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 55e DI à Sedan

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takata
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 11:07

La suite :
Citation :

À propos de quelques dépositions caractéristiques au procès de Riom

Voici maintenant un sujet extrêmement délicat ; j'allais écrire : douloureux. Mais il me paraît nécessaire de l'aborder puisque nous sommes résolus à regarder les faits en face, dussent-ils nous étreindre le coeur. [note : les heures héroïques de la "Résistance" nous donnent aujourd'hui le droit de le faire, car la France a montré au monde ce dont elle demeurait capable.] Il s'agit de certaines dépositions recueillies au cours de l'enquête spéciale effectuée par M. le conseiller Wateau, au sujet des influences politiques ayant joué dans notre défaite. Mais, par la force des choses, cette enquête s'est trouvée déborder hors des limites particulières de son objet initial.

Il doit être bien entendu que, fidèle à la règleque j'ai toujours pratiquée de demeurer en dehors de toute querelle politique risquant de diviser les Français, je n'envisagerai pas cet aspect du problème. Je retiendrai simplement ce qui nous interesse ici, c'est-à-dire ce qui est relatif aux défaillances qui seraient survenues parmi les troupes engagées sur la Meuse, en particulier 55e et 71e, mais aussi, d'ailleurs dans une moindre mesure, 18e et 22e divisions, voire un régiment de la 5e division d'infanterie motorisée. Comme je l'ai écrit à la Cour dans un de mes mémoires que je lui adressai, il ne serait pas logique d'admettre que les cadres et notamment les officiers de ces grandes unités fussent spécialement influencés par un parti ou par un autre. En outre, je crois, en tout cas j'espère sincèrement, que certains des témoins en question dont, par scrupule et conscience, j'éviterai de donner les noms qui n'importent point ici, ont exagéré, entraîné qu'ils étaient par leurs opinions personnelles. D'ailleurs, ils n'avaient pas, a priori, qualités particulières pour être convoqués. Ils avaient été acteur du drame, mais entre beaucoup d'autres que l'on eût pu entendre tout aussi bien.

Cependant, deux données particulières sont pour moi troublantes.
- Tout d'abord une déposition, recueuillie au cours de l'enquête d'ensemble, celle du général commandant le 10e corps d'armée lui-même, dont dépendaient les 55e et 71e. C'était un officier général pour qui nous avions toute estime. Il a nettement reconnu le peu de valeur des corps de troupes appartenant à ces deux divisions.
- Puis un souvenir personnel. Je me trouvais auprès du général Georges, à son P.C., le 14 mai matin. À un certain moment, il fut appelé au téléphone par le commandant de la 2e armée. À la fin de leur conversation, le général Georges, justement ému, me dit : "Huntziger me signale que l'on voit, des hauteurs, dans le fond des vallées de la Meuse, des soldats français sortant de leurs casemates en levant les bras pour se rendre. Il a donné ordre à son artillerie de tirer."

Je dois avouer que j'ai eu, depuis, des conversations avec plusieurs officiers en qui j'ai confiance et qui m'ont apporté un son de cloche concordant. L'un d'entre eux, qui occupait une situation importante en mai 1940 m'a dit : "Cela ne fait pour moi aucun doute qu'à Sedan certaines troupes se soient repliées sans combattre." Un autre, qui appartenait à l'une des divisions de cavalerie portée en avant et qui, dans son mouvement de repli, traversa les lignes de l'infanterie, m'assura avoir constaté que certaines casemates étaient déjà évacuées.

Tout en faisant donc les réserves nécessaires sur l'exactitude absolue des dépositions en cause, je pens qu'il y a, dans ce domaine, un ensemble de faits troublants que nous n'avons pas le droit de dissimuler. Seuls les faibles se plaisent dans l'équivoque ; les forts n'ont pas crainte de rechercher les vérités. Je ne reproduirai d'ailleurs pas ici les dépositions elles-mêmes : je ne veux pas, de mon initiative, mettre en cause ceux qui les ont faites. La Cour s'est contentée de nous communiquer la plupart d'entre elles, sans nous en remettre copie. J'en ai uniquement conservé les extraits partiels dont j'ai pu prendre note. D'ailleurs, je le répète une fois de plus, je tiens à éviter scandale et polémique ; je me contenterai donc de donner ci-dessous ce que j'ai écrit à la Cour suprême à ce sujet :

______________________
Bourassol, 2 août 1942
Général Gamelin

Procédure de M. le général Watteau
Dépositions du général S., du général C.; documents annexés provenant du capitaine du B., du colonel T.; dépositions du lieutenant-colonel D. et du commandant C.
(Ces diverses dépositions évoquent des situations du temps de paix et du temps de guerre)

I. En ce qui concerne le temps de paix, le lieutenant-colonel T. reconnaît qu'il a toujours été soutenu par ses chefs hiérarchiques. n'en a-t-il pas été de même pour tous les cadres qui ont eu à faire acte d'autorité ?...
Il faut bien se dire ;
- Que de tout temps, il y eut dans toute troupe, comme dans toute classe de jeunes gens, des sujets d'élite, de mauvais garnements et une mase plus ou moins influençable. Et, à toute époque, le soldat français fut délicat à mener. Plus qu'en acune autre grande armée, chez nous, la troup est le reflet de son chef, qui doit à la fois commander, mais savoir commander. L'officier, comme le maître, doit écarter l'influence des mauvais éléments sur les autres, au besoin les briser, et por cela les connaître. On ne se défend d'ailleurs pas, par les mêmes procédés, des turbulents et des sournois : ceux-ci sont les plus dangereux.
- Que les unités les meilleures ne sont pas à l'abri des tentatives. Mais que, dans toutes les unités bien tenues, elles sont évitées ou immédiatement jugulées.

Les interventions parlementaires étaient, de longue date, un mal de notre pays. Elles venaient de tous les partis et ceux qu'elles recommandaient n'étaient pas toujours les plus intéressants. Mais les ministres, quels qu'ils fussent, ou du moins leur cabinets, ont-ils jamais pu les éviter ? Il arrivait que les corps en eussent les échos. C'est regrettable, mais c'était un fait. Le cas échéant, il était facile de répondre, correctement, mais en éludant. Et c'est bien dans l'armée que la recommandation avait le moins d'influence...
Cependant, que l'armée de 1939 se soit présentée très brillamment en toutes circonstances et bien plus brillamment que quelques années auparavant, qui en doutait sur le moment ? Ayons la loyauté de le rappeler.

II. Pour le temps de guerre, qu'il y ait eu des défaillances au moment de l'attaque du 10 mai, le fait est malheureusement incontestable. Mais ce pouvait être une surprise, sous l'action de la puissante aviation allemande, malgré tous les avertissements du haut commandement. Au début d'août 1914, n'y eut-il pas, chez certaines de nos troupes, la surprise du feu ? La brutalité et la puissance de certaines préparations d'artillerie et de "minen" au début des opérations de 1918, ne furent-elles pas également, pour la troupe, une surprise ? Rappelons-nous les attaques allemandes sur le front britannique, et, en mai, au chemin des Dames.
La question, cette fois, serait-elle plus grave encore ?
Jusqu'ici, nous avons toujours eu la pudeur de ne pas évoquer nos faiblesses récentes devant le public et devant le monde entier qui nous observe. Il est, de même, naturel et parfaitement honorable qu'un chef répugne à avouer que sa troupe a lâché pied, même si son propre passé militaire sur le champ de bataille est garant qu'on ne puisse l'accuser d'en être responsable.
Comme ancien chef de nos armées, je reconnais ma gêne en abordant ce sujet. Il y a des faiblesses q'on souhaite ne liquider qu'en famille...

