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| Quand l'uchronie devient désinformation | |
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Auteur | Message |
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Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 21 Nov 2013 - 18:24 | |
| Bonsoir - Campeis bernard a écrit:
- ... encore une fois cela peut être perçu comme de la morgue, du dédain et du mépris, ...
Alors, là bravo! C'est vrai, pour qui il se prend ce type !!!! Bien à vous |
| | | françois vauvillier GBM
Nombre de messages : 3859 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 21 Nov 2013 - 19:43 | |
| Bonsoir à tous,
Allons, allons...
Cet échange d'idées est très intéressant, depuis le début, et même si les phrases sont parfois vives, ne nous laissons pas aller à des formules lapidaires.
La sérénité et la hauteur de vues s'imposent, de part et d'autre.
Bonne continuation. Je lis avec plaisir tous les arguments développés et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas.
Bien cordialement à tous
François |
| | | Campeis Bertrand Caporal
Nombre de messages : 28 Date d'inscription : 19/02/2008
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 21 Nov 2013 - 21:52 | |
| Bonsoir à tous,
Pour ma part j'en resterai là, j'ai essayé du mieux que j'ai pu de présenter mon point de vue vis-à-vis de ce loisir intellectuel qui m'accapare depuis maintenant 13 ans, et où le plaisir de la découverte, et de la rencontre (avec des auteurs, des dessinateurs, des passionnés) , reste toujours intact.
Quelle que soit leurs raisons et leurs motivations, je suis toujours admiratif du temps qu'ils passent à imaginer et développer leur uchronie.
Cher Louis, je donne peut-être l'impression de m'enflammer par rapport à vos phrases, ou à votre façon de penser, de vous suspecter d'être intolérant vis-à-vis de l'uchronie ce "loisir mélancolique et inutile" comme le disait un auteur dont j'ai oublié le nom. Mais n'oublions pas que nous sommes sur le net, à lire des phrases brutes, et que tous les smileys du monde, ainsi que nos tournures de phrases ne remplaceront une bonne conversation, en tête à tête, où nous pouvons montrer ce que nous pensons à travers nos paroles, nos gestes, notre façon de parler.
Grâce à vous, je sais qu'il ne faut pas accorder trop de poids, ni chercher à développer de grandes thèses sur un "Et si...", celui-ci permet de rêver, et c'est déjà pas mal.
Merci à tous
Bien à vous,
Bertrand |
| | | Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Dim 24 Nov 2013 - 11:49 | |
| Bonjour
La digression sur ce qu'est l'Histoire ou une science me semble close. Nous pouvons dresser un rapide bilan sur ce qui différencie l'Histoire et l'uchronie avant d'approfondir un autre aspect de la question.
- L'uchronie entretien un lien subjectif et conflictuel avec le passé. Pour l'Histoire, le passé est un objet d'étude. - L'Histoire entretient un "recul critique sur elle-même", sur le passé et sur les autres discours sur le passé (dimensions épistémologique et historiographique). L'uchronie est un genre littéraire. - L'uchroniste écrit sur un passé fictif, l'historien sur le passé réel. - L'historien à une démarche méthodologique de caractère scientifique, l'uchroniste à une démarche personnelle. - L'Histoire est fondée sur l'analyse des sources, l'uchronie sur une vision personnelle du passé auquel s'ajoute parfois une vision personnelle sur l'Histoire.
Il me semble intéressant d'approfondir maintenant l'aspect suivant : Restituer les possibilités et les impossibilités de choix des acteurs de notre passé relèvent-il de l'Histoire ou de l'uchronie? Ou autrement dit, passons-nous de l'Histoire à l'uchronie lorsque la réflexion sur le passé quitte le déroulement réel du passé?
