55e DI à Sedan

La 71ème division était initialement en réserve de CA. Elle a été inserrée dans la défense le 12 mai... Sans raccourcir les défenses de la 55ème DI, (hormis le secteur de Pont-Maugis ?). En fait, elle a pris la place de la IIIème DINA, ce qui était absurde.

Bonjour,

Voici la partie action sur le moral :

Général C. GRANDSARD a écrit:

2) Action sur le moral :

Le maintien du moral de la troupe, ou, pour mieux dire, son élévation, a été l'objet d'une action continue du commandement.
Cette action s'est particulièrement exercée dans les directions suivantes :
- l'attention apportée à ce que toutes les journées soient occupées : ou l'on travaille sur la position, ou l'on s'instruit; la nuit seule procure à l'homme le loisir;
- les soins apportés par les officiers de tous grades à la condition matérielle des hommes :nourriture, logement.

Il est inutile de spécifier que les hommes furent remarquablement nourris pendant toute cette période.
- La création des foyers, à laquelle s'associèrent des oeuvres privées, les soirées théâtrales ou musicales, les permissions, etc...
- la création d'oeuvre de solidarité, alimentées par les ressources fournies par les foyers, les représentations, des dons ou collectes, et au moyen desquelles de nombreuses misères purent être secourues.
Grâce à ces mesures, l'esprit resta excellent, dans le sens où l'on prend habituellement ce terme et qui implique à peu près uniquement la résignation à son sort : pas d'indiscipline, pas de propagande subversive, de bons rapports entre les hommes et leurs cadres.
Cela ne suffisait évidemment pas; il fallait aussi éveiller chez les hommes, et maintenir éveillé, le sentiment de l'état de guerre et des sacrifices que la guerre pourrait demander à tous : l'action dans ce sens fut dirigée par le général commandant la IIe Armée qui fit éditer un bulletin d'information destiné à fournir aux cadres les éléments de leurs causeries avec les hommes. Elle fut menée à tous les échelons par contacts des chefs avec leurs subordonnés.
Mais elle était difficile.
D'une part, il est bien certain que ni la situation d'une division dans un secteur qui n'est pas au contact de l'ennemi, dont les éléments sont répartis dans des cantonnements nombreux et espacés et échappent en grande partie à l'action de leurs chefs, ni la situation d'une division laissée à l'arrière à des travaux dont elle saisit plus ou moins l'utilité, ne sont favorables à une action soutenue du commandement, tant au point de vue du moral qu'à celui de l'instruction. Or, au début de mai 1940, la 55ème DI était en secteur depuis octobre sur la Meuse de Sedan, la 71ème DI, restée en secteur jusqu'au début d'avril sur la Chiers, avait été placée en réserve d'Armée et mise pour des travaux divers à la disposition de la direction des étapes de l'armée. Aucun des commandants de division n'avait eu à aucun moment sa troupe réunie avec lui. Il eût été infiniment utile que chacune de ces divisions pût être réunie pendant quelques semaines dans un grand camp d'instruction et pût ensuite faire un séjour dans un secteur actif. il est vraisemblable que les circonstances ne l'ont pas permis.
D'autre part, cette action du commandement a été contrariée par une action en sens inverse, produite par les idées qui prirent naissance, plus ou moins spontanément dans le pays, et qui concouraient à créer cette conviction que la guerre était gagnée d'avance et que la victoire viendrait toute seule, sans bataille : idées inconsidérément jetées à l'opinion publique dans des déclarations aussi retentissantes qu'imprudentes et propagées par la presse, la radio, les affiches; c'était la route du fer définitivement coupée pour l'Allemagne, c'était le blocus qui étranglerait l'adversaire, c'était le temps qui travaillait pour nous, c'était la certitude que nous vaincrions parce que nous étions les plus forts; en somme il n'y avait qu'à attendre; le jour de la grande épreuve, celle qui demanderaient à chacun d'être prêt à offrir le sacrifice de sa vie, ce jour-là ne viendrait pas; il suffisait d'être patient.
Les régiment étaient en relations trop intimes avec le pays, ils étaient trop mêlés à la population dans ces villages des Ardennes non évacués, au sein de laquelle pullulaient sans aucun doute les indicateurs et les agents de l'ennemi, pour ne pas être influencés par ces illusions; entre ce qui est écrit dans le journal qui vient de Paris et ce que dit le capitaine, comment hésiter ? Tout ce qui vient du commandement n'est-il pas suspect de bourrage de crâne ? Et entre deux idées qui s'opposent, comment ne pas choisir la plus agréable ? Les régiments étaient trop baignés, dans ces villages surpeuplés, en une ambiance de temps de paix et de guerre pour rire, pour ne pas être violemment frappés et décontenancés le jour où commencerait brutalement la vraie guerre; et l'imprégnation militaire était bien faible dans les unités pour qu'on pût faire fond sur leur solidité.
Aussi la préparation morale qui eût dû transformer cette foule de résignés en troupe ardentes et décidées est-elle restée bien en deçà du but qu'elle se proposait.