Cette fois le problème est soulevé. Il est lourd de conséquences... Les 55e et 71e divisions à Sedan étaient de série B. Mais la 18e à Dinant était de série A, où le nombre d'officier de l'active se rapprochait sensiblement de celui des divisions actives. Et le 129e d'infanterie, dont parle le capitaine B., appartenait à la 5e division motorisée, à effectifs renforcés dès le temps de paix.
Si vraiment les défaillances qui se sont produites dans ces troupes ont eu l'ampleur et, partant, l'influence sur les événements qu'évoquent les souvenirs du capitaine du B. et la déposition du général S., après celles du lieutenant-colonel D. et du Commandant C., aux points décisifs de Sedan et de Dinant, on peut dire qu'il n'y avait plus ni de stratégie ni de tactique valables.

La question de la répartition des moyens existants (divisions et matériels), de dosage, articulation ou emploi des forces, qui doivent être discutées pour connaître les responsabilités encourues, sont dominées par un fait brutal : on ne peut se battre qu'avec des hommes qui veulent se battre, commandés par des chefs qui veulent se battre.

Que, dans une troupe en débandade, les éléments de désordre prennent le dessus, il en est ainsi, par malheur, très souvent. C'est le spectacle qu'a dépeint particulièrement le capitaine du B. Mais les chefs ne sont-ils pas là pour empêcher la troupe de se débander, la maintenir, la ramener à sa place au combat ?
Mais à lire le capitaine du B., et le général S., comme d'ailleurs le commandant C. et le lieutenant-colonel D., il semble que les troupes se soient débandées dès le début même de l'action. Et le général S. montre tout spécialement une véritable veulerie des cadres dans les corps de troupe, existant de très longue date.

D'après ces dépositions, il ne semble même pas que l'aviation ennemie ait eu les effets, sinon cruellement meurtriers, tout au moins terrifiants qu'on lui attribuait. Sous son action, notre cavalerie avait souffert, mais avait courageusement rempli le rôle qui lui avait été assigné. Nous savons du reste que les pertes en hommes (sinon en chevaux et voitures quand ils n'étaient pas abrités, tout au moins dissimulés) n'étaient point comparables à celles produites par les concentrations d'artillerie.

Le 16 mai 1940, averti, notamment à la suite d'une reconnaissance personnelle effectuée auprès de la 9e armée par un officier de mon état-major, du reflux désordonné de certains éléments, j'adressai immédiatement à tous, par voie téléphonique, l'ordre suivant : Ordre général n°17 : "Il est rappelé qu'aux termes du §18 pour l'Instruction sur le Service en campagne, le chef emploie toute son énergie à maintenir la discipline, à stimuler les volontés défaillantes, à retenir sur place les militaires de tous ordres. Au besoin, il force leur obéissance. Tout chef qui ne se conformerait pas à ces prescriptions manquerait à son devoir."
Il fallait au moins se ressaisir.

Dès lors, une série de questions se posent.
a) Qu'ont dit de ces faits, à défaut des journaux de marche, les comptes rendus et rapports d'opérations, où l'on doit la vérité ? Quelles enquêtes ont été faites, en dehors de celle effectuée par le général Dufieux, qui a traité la question avec un parti pris évident et d'ailleurs n'a pas exposé cette face des événements : pour lui, tout est une question de matériels et la faute du haut commandement ?
A-t-on entendu les chefs responsables aux divers échelons, qu'il faut toujours entendre, ne fût-ce que pour confronter leur assertions avec les divers renseignements recueillis d'autre part ?

b) Si les 55e et 71e divisions étaient telles que les a dépeintes le général S., telles même que les a signalées le général commandant le 10e corps dans sa déposition, comment ne les a-t-on pas de longue date, réorganisées ? Comment n'en a-t-on pas remanié les cadres ? Comment ne les a-t-on pas remises à l'instruction dès le début ? Je ne saurais admettre qu'en huit mois de guerre on ne puisse remettre une formation au point. Au début de 1915, toute nos formations ne l'étaient-elles pas, malgré les pertes de 1914 ?
Et comment a-t-on affecté ces divisions au "môle" de Sedan ? Comment le haut commandement n'a-t-il jamais été avisé ? Je suis pour ma part, passé trois fois à la 2e armée, deux fois à la 9e. J'y ai vu au moins tous les commandants de division. J'ai circulé sur le terrain auprès des troupes. Personne, même dans la discrétion d'un tête-à-tête, ne m'a averti des symptômes qui sont aujourd'hui signalés. Et je me souviens parfaitement d'avoir insisté sur l'importance qui existait à améliorer les cadres des divisions de formation. Il y eut même, à cet égard, une scène assez pénible à la 61e division (9e armée). N'avais-je pas, dès le début de la guerre, délégué aux commandants d'armée le droit de prononcer les mutations des officiers subalternes et des officiers supérieurs (sauf les chefs de corps) ?

c) Quelle fut, à partir du 10 mai et dès les premières heures de la bataille, l'attitude des cadres subalternes de ces troupes ? Les dépositions relatives aux événements de Sedan et de Dinant signalent que ces officiers avaient très vite disparu. Est-ce exact ? Qu'étaient-il advenus ? Auraient-ils presque tous été tués ? On doit aujourd'hui le savoir.

Puisqu'un tel abcès est évoqué, ne convient-il pas de le débrider ?
Que l'atmosphère où nous avons vécu depuis la victoire de 1919 n'ait pas été ce qu'elle aurait dû être, qui le conteste ? Mais cela suffit-il à expliquer des faits de cette gravité ? Un incident local, certes : mais des divisions entières débandées aux premiers contacts de l'ennemi ?
Certes, le service d'un an, la limitation des périodes de réserve jusqu'en 1935, ont eu de lourdes conséquences, en réduisant le dressage du citoyen au métier des armes. Et cet état de choses ne fut pas sans nuire à la formation des cadres de réserve. Cependant, l'instruction militaire de nos officiers de réserve était, en 1939, supérieure à celle qu'ils possédaient en général en 1914. Il y avait beaucoup plus de sous-officiers de carrière qu'en 1914. Et nous eûmes huit mois de guerre avant la bataille.

Nombreux cependant sont les chefs qui, au procès, ont témoigné de la valeur de leur troupe. Faut-il d'ailleurs ajouter, sans ironie, que, quand ils parlaient de faiblesses, les faits se passaient, en règle presque constante, chez le voisin ?
Faut-il croire que les Français, aient, dans leur ensemble, perdu l'habitude du travail ? Ne savaient-ils plus qu'il faut mourir pour son pays ?
Bref, à toute époque de l'histoire militaire, il y eut des paniques locales. Il y a toujours eu des flottements sur le champ de bataille. Tout officier de carrière l'apprend. Tous ceux qui ont fait la guerre le savent. Il faut que les officiers paient d'exemple : aucun d'eux ne l'ignore. Chacun d'eux sait que sa première tâche est de maintenir, au besoin de ramener sa troupe au combat : au cours des guerres précédentes, tous l'ont remplie. Une certaine partie de nos cadres aurait-elle donc, cette fois, perdu le sens du devoir ? Et pourquoi ? Et, si c'est vrai, comment les chefs de rang élevé, mais au contact des troupes, ne l'ont-ils pas rapidement constaté et comment n'en ont ils pas avisé le haut commandement, car le premier des devoirs est de dire la vérité. J'ai fait faire, dans les premiers mois de 1940, une enquête sur le moral. Qui a signalé le danger ? Qui a donné l'alerte, soit qu'il s'agisse des troupes, soit qu'il s'agisse des cadres ?

Que la cour suprême excuse la chaleur de ces interrogations. Elle doit sentir combien sont angoissantes les questions qui se posent, dès qu'on aborde le problème actuellement évoqué.

Gamelin.
____________________________________________________
Gamelin, "Servir", tome I, Plon 1946 - pages 344-357


Dernière édition par le Lun 11 Fév 2008 - 11:14, édité 1 fois
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takata
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 11:08

Et fin :
Citation :

Je crois utile de compléter ce que j'écrivais à la Cour sous la première impression. qu'on veuille donc me pardonner certaines redites.
Ce que savaient, sur ces faiblesses de certaines troupes, le commandant du 10e corps, celui de la 2e armée l'ignorait-il donc ? Quand j'ai eu l'occasion de les voir sur le terrain, il ne m'en ont rien dit ni l'un ni l'autre. Mais ce n'était évidemment pas au premier de parler, sans l'assentiment du second. Quant aux généraux Billotte et Georges, je ne crois pas un instant que, mis au courant, ils m'eussent caché ce qu'ils avaient appris et ne fussent intervenus pour remédier à la situation. Donc, à la 2e armée, on ne savait pas, ou on n'a pas voulu croire ?