Cordialement |
| | | Thierry Moné Général d'Armée
Nombre de messages : 6493 Age : 71 Localisation : Irlande Date d'inscription : 05/04/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Dim 24 Nov 2013 - 15:27 | |
| Bonjour à tous, bonjour Louis, Alors là... Bravo Louis ! Excellent rétablissement, excellent résumé et excellente nouvelle question ! Je suis très curieux de lire la suite... Cordialement, Thierry Moné ' |
| | | Nicolas Aubin Adjudant-chef
Nombre de messages : 233 Localisation : Rouen Date d'inscription : 27/06/2008
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Dim 24 Nov 2013 - 23:33 | |
| Bonsoir,Et bien Louis Martel, vous menez les débats de manière quelques peu brutales, d'un côté vous balayez d'un revers de la main les hypothèses de certains, de l'autre, vous décrétez qu'un débat est clôt sans autre forme de procès. Souffrez que je ne suive pas votre rythme et que je revienne aux relations qu'entretiennent mémoire et uchronie, à mon sens étape indispensable avant d'aller plus loin sur les interactions entre Histoire et uchronie.L'hypothèse mémorielle Tout d'abord, je tiens à préciser que l'idée que l'uchronie se rapporte davantage au registre de la mémoire est une simple hypothèse, hypothèse qui, au fil de la réflexion, tend à se muer progressivement en conviction sans que je sois encore au stade d'une certitude inébranlable. C'est d'autant plus facile que, pour le moment, je n'ai guère eu d'argumentaire contraire.Je suis d'ailleurs surpris, Louis que vous balayez cette hypothèse sans esquisser la moindre ébauche d'argumentation et qu'ensuite tout votre propos conduise au contraire à la confirmer. Je m'explique. Tout d'abord, à ma connaissance, le regard porté sur le passé se décline en deux groupes (parfois trois, selon les auteurs):· L'approche historique· L'approche mémorielle · L'approche patrimoniale. Cette approche consiste à construire son regard sur le passé à l'aide d'intermédiaires que sont des objets/monuments appartenant au passé. Pierre Nora la considère comme une simple excroissance de la mémoire, d'autres (comme les auteurs du programme de Terminales 2011) comme un regard spécifique sur le passé distinct de la mémoire et de l'Histoire ; regard subjectif car issu d'un choix contemporain (quels objets du passé est-il légitime de préserver ?) mais s'appuyant sur une réalité concrète (l'objet est bel et bien une trace réelle du passé… en tout cas avant une éventuelle restauration à la Viollet le Duc). Enfin ! Ce n'est pas le sujet ici puisque je pense que tout le monde est d'accord pour ne pas ranger l'uchronie dans cette catégorie.Reste donc l'Histoire et la Mémoire. Vous écrivez :"- L'uchronie entretient un lien subjectif et conflictuel avec le passé. Pour l'Histoire, le passé est un objet d'étude." Or la mémoire entretient aussi un regard subjectif sur le passé, c'est même son critère déterminant. Sur ce point l'uchronie est donc compatible avec la Mémoire, mieux même, elle en partage une essence commune. - "L'Histoire entretient un "recul critique sur elle-même", sur le passé et sur les autres discours sur le passé (dimensions épistémologique et historiographique). L'uchronie est un genre littéraire". Là encore la mémoire tout comme l'uchronie est incapable d'une distance critique sur elle-même car, par définition, elle est une certitude pour ses propriétaires, un absolu. Quant à la dimension littéraire, bien sûr que la mémoire ne s'y réduit pas… mais l'uchronie peut tout à fait être une expression littéraire de la mémoire. - "L'uchroniste écrit sur un passé fictif, l'historien sur le passé réel." La mémoire étant une réécriture idéalisée du passé – donc fictif -, force est de constater qu'une nouvelle fois l'uchronie s'inscrit davantage dans le registre de la mémoire que dans celui de l'Histoire. - "L'historien à une démarche méthodologique de caractère scientifique, l'uchroniste à une démarche personnelle." Sur ce point j'ai du mal à vous comprendre. Qu'est ce qui empêche une démarche personnelle d'avoir une dimension méthodologique de caractère scientifique. De plus en l'occurrence, l'uchronie FTL est une uchronie collective et non personnelle. Pour ma part, j'aurais plutôt opposé la démarche méthodologique de caractère scientifique de l'historien avec la démarche subjective de l'uchroniste qui tranche librement et arbitrairement dans le champ des possibles des histoires alternatives pour n'en retenir qu'une seule. Et dans ce cas on en revient à la subjectivité de l'uchronie et donc à une approche de type mémorielle. - "L'Histoire est fondée sur l'analyse des sources, l'uchronie sur une vision personnelle du passé auquel s'ajoute parfois une vision personnelle sur l'Histoire." Qu'est ce que cette vision personnelle du passé si ce n'est la mémoire. Plus loin vous remarquez que "l'auteur [de la fiche du CESAT] montre une adhésion complète à la thèse de l'ouvrage. La source du manque de recul critique ne serait-elle pas là, plutôt que dans un manque de formation historique." Vous avez bien raison et cela ne fait que confirmer que l'on est ici en pleine approche mémorielle. La mémoire collective rassemble, elle n'est jamais plus efficace qu'au sein d'un groupe. L'auteur de la fiche était sans doute prédisposé à entendre les propos introductif de "Et si la France avait continué la guerre". Notons qu'au passage que cela n'est absolument pas contradictoire avec le manque de formation historique… mais effectivement je concède, qu'en l'espèce, l'existence d'une formation historique n'aurait sans doute pas changé la conclusion car la formation historique s'adresse