A suivre l'organisation des unités.

Cordialement

Bonjour,

Voici la partie organisation des unités:

Général C. GRANDSARD a écrit:

encadrement. Organisation des unités. Armement. Matériel :

a) Encadrement :

- Personnel : Dans le courant de l'hivers a été décidée par le haut commandement la "revalorisation" des régiments de série B par apports de cadres prélevés sur des divisions actives ou de série A. Quelques officiers supérieurs et subalternes de valeur sont ainsi arrivés à la fin de l'hivers dans les régiments des 55ème et 71ème DI. L'apport a été loin d'être négligeable, mais il ne pouvait produire son effet qu'au bout d'un certain nombre de mois; la besogne de redressement que ces cadres nouveaux avaient à accomplir embrassait en effet tous les domaines, discipline, moral, instruction, conduite de la défense et ne pouvait être accomplie en quelques jours ou quelques semaines; en fait, le temps a manqué.

- Effectifs : Les renforts arrivés au cours de l'hivers ont à peine compensé les pertes causées par les maladies, accidents, etc... et par un certain nombre de mesures, telles que le renvoi à l'arrière des hommes de classes anciennes, des ouvriers spécialistes. La dernière de ces mesures a d'ailleurs produit un certain malaise; il aurait été préférable de ne pas mobiliser le personnel que les enseignements de la guerre précédentes avaient fait reconnaître comme indispensable dans les usines; elle a privé de plus les unités de leurs meilleurs spécialistes.

Au début de mai, on relève un déficit de 10 à 15% parmi les hommes de troupes des E.O.C.A./10 et de la 55ème DI, les effectifs sont légèrement en excédent à la 3ème DINA. La baisse d'effectifs est particulièrement sensible dans les unités du Génie. Chez les sous-officiers le déficit est général, de l'ordre de 10% (il manque encore 115 sous-officiers sur un effectif théorique de 276 au 110ème RALH).
Ces déficits s'expliquent mal quand on sait que certains dépôts disposent d'un personnel considérable.

b) Organisation :

Des modifications furent apportées à l'organisation et à la constitution des unités opérant aux avancées de la position, des RIF et des régiments de série B.

1° - Les compagnies de frontaliers et les compagnies de spécialiste D (destructions) constituées aux avancées pour la surveillance de la frontière, la garde et la mise en oeuvre des destructions, furent dissoutes à la fin de janvier, en conséquence de la libération des réservistes des classes anciennes et remplacées par des "compagnie des avancées" qui furent créées par prélèvement sur les RIF et leur furent rattachées à raison d'une compagnie par RIF. Les compagnies dissoutes avaient un effectif global de 967 hommes : leurs remplaçants n'en reprèsentaient que 520, au détriment à la fois des RIF et des avancées.

2° - On décida au printemps de rajeunir les régiments de série B en leur donnant un certain nombre d'hommes jeunes prélevés sur les RIF et remplacés par le même nombre d'hommes de classes anciennes.
Cette mesure n'intervint qu'en avril. Elle portait sur plusieurs centaines d'hommes par régiment. Les conséquences heureuses qu'elle eût pu avoir neurent pas le temps de se manifester. Au contraire, ses inconvénients (désorganisation des unités élémentaires, rupture de leur cohésion) furent graves, le temps ayant manqué pour les faire disparaitre.

c) Armement :

Les déficits en armement signalés le 21 octobre n'ont pas été comblés au cours de l'hiver. L'armement antichars organique des unités a fait peu de progrès, l'armement antiaérien n'est plus complètement nul, grâce à l'arrivée de la 3ème DINA à la place de la 71ème DI.

- Armement antichars : du 21 octobre au 9 mai, il n'a été livré aux troupes des 55ème et 71ème DI, en canons de 25, qu'une compagnie divisionnaire (12 canons de 25), celle de la 55ème DI. Les régiments d'infanteire continuent à n'avoir aucun canon organique.
La 3ème DINA entre dans le secteur de Mouzon avec 42 canons de 25 sur une dotation organique de 52.
Par contre, le 10ème C.A. a été renforcé avec des matériels de 47. La 55ème DI qui n'avait pas encore de batterie antichars reçois une batterie de 47. La 71ème DI dont la batterie était équipée en 75 reçoit à leur place des canons de 47 : toutes les deux reçoivent ce matériel au début d'avril. De plus, 2 batterie de 47 de réserve générale sont mises à la disposition du 10ème C.A.
En février, le 10ème C.A. a également reçu 12 canons de 47 de marine, qu'il répartit à raison de 8 à la 55ème DI et 4 à la 71 DI (bon matériel, mais dont les approvisionnements en projectiles sont limités.) Ces grandes unités ont à fournir et à instruire le personnel qui servira ces pièces. La densité des armes antichars passe de 2,9 à 4,7 au secteur de Sedan, de 2,9 à 3,5 dans le secteur de Mouzon quand la 71ème DI tient le secteur et à 5,9 quand la DINA la remplace.