On comprend le sentiment qui retient un chef lorsqu'il s'agit de reconnaître les défaillances de sa troupe. C'est celui d'un père qui se voit contraint d'admettre les insuffisances de son fils, d'un mari obligé d'avouer la faiblesse de sa femme. Nous considérons comme normal, comme logique et honorable, qu'un supérieur soutienne ceux qui se trouvent sous ses ordres. Nulle pensée plus noble que d'être fier de ses hommes, comme d'avoir confiance en ses compatriotes. Mais le devoir doit primer toutes autres considérations, quoi qu'il en coûte, et dominer non seulement le respect humain, mais les sentiments les plus légitimes. Un fait bien connu d'ailleurs est à noter. Comme je l'écrivais à la Cour, chacun juge mieux des troupes d'un autre que de la sienne. À part le commandant du 10e corps lui-même, bien peu ont avoué avoir eu des doutes sur la valeur de celles qu'ils commandaient. C'est en quelque sorte inconscient. Et c'est vieux comme le proverbe : "On voit la paille et pas la poutre".

Moi-même, je n'ai nulle hésitation à confesser les illusions que j'avais à cet égard. J'étais persuadé que le Français, naturellement insouciant et frondeur, se ressaisirait aux heures graves, comme je l'avais toujours vu. Je ne me rendais pas compte du mal profond qu'avait causé dans notre mentalité la propagande ennemie ou défaitiste. Car, pour le domaine de la politique intérieure, c'est là qu'il faut en venir. Comme tout le monde, je connaissais les formules que j'aurais honte à répéter ici et qui nous ont fait tant de mal. Mais devant l'Allemand qui, une fois de plus, envahissait la France, tout cela n'allait-il pas s'évanouir comme cauchemar au réveil ?

Certaines dérfaillances graves et généralisées de la troupe ne se peuvent admettre sans celle des cadres. Si les officiers s'en vont, croyez-vous que leurs soldats demeureront et sauront se faire tuer s'il le faut à leur poste de combat ? Je sais que l'on me dira, pour y avoir moi-même longuement réfléchi. Ce n'était plus notre troupe du temps de paix où, même dans une armée nationale, il est possible de créer une atmosphère militaire spéciale. Certes, on n'échappe jamais entièrement à la tonalité générale de la nation. Mais dans l'armée active, d'une part la forte proportion des éléments de carrière, officers et sous-officiers, constitue un milieu particulier ayant sa mentalité propre. D'autre part, le contingent est fait d'hommes jeunes, encore malléables, presque tous célibataires, par conséquent moins liés à leurs milieux sociaux que ne le sont les chefs de famille. On sait les résultats obtenus par "l'esprit de corps" dans certaines troupes d'élite. Par contre le problème se transforme complètement en temps de guerre. Pour 900.000 hommes de l'active, nous en mobilisons un total de 5 millions. Pour les officiers, près de 100.000 appartenaient à la réserve pour une trentaine de mille de l'active. Sans doute il y a la mentalité du front. "Pourvu qu'ils tiennent, ceux de l'arrière !" Mais elle joue surtout dans les périodes d'opérations. Il est beaucoup plus difficle de maintenir très haut le moral au cours des longues accalmies. Travaux et même instruction ne tendent pas les esprits, encore moins le ressort des âmes, comme le fait la lutte. D'autre part, les permissions sont nécessaires, à titre de détente et pour permettre de reprendre contact avec les familles. Mais elles créent un courant constant entre l'intérieur et les armées, plus encore que les lettres, parce qu'on n'écrit pas tout ce qu'on dit et parce qu'on sait que les lettres sont lues. Bref, nous nous battons vraiment avec des nations en armes où les combattants assimilent et réfléchissent toutes les impressions du milieu national. Nous l'avons bien vu en mai 1917, au moment où les troubles graves éclatèrent parmi nos troupes, comme suite aux désillusions provoquées dans le pays par les attaques d'avril. Que serait-il arrivé si les Allemands avaient pris l'offensive au moment où il se sont produits ?

Et ces conditions de la troupe mobilisée sont spécialement sensibles dans les unités de formation, surtout dans celles faites des classes les plus anciennes - en l'espèce dans nos divisions de série B - où il n'y avait, à l'origine, que très peu de cadres actifs. Il eut fallu réaliser autant qu'il était possible un "amalgame", comme nous disions en termes militaires, prélevant officiers et sous-officiers sur les unités actives pour renforcer les autres. J'avais, dès le début de la campagne, comme je l'ai signalé, donné aux commandants d'armées tous les pouvoirs nécessaires. J'y insistais au cours de toutes mes inspections. Ce fut très bien réalisé dans l'armée des Alpes, par exemple ; et elle fit brillamment ses preuves lorsqu'elle fut attaquée par un adversaire très supérieur en nombre. En fut-il de même partout ? J'en ai douté, à lire la déposition même du commandant le 10e corps. Sans doute, les armées du Nord-Est ne se trouvaient pas constituées de façon aussi stable que celle du Sud-Est, en raison de l'intérêt qu'il y avait de faire passer successivement les divisions dans les seuls secteurs où l'on combattait. Et les commandants de corps d'armée hésitaient à se démunir de cadres actifs, en faveur de divisions qu'ils ne conserveraient pas. Or, c'était beaucoup à base des troupes de forteresse de l'Est que l'on devait opérer cet amalgame car les cadres actifs pouvaient plus facilement y être remplacés par des cadres de réserve. Il eût donc fallu, de la part du haut commandement, forcer les résistances locales. Dans quelle mesure l'a-t-il fait ?

Mais je crois que le débat dépasse ce problème technique. On peut être un officier déjà trop vieilli pour les nécessités de la guerre moderne sans, pour cela, en arriver à déserter le champ de bataille, ou à se désintéresser du dressage de sa formation. Une troupe peut se montrer peu apte à la manoeuvre, mais tenir ferme sa position. Voyez ce qu'ont donné certaines unités du Volksturm. Ce serait donc le moral qui aurait "flanché" ? Mais on ne me fera jamais croire que les Français aient à ce point perdu le sens du courage. Et ils ont bien prouvé depuis qu'il n'en était rien. Au lendemain même de notre première défaite, la presque totalité de nos troupes s'était ressaisie.

Il y a bien ce qu'a dit le général Touchon dans sa déposition : "j'ai eu l'impression très nette que les chefs d'entreprises ou les contremaîtres n'ont pas repris, dans la vie militaire, l'habitude et le goût du commandement qu'ils avaient perdus. C'est le gros défaut que j'ai pu constater autour de moi." Et cette opinion m'a rappelé le mot d'un officier, venu me voir fin mai 1940. Il me disait : "Mes officiers de réserve ? Sérieux. Mais beaucoup ne commandent plus ; ils discutent avec le syndicat." Il est certain qu'une partie de la bourgeoisie française n'avait pas su s'adapter aux conditions sociales du monde moderne et ne se rendait pas compte des formes que peut et doit y prendre l'autorité. Moralement, n'est-il pas plus facile de commander au nom de l'État que d'intérêts particuliers ?

En fait, le mal était plus profond. Il ne s'agissait pas de tel ou tel parti politique. Nous retrouvons ici le travail souterrain accompli dans la nation non seulement par ce qu'on appelle, depuis la révolution d'Espagne, la 5e colonne, mais par tout ce qui était d'avance défaitiste, par tous ceux que nous avons, peu après retrouvés au service de l'ennemi, tout au moins, prêts à s'incliner devant la force et accepter l'esclavage.

____________________________________________________
Gamelin, "Servir", tome I, Plon 1946 - pages 344-357
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Louis Capdeboscq
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 11:28

Je crois qu'il y a trois sujets distincts ici.

