculs de rapport de forces en sont une bonne illustration. Les AMR françaises sont techniquement équivalentes aux Pz1 mais employées comme des automitrailleuses. Doivent-elles compter dans les chars ou dans les AM? C'est une question de définition qui conditionne le calcul et le résultat.

dhouliez a écrit a écrit:

je crois (je crains) que les passionnés d'uchronie qui nous soumettent des hypothèses parfois très travaillées doivent être un peu frustrés du fait du manque d'enthousiasme généré...

Vous avez sûrement raison, mais je pense aussi que s'ils les soumettent ici c'est aussi pour confronter leur uchronie aux connaissances des membres du forum et en mesurer la pertinence.

Cordialement

Bonjour,

La détermination de "l'attitude la plus probable" est souvent, à mon avis, entachée d'un biais : dans bon nombre de cas, elle nécessite de s'appuyer sur des documents qui concernent d'autres situations que la situation uchronique.

Pour l'exemple cité plusieurs fois de Franco, il me semble évident qui ni Hitler ni Franco n'ont été confrontés à une situation telle qu'envisagée uchroniquement :

- en 39, la France semble encore une puissance militaire redoutable
- mi-juin 40, la politique de Hitler est visiblement de rechercher l'armistice avec la France
- après l'armistice, l'Espagne n'a plus de gains territoriaux à espérer, à part Gibraltar, puisqu'une éventuelle coalition Méditerranéenne devrait inclure la France, et qu'on n'imagine pas tellement de redécoupage territorial où à la fois, la France, l'Italie et l'Espagne tireraient des bénéfices.

On en revient donc toujours au même point : 
- écrire une uchronie plausible, c'est possible ;
- écrire une uchronie à valeur démonstrative, j'en doute.

Pour l'uchronie déjà citée qui concerne l'effet du rail, j'ai du mal à accepter le postulat de base : le développement industriel se ferait sans que jamais personne n'ait l'idée de gagner en rendement en plaçant une motrice sur des rails métalliques pour réduire les frottements ? Le rail m'apparaît consubstantiel au développement industriel. Il me semble donc vain de vouloir imaginer l'un sans l'autre.

Cordialement,

DH

Citation :

Pour l'uchronie déjà citée qui concerne l'effet du rail, j'ai du mal à accepter le postulat de base : le développement industriel se ferait sans que jamais personne n'ait l'idée de gagner en rendement en plaçant une motrice sur des rails métalliques pour réduire les frottements ?

 
Je ne sais pas s'il vaut la peine de souligner que le sujet du travail de Vogel n'était pas "poser un objet sur un autre" mais 10 ou 20 ans d'investissement massif dans une infrastructure complète à l'échelle d'un continent.

Bien sûr, je caricature... mais sur le principe, c'est bien un problème d'investissement dans une innovation technique, qui me semble le principe même du développement industriel... Si vous dites qu'il y a un apport historique grâce à cette hypothèse, je veux bien le croire.

Quoique, dire que si les USA n'avaient pas investi dans le rail, le développement économique aurait pu se faire en développant d'autres moyens de transport ne me semble pas invalider le constat qu'historiquement c'est le développement du rail qui a permis le développement économique. Encore une fois, c'est juste une impression qui m'empêche d'accepter en confiance des conclusions que l'on me cite sur un problème que je ne connais pas particulièrement.

Cordialement,
DH