- Armement antiaérien : l'équipement des divisions en batteries de 25 Contre Avion est en cours quand l'attaque allemande se produit. Mais les divisions de série B du 10ème C.A. n'ont pas encore reçu leur dotation. Seule la 3ème DINA dispose donc d'une batterie de 25 C.A. organique. Toutefois, il est prévu qu'en cas d'alerte, la batterie organique de la 1ère DIC sera mise à la disposition du 10ème C.A. pour coopérer à la défense antiaérienne des ponts de Sedan. Il n'a pas été possible de savoir si cette batterie, déployée en temps normal dans la zone du 18ème C.A., avait pu gagner en temps voulu la région de Sedan.
Si l'on ajoute que le remplacement, prescrit à la fin d'avril, des fusils-mitrailleurs 1915 par des F.M. 24 dans les batteries d'artillerie n'est pas réalisé le 9 mai, on peut constater que la défense antiaérienne de la zone du C.A. reposait toujours sur l'emploi précaire des armes automatiques de l'infanterie en secteur.

- Armement général : il n'y a pas de modifications à noter dans l'armement individuel et collectif de l'infanterie, ni dans l'armement de l'artillerie. Les munitions sont au complet, sauf en ce qui concerne les balles perforantes de F.M. et de mitrailleuses. La prescriptions signalée plus haut de n'avoir aux batteries qu'1,5 U.F. en plus du plein des coffres est maintenue.

d) Matériel :

Les effets d'habillement sont arrivés en quantité suffisante à partir du début de 1940, les déficits ont pu être comblés peu à peu.
Par contre, en ce qui concerne les véhicules autos, la situation médiocre au mois d'octobre a été en empirant sans cesse. Le manque de pièces de rechange a ralenti les réparations, les fabrications nouvelles ont été attribuées en première urgence aux formations motorisées; seules des camionnettes sanitaires neuves sont arrivées jusqu'au 10ème C.A. Il en résulte que dans certaines formations, la moitié du tonnage existant, qui est loin de correspondre au tonnage théorique, est indisponible.

A la date du 1er février, le déficit global en tonnage des Grandes Unités était le suivant :
E.O.C.A./10 36%, soit au total 1 030 tonnes;
55ème DI 30%
71ème DI 36%
Le déficit a augmenté jusqu'au mois de mai. La gravité de cette situation a fait l'objet de plusieurs comptes rendus du général commandant le 10ème C.A.

Cordialement

BRH a écrit:

La 71ème division était initialement en réserve de CA. Elle a été inserrée dans la défense le 12 mai... Sans raccourcir les défenses de la 55ème DI, (hormis le secteur de Pont-Maugis ?). En fait, elle a pris la place de la IIIème DINA, ce qui était absurde.

Je reviens un peu sur ce fil. La 71e division avait été mise en réserve pour s'entrainer (certains de ses régiments sortaient d'une période d'exercices avec les chars du 4e BCC (ou du 7e?) ) parce que son niveau global était très insuffisant. La décision de la retirer de la ligne de front n'était donc pas illogique.

En revanche, chaque fois qu'un bataillon avait été ainsi retiré pour "formation" comme on dirait aujourd'hui, il ne revenait pas ensuite à son secteur. Le résultat est que bien que la 55e DI ait été en position depuis des mois, les bataillons d'infanterie qui tenaient le front étaient, eux, relativement nouveaux sur leurs secteurs respectifs.

Lorsqu'on insère la 71e DI, on commence à le faire à dose homéopathique pour ne pas trop bouleverser le reste de la position, ce qui se comprenait. En pratique, comme les Allemands ont été plus vite que prévu, il aurait mieux valu ne carrément pas chercher à l'insérer dans le dispositif mais lui faire prendre les positions sur la deuxième ligne. Peut-être que les troupes auraient été prises dans la déroute, mais sinon des troupes en position pour arrêter quelques pointes d'infanteries allemandes dont les fantassins étaient épuisés auraient mieux valu que le rien du tout historique.

Prendre la place de la 3e DINA se comprend aussi: il est logique de faire tenir le front aux divisions les moins mobiles, sachant que tenir sur place est également la mission la plus simple, donc celle où des troupes moins entrainées auront le moins de différence avec les autres, pour garder la 3e DINA en réserve de contre-attaque.

Tout cela était plutôt logique, ce qui n'a pas marché c'est que ce plan n'était pas du tout adapté à la vitesse de la progression allemande, et par ailleurs son exécution a été plutôt mauvaise, même par rapport aux critères français.

Bonjour,

En apparté, je précise que des éléments des 55e et 71e DI ont été incorporés à la 3e DIM après Stonne, lors de sa remise sur pied. Ces éléments se sont très bien comporté au feu dans les combats qui suivirent, comme quoi l'encadrement est un éléments majeur du comportement des troupes. Rien d'étonnant à cela d'ailleurs!

Cordialement
Eric Denis