1. La 55e DI à Sedan

2. L'effondrement (supposé ou non) du moral français en général et ses causes

3. La thèse de Hitler manipulateur


Pour moi, les trois ont droit de cité mais devraient faire l'objet de fils distincts afin de ne pas polluer cette discussion ci. Je vais fainéantement laisser à Alain le soin de réorganiser cette discussion en créant les fils idoines, ce qui permettra de lui laisser la décision.

Je rappelle que les attaques personnelles sont interdites: quel que soit notre opinion sur les vues qu'on attribue (à tort ou à raison) à tel ou tel, nous sommes tenus de nous exprimer courtoisement et pas de s'étendre sur la fascination qu'exercerait telle ou telle doctrine, telle ou telle idéologie, telle ou telle unité, auprès de nos contradicteurs.
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takata
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 11:51

Salut Louis,

Louis Capdeboscq a écrit:

takata a écrit:
On voit que certaines se sont battues, mais bon, ça prouverait quoi par rapport à cette fameuse "débandade", qu'il y ait eu des combats ? - l'un et l'autre sont possibles, non ?

Il y a certainement eu combat. La référence sur le sujet, c'est le bouquin de Doughty "The Breaking Point" qui détaille bien les combats. Frieser le reprend dans ses chapitres idoines, en ajoutant de jolies cartes en couleur.
Ces deux-là, je les ai.
C'est "The Seeds of Disaster" de Doughty que je veux et ne trouve pas à moins de 200 €.

Je saute, jusque-là on est d'accord

Louis Capdeboscq a écrit:

takata a écrit:
Jusque-là donc, rien de très nouveau, surtout si l'on fait abstraction de la représentation du terrain, des berges escarpées du fleuve, de la densité des troupes et de l'artillerie françaises, qui même s'ils elles étaient très médiocres, n'auraient jamais dû permettre le franchissement de l'infanterie ennemie à cet endroit. En fait, on peut même dire que n'importe quelle unité française de dernière catégorie en 1918, avec son matériel de l'époque, l'aurait certainement empêché sans grande difficulté.

Justement, ça n'a rien d'évident.

La défense est étirée sur un front qui est quand même très large, les assaillants disposent d'une supériorité en puissance de feu considérable (tous ces canons de chars et anti-aériens qui prennent directement à partie les positions françaises), ainsi bien sûr que de la supériorité numérique: 3 divisions et un régiment tapent sur une division un peu diminuée.

L'artillerie française est neutralisée par le bombardement allemand, ce qui est probablement un facteur décisif. Voir la différence avec les combats de Hannut à Gembloux, par exemple.

Ben oui.

Mais c'est justement-là le problème qui conduit au drame de Sedan. La position n'est pas seulement une bonne position défensive à cause des bunkers et de la rivière, c'est surtout parce qu'elle est idéale pour l'artillerie (je suis allé sur place, et c'est vrai), et ce n'est pas du tout ce qui manquait dans le camp Français.

Il y avait plus de 200 pièces dans le secteur des 55e et 71e, dont un gros paquet de 155 longs... jamais les Allemands ne seraient passé en 1918 parce que si tu remplaces les stukas par l'équivalent en densité de feu d'artillerie, ça n'aurait jamais fait détaler personne.

Ben ensuite, c'est certain que les bunkers sans la couverture de l'artillerie, ce n'est plus suffisant pour arrêter les Allemands. Donc, fallait pas que les artilleurs s'en aillent et s'était réglé.

Olivier
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Gerald
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 12:04

takata a écrit:

jamais les Allemands ne seraient passé en 1918 parce que si tu remplaces les stukas par l'équivalent en densité de feu d'artillerie, ça n'aurait jamais fait détaler personne.

Question sans doute de neophyte, densite de feu certes mais precision ?
L'avantage du stuka n'est il pas de voir sa cible ?

A mon sens, si l'artillerie recoit des coordonnees a traiter et que la cible se deplace de 200-300m, les obus tomberons a cote, un stuka verra sa cible et l'attaquera la ou elle se trouve reellement.
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takata
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 12:28

Gerald a écrit:
takata a écrit:

jamais les Allemands ne seraient passé en 1918 parce que si tu remplaces les stukas par l'équivalent en densité de feu d'artillerie, ça n'aurait jamais fait détaler personne.

Question sans doute de neophyte, densite de feu certes mais precision ?
L'avantage du stuka n'est il pas de voir sa cible ?

A mon sens, si l'artillerie recoit des coordonnees a traiter et que la cible se deplace de 200-300m, les obus tomberons a cote, un stuka verra sa cible et l'attaquera la ou elle se trouve reellement.

Bonjour Gerald,

Euh non... en piqué à plus de 700 km/h, on ne voit pas grand chose, pour sûr, surtout qu'au sol, les cibles sont petites et souvent camouflées. D'autre part, l'artillerie fait des tirs de saturation en batterie, et c'est très précis, même d'après la carte (sans voir la cible, donc).

Même aujourd'hui, c'est toujours très problématique d'arriver à utiliser efficacement l'aviation pour l'attaque au sol.

Olivier
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 12:37

Des colonnes de blindés ont été stoppées par le feu de l'artillerie Française ... tant qu'elle tirait !

Pour ce qui est du sujet de ce fil , je n'ai qu'un commentaire a faire : regardez donc le titre du fil .
Il n'est nulle part question ici de traiter de Hitler , de l'effondrement du moral des troupes françaises , mais uniquement de la 55e DI , des positions defensives dans le secteur de Sedan / Bulson , et des combats qui y ont eu lieu .

Alain
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 13:09

takata a écrit:
Mais c'est justement-là le problème qui conduit au drame de Sedan. La position n'est pas seulement une bonne position défensive à cause des bunkers et de la rivière, c'est surtout parce qu'elle est idéale pour l'artillerie (je suis allé sur place, et c'est vrai), et ce n'est pas du tout ce qui manquait dans le camp Français.

Oui, mais pour une fois ce n'est pas l'infanterie "le maillon faible" c'est justement l'artillerie. Elle commence par économiser ses munitions (pas de tirs de harcèlement sur les colonnes allemandes qui arrivent jusqu'à l'assaut), ensuite elle est neutralisée par la Luftwaffe. Et pour terminer, il y a Huntziger qui met la cerise sur le gâteau en faisant cesser les tirs de flanquement qui gênaient la traversée de la 10e panzer No

Mais il y a aussi faiblesse du dispositif en général - pas assez de troupes pour tenir le terrain - et de la conduite de la bataille: une défense linéaire qui manque de profondeur, pas assez de connaissance du terrain, et surtout les troupes qui se battent entièrement dans leurs abris.

takata a écrit:
Il y avait plus de 200 pièces dans le secteur des 55e et 71e, dont un gros paquet de 155 longs... jamais les Allemands ne seraient passé en 1918 parce que si tu remplaces les stukas par l'équivalent en densité de feu d'artillerie, ça n'aurait jamais fait détaler personne.

Oui mais justement, quel est "l'équivalent en densité de feu d'artillerie" d'une attaque de Stukas ? Le bombardement ça balance beaucoup d'explosifs en peu de temps, un peu comme un tir de roquettes, ce qui le rend plus efficace en termes de neutralisation que la même quantité d'obus tirés progressivement.

Par ailleurs, il y a l'effet moral de la première exposition aux Stukas, qu'on retrouve à peu près partout. Les artilleurs de Sedan ne sont nullement l'exception ici.

takata a écrit:
Ben ensuite, c'est certain que les bunkers sans la couverture de l'artillerie, ce n'est plus suffisant pour arrêter les Allemands. Donc, fallait pas que les artilleurs s'en aillent et s'était réglé.

Ah, tout à fait Thierry ! Laughing Donc finalement tu es d'accord avec la thèse traditionnelle: la France a perdu la bataille de Sedan, donc la campagne, donc la guerre [je fais dans le style gaullien, là] parce que ses soldats se sont déballonnés et sont partis en courant. La seule différence c'est que tu sauves à peu près l'honneur des fantassins (ce qui semblait être le but de l'article d'Alain) puisque ce sont les artilleurs qui se sont enfuis. Les fantassins, eux, se sont rendus sans bouger de leurs blockhaus, c'est plus noble... pirat
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 13:20

Je viens de créer un fil spécifique pour la discussion sur le moral des troupes françaises ou l'effondrement en général, afin de dédier celui-ci aux combats de la 55e DI à Sedan.

https://atf40.1fr1.net/batailles-et-campagnes-f27/l-effondrement-francais-t554.htm#3588

Dans ce fil, nous ferions mieux d'en rester à la 55e DI et Sedan, les déroutes etc. Je ne rebondis donc que sur ces points:

takata a écrit:
On voit que certaines se sont battues, mais bon, ça prouverait quoi par rapport à cette fameuse "débandade", qu'il y ait eu des combats ? - l'un et l'autre sont possibles, non ?


Il y a certainement eu combat. La référence sur le sujet, c'est le bouquin de Doughty "The Breaking Point" qui détaille bien les combats. Frieser le reprend dans ses chapitres idoines, en ajoutant de jolies cartes en couleur.

Doughty a ses propres faiblesses, notamment son livre est écrit au milieu des années 1980 donc au moment où l'armée US adopte l'Airland Battle. Il en résulte une vision très téléologique de la doctrine: en gros, le "progrès" c'est l'Airland Battle, donc on peut identifier une sorte d'échelle de développement qui va de Cro-Magnon à l'armée US. Sur cette échelle, la guerre-éclair est supérieure à la guerre des tranchées, donc les Allemands qui pratiquent la blitzkrieg sont supérieurs aux Français qui font de l'attrition relativement statique à base d'artillerie. Le livre de Doughty est donc biaisé sur ce plan là: les Français y passent un examen de blitzkrieg et, comme on pouvait s'y attendre, le ratent... Cool

En revanche, on y trouve de bonnes descriptions des combats et notamment un certain nombre de facteurs qui illustrent bien les mentalités différentes de part et d'autre. Le succès allemand est acquis par de l'infanterie d'élite, dont les membres savent faire preuve d'initiative et se comportent de manière très agressive, même lorsque leur unité a été décimée. Au contraire, les Français se battent dans leurs blockhaus (je sais, on dit "bloc" mais dire qu'on se bat dans un bloc de béton ça fait un peu "victime de la Mafia" Razz ) et n'envisagent pas d'en sortir. Le résultat c'est que quand un bloc est réduit par des tirs d'embrasure et encerclé par de l'infanterie allemande, le combat cesse.

Le résultat c'est que les Allemands arrivent à réduire progressivement la position, bloc par bloc. Ce qui est intéressant, soit dit en passant, c'est que les défenses françaises à d'autres endroits étaient bâties exactement sur le même modèle et auraient pu être réduites de la même manière, quoique pas forcément aussi vite.

Un deuxième facteur dans le résultat c'est le rôle des chefs. Le colonel Balck qui mène ses fantassins d'élite est partout, et c'est grâce à lui que l'assaut se poursuit jusqu'à une position que les Français n'imaginaient même pas qu'elle pût être atteinte. Sans son action, ses troupes épuisées se seraient arrêtées plus tôt. Rien de comparable côté français, d'une part parce que la 55e DI est une unité de mauvaise qualité donc il ne faut pas s'attendre à trouver des chefs archi-pêchus, d'autre part parce que le système français n'encourage pas l'action des chefs individuels à cette époque. On trouve la même influence décisive du commandement au niveau supérieur: Guderian est très actif et son action est déterminante pour faire accélérer la bataille, tandis que côté français on ne peut pas dire que ni Grandsart ni Huntziger se soient rendus très utiles.

Le troisième facteur est la neutralisation du gros de la puissance de feu française par les Stukas. J'ai déjà écrit sur ce thème dans un autre post de ce fil, au sujet des schémas mentaux: les Stukas sont efficaces parce qu'ils sont une menace contre laquelle la cible n'a pas été préparée. Ces artilleurs ne s'attendent pas à se faire assommer par des bombardements massifs, donc quand ça arrive ils lâchent. On trouve une étude des mécanismes dans le livre de Crémieux-Brilhac, ce n'est pas inintéressant. A noter que tous les combattants de 1940 s'accordent pour dire que les attaques aériennes à base de bombardiers en piqué sont très stressantes, surtout les premières fois.

takata a écrit:
Jusque-là donc, rien de très nouveau, surtout si l'on fait abstraction de la représentation du terrain, des berges escarpées du fleuve, de la densité des troupes et de l'artillerie françaises, qui même s'ils elles étaient très médiocres, n'auraient jamais dû permettre le franchissement de l'infanterie ennemie à cet endroit. En fait, on peut même dire que n'importe quelle unité française de dernière catégorie en 1918, avec son matériel de l'époque, l'aurait certainement empêché sans grande difficulté.


Justement, ça n'a rien d'évident.

La défense est étirée sur un front qui est quand même très large, les assaillants disposent d'une supériorité en puissance de feu considérable (tous ces canons de chars et anti-aériens qui prennent directement à partie les positions françaises), ainsi bien sûr que de la supériorité numérique: 3 divisions et un régiment tapent sur une division un peu diminuée.

L'artillerie française est neutralisée par le bombardement allemand, ce qui est probablement un facteur décisif. Voir la différence avec les combats de Hannut à Gembloux, par exemple.

A côté d'indéniables erreurs du commandement local - les bataillons sont enlevés du front pour partir à l'entraînement, mais ne reprennent pas leurs anciennes positions, avec pour résultat que les fantassins français "venaient d'arriver" sur les positions qu'ils allaient devoir défendre alors que leur division tenait le même secteur depuis des mois Rolling Eyes il y en a qu'on retrouve un peu partout dans l'armée. Par exemple le fractionnement perpétuel des unités: ça peut être un signe de flexibilité (comme dans le Corps Expéditionnaire Français en Italie) mais lorsque la cohésion de la troupe est insuffisante - comme c'est le cas au sein de la 55e DI - c'est un gage de faiblesse. Ce fractionnement se retrouve à d'autres niveaux: la 55e DI aborde sa bataille principale avec près du tiers de ses forces désorganisées par les combats préliminaires au nord de sa position. Là encore, insuffisante préparation et incohérence de la planification ont conduit à un morcellement qui a coûté très cher.
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 18:38

Merci Louis , d'avoir coupé le fil en plusieurs parties .

Petite remarque par rapport a ton dernier post :
"Ce fractionnement se retrouve à d'autres niveaux: la 55e DI aborde sa bataille principale avec près du tiers de ses forces désorganisées par les combats préliminaires au nord de sa position. Là encore, insuffisante préparation et incohérence de la planification ont conduit à un morcellement qui a coûté très cher."
Quand tu parles de combats préliminaires au nord de sa position , est ce que tu fais reference au bataillon du 295e et au 64e GRDI detachés a la 5e DLC ? Si oui , un tiers c'est peut etre beaucoup ... Un dixieme serait plus juste , meme si on considere le regiment detaché en reserve de corps , car d'autres unités sont rattachées a la division ( 147e RIF et 10e BM par exemple ) .

Alain
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 18:41

Louis Capdeboscq a écrit:

Ah, tout à fait Thierry ! Laughing Donc finalement tu es d'accord avec la thèse traditionnelle: la France a perdu la bataille de Sedan, donc la campagne, donc la guerre [je fais dans le style gaullien, là] parce que ses soldats se sont déballonnés et sont partis en courant. La seule différence c'est que tu sauves à peu près l'honneur des fantassins (ce qui semblait être le but de l'article d'Alain) puisque ce sont les artilleurs qui se sont enfuis. Les fantassins, eux, se sont rendus sans bouger de leurs blockhaus, c'est plus noble... pirat

En effet ... Sauf que ces memes fantassins ont participé a la contre-attaque du Xe corps , en appui des 4e et 7e BCC .

Alain
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyLun 11 Fév 2008 - 18:51

En passant ( non , pas par la Lorraine ) , vous trouverez une numérisation de la zone de Sedan d'apres cartes Michelin d'epoque ici :
http://www.atf40.fr/ATF40/echange/bulson/bulson3.jpg

Cela peut eventuellement aider a se replacer dans le contexte geographique vis a vis d'un texte .

Ici , une carte de Frieser , concernant les positions de la 55e , le 13 mai .
http://www.atf40.fr/ATF40/echange/bulson/Positions%20de%20la%2055e%20DI%20au%2013%20mai%2040%20Freiser%202.jpg

Enfin , ici , une autre carte de Frieser , concernant l'evolution des positions et les tentatives de colmatages du 14 mai :
http://www.atf40.fr/ATF40/echange/bulson/Combats%20de%20Bulson%2014%205%2040%20Freiser.jpg
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMar 12 Fév 2008 - 6:13

Louis a écrit:

takata a écrit:

Il y avait plus de 200 pièces dans le secteur des 55e et 71e, dont un gros paquet de 155 longs... jamais les Allemands ne seraient passé en 1918 parce que si tu remplaces les stukas par l'équivalent en densité de feu d'artillerie, ça n'aurait jamais fait détaler personne.
Oui mais justement, quel est "l'équivalent en densité de feu d'artillerie" d'une attaque de Stukas ? Le bombardement ça balance beaucoup d'explosifs en peu de temps, un peu comme un tir de roquettes, ce qui le rend plus efficace en termes de neutralisation que la même quantité d'obus tirés progressivement.

Par ailleurs, il y a l'effet moral de la première exposition aux Stukas, qu'on retrouve à peu près partout. Les artilleurs de Sedan ne sont nullement l'exception ici.
Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. Au contraire, il y a de multiples rapports qui disent que les effets des bombardements aériens visant des troupes enterrées sur leurs positions ont été très décevants et qu'ils ont été très largement surestimés.
Les soldats se rendent très vite compte qu'ils sont bien protégés des bombes qui n'ont, ni la précision, ni la densité des préparations d'artillerie. Les pertes, d'ailleurs, sont sans commune mesure entre les deux. Et Sedan ne fait pas exception à cette règle. En fait, c'est bien plus impressionant pour l'observateur qui s'imagine que rien ne peut y résister. Les bombardements aériens produisent cet effet de choc surtout chez les troupes en mouvement, parce qu'elles ne se sentent à l'abri nulle part, et provoquent surtout des ravages dans les équipages hypomobiles en tuant ou dispersant les animaux.

Le bombardement aérien, s'il est fait en vol horizontal, produit une grande dispersion, et s'il est fait en piqué, il n'a plus de densité. La solution, c'est le "carpet-bombing" avec des centaines d'avions, aile dans aile, qui larguent en même temps sur un vaste objectif. Autant dire que ce n'est pas pratique si l'on a ses propres troupes à proximité et que c'est bien au dessus des moyens allemands en 1940. D'autre part, le nombre de sortie des Stukas sur Sedan est de moins de 20% du total.

Olivier
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMar 12 Fév 2008 - 6:44

Un autre détail au sujet de l'infanterie.
Louis dit que les troupes françaises ont combattu dans leurs bunkers et que c'était une erreur.
Je dirai que c'est ce qu'elles devaient faire, se battre dans de leurs casemattes sans en sortir car elles n'étaient ni assez nombreuses, ni assez entraînées pour une autre forme de combat.
L'erreur du côté français, c'était de ne pas disposer de réserves mobiles pour contre-attaquer les sections allemandes qui s'infiltraient dans le réseau défensif, à défaut de pouvoir coopérer avec l'artillerie, faute de liaisons ou d'artilleurs à leur poste. D'ailleurs, avec des troupes mieux équipées, des mortiers auraient tout aussi bien fait l'affaire et neutralisé les infiltrations allemandes.

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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMar 12 Fév 2008 - 13:26

takata a écrit:
Donc, "Mein Kampf" et "Hitler", c'était bien tenté... mais ils sont totalement hors sujet.
Z'avez un petit bout de source pour soutenir tout cela ?
Le coup du Feldwebel Rubarth, qui gagne a guerre a lui tout seul, mis a part generer quelque bonne humeur, necessiterait un peut d'elaboration, non ?
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMar 12 Fév 2008 - 15:52

Salut Olivier,

Sur le bombardement:

takata a écrit:
Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. Au contraire, il y a de multiples rapports qui disent que les effets des bombardements aériens visant des troupes enterrées sur leurs positions ont été très décevants et qu'ils ont été très largement surestimés.

On ne parle pas de la même chose. Moi je parle de l'effet moral sur des troupes qui n'ont pas l'habitude de ce genre de choses. J'ai croisé plein de témoignages, à tous les niveaux, qui soulignent que la troupe est très "impressionnée" par les bombardements, surtout en piqué, et que cet effet est sans commune mesure avec les dégâts physiques à proprement parler.

Or l'artillerie lourde c'est largement une arme de réservistes, dont le commandement s'inquiète un peu du complexe d'infériorité par rapport à l'active. Début 1940, on estime que l'écart commence à se résorber mais que ce n'est pas gagné, et on vire plein de cadres pour faire bonne mesure.

Là comme ça, de tête, je ne sais pas si l'artillerie supplémentaire déployée derrière la position de Sedan était de réserve ou pas, et si oui de laquelle. Je pourrais évidemment regarder l'OdB et comparer ça avec Kauffer ou autres mais comme je suis sûr qu'Alain a déjà fait ce travail, je préfère lui laisser apporter cette précision, c'est moins fatigant Cool

Mais si je ne m'abuse, c'est de l'artillerie composée de réservistes peu entrainés et donc particulièrement vulnérables à ce type d'attaque. A noter que même pendant la bataille de Gembloux, donc avec des unités d'active, le commandant d'un des régiments d'artillerie finit par réclamer qu'on donne une mission de tir à ses groupes dont le moral s'effrite à force de se faire assommer par les Stukas sans riposter.

Ce que tu fais valoir, toi, c'est que l'effet physique du bombardement est très limité, c'est en ça qu'il est "décevant". Et tu as raison d'ailleurs: contre une troupe qui ne se laisse pas impressionner, l'aviation ce n'est que de l'artillerie volante donc il en faut énormément pour produire un résultat de destruction. Mais moi je ne parlais pas de destruction (les pertes sont très supportables, tout le monde le souligne) mais de neutralisation.


Sur l'infanterie:

takata a écrit:
Louis dit que les troupes françaises ont combattu dans leurs bunkers et que c'était une erreur.
Je dirai que c'est ce qu'elles devaient faire, se battre dans de leurs casemattes sans en sortir car elles n'étaient ni assez nombreuses, ni assez entraînées pour une autre forme de combat.

Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai écrit. L'erreur n'est pas d'avoir des casemates ni d'utiliser les moyens dont on dispose (!), l'erreur c'est la mentalité du béton selon laquelle le combat défensif se fait obligatoirement à l'intérieur des blocs.

Au lieu de s'en servir comme de n'importe quel autre couvert, c'est à dire qu'on y va si on peut, on l'abandonne si on le doit, le y retourne si ça redevient possible, et une mixture des deux le cas échéant, l'infanterie combat tout le temps dans les blocs. Elle ne sort jamais, et elle ne semble même pas vraiment l'envisager.

Le résultat c'est que les Allemands ont eu des mois pour réfléchir à comment on attaque un bunker (les Français aussi d'ailleurs, et ils commençaient à développer des choses intéressantes sur le sujet) donc sur le point d'attaque ils ont amené tout ce qu'il fallait comme ouvre-boites.

A ce moment là, les troupes françaises se comportent comme des équipages de la Ligne Maginot et n'ont pas l'idée de continuer le combat hors des blocs, encore moins de quitter lesdits blocs (ne serait-ce qu'avec une partie de l'effectif) en cas d'infiltration ennemie.

Alors effectivement, on ne peut pas parler de défaillance de l'infanterie française parce que ceux qui se sont sauvés comme des lapins c'étaient ceux de l'arrière et des artilleurs, tandis que les fantassins qui "défaillaient" levaient les mains à la porte de leurs ouvrages, mais ça revient au même.

Autre point, cette fois plus pour Alain que pour toi: il y a une différence entre "laver l'honneur" de telle ou telle catégorie de troupes en démontrant qu'elle s'est battue, et discuter de l'efficacité de l'effort consenti. Je ne mets pas cet effort en doute, personnellement, mais je ne le trouve pas très efficace.
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMar 12 Fév 2008 - 16:05

Daniel Laurent a écrit:
Z'avez un petit bout de source pour soutenir tout cela ?
Le coup du Feldwebel Rubarth, qui gagne a guerre a lui tout seul, mis a part generer quelque bonne humeur, necessiterait un peut d'elaboration, non ?

Olivier en bon méridional en rajoute une couche, mais le fameux sous-off qui, s'il n'a pas gagné la bataille à lui tout seul, a certainement fait la différence entre une réussite spectaculaire et un échec cinglant dans le secteur de la 10e panzer, a réellement existé.

On trouve plus de détails dans tous les ouvrages traitant de cette bataille, parmi ceux qui sont récents il y a "The Breaking Point" par Doughty, déjà mentioné plein de fois dans le fil, le livre de Frieser dans le chapitre sur Sedan (qui reprend Doughty, là encore on en a déjà parlé ici), et tous ceux qui reprennent l'un ou l'autre.

Ces références sont déjà largement exposées dans la section idoine du forum, la plupart sont encore disponibles, donc il suffit d'en commander une (p.ex. Frieser) pour se faire une bonne idée des combats sur la Meuse.
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMar 12 Fév 2008 - 19:15

Louis Capdeboscq a écrit:

Là comme ça, de tête, je ne sais pas si l'artillerie supplémentaire déployée derrière la position de Sedan était de réserve ou pas, et si oui de laquelle. Je pourrais évidemment regarder l'OdB et comparer ça avec Kauffer ou autres mais comme je suis sûr qu'Alain a déjà fait ce travail, je préfère lui laisser apporter cette précision, c'est moins fatigant Cool
"ça va viendre" avec moults détails Smile

Louis Capdeboscq a écrit:

A ce moment là, les troupes françaises se comportent comme des équipages de la Ligne Maginot et n'ont pas l'idée de continuer le combat hors des blocs, encore moins de quitter lesdits blocs (ne serait-ce qu'avec une partie de l'effectif) en cas d'infiltration ennemie.
J'imagine que tu parles ici des troupes du 147e RIF ... qui etait de forteresse , pas des régiments de la 55e DI .

Louis Capdeboscq a écrit:

Autre point, cette fois plus pour Alain que pour toi: il y a une différence entre "laver l'honneur" de telle ou telle catégorie de troupes en démontrant qu'elle s'est battue, et discuter de l'efficacité de l'effort consenti. Je ne mets pas cet effort en doute, personnellement, mais je ne le trouve pas très efficace.
Nous verrons ou ces recherches aboutiront , car je pense que je vais soulever un point qui n'a encore jamais été evoqué dans aucun livre sur le sujet . Je creuse , je creuse ... Si je pouvais avoir le bonheur de tomber sur le JMO de la 5e DLC ( ça va etre le sujet de mon prochain voyage a Vincennes, je pense ) , ainsi que des rapports de l'ALCA du Xe corps , si cela colle avec mon intuition , je risque d'aboutir a une conclusion pour le moins innatendue sur le sujet . A suivre ...
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 5:13

Bonjour,

Bon, revenons à nos moutons bombardés après ce court mais sympatique interlude.

Louis a écrit:

Sur le bombardement:
takata a écrit:

Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. Au contraire, il y a de multiples rapports qui disent que les effets des bombardements aériens visant des troupes enterrées sur leurs positions ont été très décevants et qu'ils ont été très largement surestimés.

On ne parle pas de la même chose. Moi je parle de l'effet moral sur des troupes qui n'ont pas l'habitude de ce genre de choses. J'ai croisé plein de témoignages, à tous les niveaux, qui soulignent que la troupe est très "impressionnée" par les bombardements, surtout en piqué, et que cet effet est sans commune mesure avec les dégâts physiques à proprement parler.

Si si, nous parlons bien de la même chose, c'est-à-dire, des effets des bombardements qui sont au moins de deux ordres : physique et moral. Mon raisonnement est le suivant lorsque je me pose cette question : un bombardement d'aviation en mai 1940 produit-il un effet supérieur à celui d'une préparation d'artillerie en 1918 ?

En quelque sorte, il s'agit de s'interroger sur la réalité de ce qu'est un bombardement aérien et de la comparer avec une préparation d'artillerie. Concernant les effets sur le moral, il y a une abondante littérature sur la première guerre mondiale qui décrit avec moultes détails les effets dévastateurs de ces préparations qui durent parfois plusieurs jours et rendent fous les soldats. On peut alors se rendre compte que tout ce qu'on attribue aux effets des bombardements aériens de 1940 se produisaient déjà puissance dix lors d'une bonne concentration d'artillerie en 1918.

En quoi donc les bombardements aériens de 1940 apporteraient-ils quelque chose de nouveau - même du point de vue de l'effet de surprise - puisque pendant l'entre-deux guerre, cette question a complètement monopolisé l'attention aussi bien des état-majors que des médias et de l'opinion publique ? En gros, on en a déjà fait tout un fromage car on a déjà décortiqué tous les bombardements d'Espagne et de Pologne, etc. Donc, il n'y a rien de vraiment très étonnant pour la troupe qu'en cas de guerre des avions ennemis puissent venir la bombarder.

Or, il se trouve que l'effet réel sur les troupes qui sont bombardées est très largement inférieur à celui que l'on imaginait, même si les observateurs ont pu être impressionnés. Dans cet effet, on intègre évidemment aussi bien l'effet moral que l'effet physique. Les rapports disent unanimement que les troupes s'habituent très bien à recevoir des bombes d'avion, alors qu'en général, elles ne s'habituent jamais à recevoir des obus d'artillerie sur la tête parce que leurs chances de survie sont infiniment plus faible. La conclusion c'est que les bombardements aériens représentent plus une nuisance qu'autre chose.

Ce qui ne contredit pas les rapports qui disent que les dégâts provoqués par une attaque aérienne ne sont pas proportionnels au bruit qu'elle produit car c'est-là le constat d'un observateur. Il se trouve aussi que n'importe quelle troupe qui est soumise à un bombardement, quel qu'en soit le mode, n'a pas d'autre choix que d'attendre en serrant les dents qu'il soit terminé ; elle est, de ce fait, complètement neutralisée pendant toute la durée de celui-ci. Elle ne peut ni bouger ni fuir. Les effets se mesurent ensuite au temps que la troupe met à retrouver ses esprits et reprendre sa place au combat. Or, toutes les troupes sont impressionnées la première fois qu'elles sont bombardées, que ce soit par des avions ou par de l'artillerie.

Comment donc alors comparer, pour une troupe qui n'a jamais été bombardée, deux effets qu'elle ne connaît pas ? Le premier bombardement sera forcemment terrible, et d'autant plus terrible que la troupe y aura été le moins préparée. Puis le prochain bombardement sera d'autant plus craint qu'il aura provoqué le plus de pertes et de destructions. Et dans ce cas-là, l'artillerie sera bien plus crainte qu'un bombardement aérien, d'après ce qu'en disent tous les rapports.

De ce fait, mon raisonnement se tient : une troupe de 1918 n'aurait jamais lâché prise sous l'effet d'un bombardement aérien du type mai 1940 à Sedan parce qu'elle ne lâchait pas prise sous des préparations d'artillerie qui étaient bien plus terribles.

Nos chefs, qui avaient tous faits la guerre précédente, sachant que nos troupes avaient subit le feu sans trop broncher, ne se doutaient pas que celles-ci ne seraient plus en mesure de le supporter lors de cette guerre-ci. D'ailleurs, dans une très large mesure, ils avaient raison puisque nos troupes ont parfaitement été en mesure de supporter le feu lors de cette campagne... Pourtant, il se trouve qu'une partie de celles qui tenaient les hauteurs de la Marne derrière Sedan ont été "surprises" comme on dit pudiquement dans le jargon militaire.

Or, bien entendu, il y a des milliers de raisons qui peuvent expliquer pourquoi elles ont été "surprises", mais aucune ne l'expliquera par un simple phénomène provoqué par l'usage de l'aviation au lieu d'une classique préparation d'artillerie. En effet, il y a environ 100% de chance pour que ces mêmes troupes n'aient pas non plus resisté ce jour-là à une classique préparation d'artillerie.

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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 9:49

takata a écrit:
De ce fait, mon raisonnement se tient : une troupe de 1918 n'aurait jamais lâché prise sous l'effet d'un bombardement aérien du type mai 1940 à Sedan parce qu'elle ne lâchait pas prise sous des préparations d'artillerie qui étaient bien plus terribles.

Oui, enfin comparer des vétérans avec des troupes qui n'ont pour l'essentiel jamais vu le feu, ce n'est pas très significatif. Il ne fait aucun doute que la même troupe aurait beaucoup mieux tenu si elle avait déjà été bombardée: le problème (qui est identifié par les Français) c'est la première exposition aux bombardements aériens, surtout en piqué, qui est toujours très éprouvante et parfois dévastatrice.

A noter que les vétérans de 14-18 disent à peu près tous qu'un gros bombardement aérien est plus dur à supporter que l'artillerie de la Grande Guerre dans leur souvenir. Mais là ça ne veut rien dire (la mémoire humaine a tendance à édulcorer) à part pour confirmer l'impact de cette première exposition.

Des soldats français de juin 40, ou devant Dunkerque, auraient mieux tenu aussi: le problème était de gérer ce premier choc ce que le commandement n'a pas fait. A noter aussi que le premier choc n'a pas toujours été dévastateur: cf. le secteur de la 1ère Armée composée, il est vrai, de troupes plus jeunes et mieux encadrées.
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 10:27

Certainement qu'une bonne partie des troupes de 1918 n'avait jamais subi de bombardement non plus et du point de vue des classes d'âge, ne valaient sans doute pas mieux qu'une série B de 1940, mais ce n'était pas le cas de l'encadrement qui était aguerri. C'est là que peut se faire toute la différence, d'après moi.

Je reste tout de même très sceptique sur l'explication "Sedan, c'est à cause des stukas". Les troupes en Belgique étaient en mouvement et elles n'étaient pas enterrées comme celles de Sedan ; recevoir un bombardement sur une position forte, préparée en temps de paix et consolidée depuis 8 mois, ça n'a rien à voir avec se faire attraper en pleine nature ; il n'y a qu'à voir à Bir Hakeim et la Brigade n'était pas tellement aguerrie non plus mais elle était solidement encadrée.

Que le bombardement soit décrit comme terrible, ok, mais ensuite ? Les troupes ne se sont pas débandées pendant que l'aviation attaquait, et après son départ, elles ne risquaient plus grand chose où elles se trouvaient. Donc, le problème dépasse largement celui des Stukas.

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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 11:36

Je viens de téléporter les remarques de François et Daniel, ainsi que mes réponses et celles d'Olivier, vers un fil dédié:

https://atf40.1fr1.net/batailles-et-campagnes-f27/les-chemins-qui-ont-mene-a-sedan-t556.htm#3653

Ce nouveau fil sera consacré à la discussion de ce qui a donné lieu à la bataille telle que nous la connaissons, que ce soit le manque de bol, le génie hitlérien, l'incompétence française, les pluies de grenouilles etc.

Ici, la discussion portera uniquement sur le déroulement de la bataille stricto sensu.

Pensez à mettre à jour vos "surveiller les réponses de ce sujet" pour ceux qui le font.
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 15:38

takata a écrit:
Je reste tout de même très sceptique sur l'explication "Sedan, c'est à cause des stukas". Les troupes en Belgique étaient en mouvement et elles n'étaient pas enterrées comme celles de Sedan ; recevoir un bombardement sur une position forte, préparée en temps de paix et consolidée depuis 8 mois, ça n'a rien à voir avec se faire attraper en pleine nature ; il n'y a qu'à voir à Bir Hakeim et la Brigade n'était pas tellement aguerrie non plus mais elle était solidement encadrée.

Bah, c'est l'éternelle question de quelle est la goutte d'eau qui fait déborder le vase: en Belgique les troupes bombardées ne sont pas en mouvement, elles ne sont pas dans des positions enterrées mais elles sont de bonne qualité et bien encadrées. Sur le plan moral, elles s'attendent à affronter la crème de la Wehrmacht alors que la 55e DI semble plutôt avoir tiré la planque.

A Bir Hakeim il n'y a pas assaut dans la foulée, et les troupes ont déjà subi des bombardements, savent ce que c'est que les Stukas etc. Il y en a eu plein les actualités après tout. Ceux de Bir Hakeim sont tellement imprégnés de l'idée que les fantassins de 1940 se sont sauvés qu'ils vont vraiment chercher à ne pas en faire autant (c'est valable pour les suivants aussi).

takata a écrit:
Que le bombardement soit décrit comme terrible, ok, mais ensuite ? Les troupes ne se sont pas débandées pendant que l'aviation attaquait, et après son départ, elles ne risquaient plus grand chose où elles se trouvaient. Donc, le problème dépasse largement celui des Stukas.

Faut croire qu'elles ont été démoralisées par les Stukas et que dès que le feu ne les a plus clouées au sol elles en ont profité pour se sauver, mais là c'est Alain et Eric les experts et pas moi.
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 16:42

Juste une chose : N'oubliez pas les ordres de repli qui sont rapportés dans tous les temoignages .
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MessageSujet: Re: 55e DI à Sedan   55e DI à Sedan - Page 2 EmptyMer 13 Fév 2008 - 17:17

Je retrouve un peu de temps, donc quelques réponses à Alain vite fait.

alain adam a écrit:
En effet ... Sauf que ces memes fantassins ont participé a la contre-attaque du Xe corps , en appui des 4e et 7e BCC

Tu veux dire qu'il y a des troupes qui ont combattu l'attaque allemande et participé à la contre-attaque ? Je croyais que l'infanterie provenait uniquement du 213e RI, en réserve ?

alain adam a écrit:
Louis Capdeboscq a écrit:

A ce moment là, les troupes françaises se comportent comme des équipages de la Ligne Maginot et n'ont pas l'idée de continuer le combat hors des blocs, encore moins de quitter lesdits blocs (ne serait-ce qu'avec une partie de l'effectif) en cas d'infiltration ennemie.
J'imagine que tu parles ici des troupes du 147e RIF ... qui etait de forteresse , pas des régiments de la 55e DI .

La capture du gros bunker dans le secteur de la 1. Panzerdivision et de ceux qui sont autour, en face c'est bien le II/295e RI de la 55e DI, non ?

Soit dit en passant, le 147e RIF il n'était pas sous le commandement de la 55e DI ? Je me souviens que Doughty consacre un morceau de chapitre à ses faiblesses spécifiques mais j'ai oublié la conclusion sur ce point, si tant est que c'est mentionné.

De la même manière, l'assaut qui finit par réussir avec une poignée de fantassins (certes d'élite) de la 10e panzer, c'est bien face au 331e RI, non ?

En ce qui concerne la dispersion des troupes, tu as raison j'ai sans doute exagéré. Si je résume, et sauf erreur de ma part, la 55e DI a 9 bataillons dans ses 3 régiments (un régiment est en réserve, mais il y a le 147e RIF que je compte dans le total) plus le 11e BM plus le GRD, donc 11 bataillons dont un est en réserve (en plus du 213e RI).

Le jour fatidique, elle a perdu le GRD et le bataillon envoyé sur la Sémois donc ça fait 20% hors de combat avant le "vrai" combat et pas un tiers.
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