à la raison tandis que la mémoire s'adresse à l'affect, déconnecté du rationnel. Je fais là mon Mea Culpa.En l'espèce, je reste donc sur mon hypothèse que l'uchronie s'inscrit dans une lecture mémorielle du passé, et certainement pas dans une approche historique : c'est un récit fantasmé, une réécriture sentimentale du passé qui sélectionne, idéalise, occulte dans le but de rassembler et de rassurer une communauté. J'y reste d'autant plus que l'alternative que vous proposez, à savoir que l'uchronie serait " un discours qui s'auto-alimente, qui s'auto-entretien en maintenant les plaies ouvertes" est une définition pour le moins réductrice et surtout, elle ne s'oppose nullement à une inscription mémorielle : la mémoire collective aussi s'auto-alimente et, à terme, parce qu'elle est spécifique à un groupe, maintient les plaies ouvertes avec les autres communautés.Cependant sur deux points, ma pensée a évolué en une semaine de réflexion :1) J'écrivais la semaine dernière que l'uchronie pouvait être le stade ultime de la mémoire. Ce n'est pas possible. Au contraire. En effet, l'un des points de l'uchronie que l'on ne peut lui retirer c'est de commencer par "Et si…", d'affirmer qu'elle n'est pas la réalité. Tout juste, à terme, l'uchronie devient-elle la "réalité telle qu'elle aurait dû se dérouler" dans l'esprit de ses contempteurs. Or il existe des expressions de la mémoire qui se substituent purement et simplement à la réalité historique. Par exemple dans la mémoire communiste de la 2e guerre mondiale telle qu'elle a existée jusqu'à la fin de la guerre froide, les protocoles secrets du Pacte germano-soviétique d'août 1939 étaient purement et simplement niés (cf l'ouvrage "La vérité sur 1939" écrit pas deux historiens communistes Gacon et Bouvier en 1979), tous les tâtonnements du PCF, sa crise morale, la tentative de reparution légale de l'Humanité en juillet 40 étaient occultés au profit d'une entrée en résistance précoce (puisque commencée dès septembre 1939 contre le gouvernement Daladier présenté comme un gouvernement traitre du fait de sa passivité durant la Drôle de guerre). Cette mémoire, inefficace à l'extérieur du Parti, au moins dès les années 60, a par contre imprégnée des générations entières de militants pour qui cette reconstruction du passé avait supplanté bel et bien la réalité historique (j'en fus le témoin). Ce livre, présenté comme un livre d'histoire, écrit pas des universitaires, avec une légitimité sans commune mesure avec une uchronie, constitue en l'espèce une expression bien plus ultime de la mémoire. L'uchronie, si elle s'inscrit, dans une approche mémorielle, n'en est qu'une manifestation parmi d'autres mais absolument pas le stade ultime.2) Ma certitude que toutes les uchronies soient porteuses d'un regard sur le passé a également changé quand j'ai commencé à essayer d'établir une ébauche de typologie à parmi celles que je connais. Bertrand Campeis pourrait probablement nous affiner cette typologie bien partielle j'en conviens.a) Il y a les uchronies comme "genre littéraire fantastique" du type de Philip K Dick ou de nombreuses BD actuelles comme La série le "Jour J" où la rupture du continuum historique n'est qu'un prétexte pour un roman. La description du monde alternatif n'est alors qu'un arrière-plan. Il n'y a pas ici de véritable regard sur le passé même si on peut croiser une figure connue de ci, de là. Ce dernier n'est qu'un prétexte pour ancrer la fiction dans une pseudo-réalité favorisant l'identification par le lecteur ou faisant office de clin d'œil entre l'auteur et le lecteur. A aucun moment le lecteur ne peut être dupe. L'ouvrage peut-avoir une dimension littéraire, morale, philosophique ou autre mais n'entend absolument pas PRESENTER l'Histoire telle qu'elle aurait pu et encore moins dû se dérouler. Sur ce point, l'uchronie est un simple genre littéraire bien plus déconnecté des faits historiques que ne l'ont été les romans d'Alexandre Dumas qui prenait des libertés avec l'Histoire pour lui faire de beaux enfants. Ce ne sont bien sûr pas de ces uchronies dont il est question dans le débat.b) Il y a les uchronies ludiques du style "Le troisième derch" qui tiennent du simple jeu littéraire et ne s'apparente pas – si ce n'est de manière très indirecte - à l'occultation mémorielle de l'histoire par le rire que j'évoquais à propos du "syndrome 7e compagnie" dans mon post précédent.c) Il y a les illustrations uchroniques dans GBM qui sont davantage des extrapolations à partir de plans plus ou moins avancées. On nous faisant part des projets de l'industrie française, GBM fait de l'Histoire industrielles ou de l'Histoire des Sciences, rien de plus. Le terme "uchronie" écrit en travers des dessins est un sain avertissement au lecteur pour qu'il sache bien que cette illustration n'a jamais existé mais est le produit de l'étude de plans - bien réels eux - complétées arbitrairement quand ils étaient peu avancés ou colorisées en adoptant les codes d'usage à l'époque. Là où il y aurait uchronie, ce serait si GBM commençait à nous publier des textes relatant les exploits de ces véhicules en 1941/1942.d) Il y a "l'uchronie-prétexte à un questionnement sur les options offertes aux acteurs". C'est celle, par exemple de Jacques Belle dans son tome 1 "le 16 mai, la France devait rester en Belgique". A partir de sources historiques et d'une relecture de la situation militaire, il cherche à démontrer que militairement parlant les Français avaient encore des cartes en main. Etant officier de formation, il me semble que sa démarche s'inscrit dans un processus de diagnostic-remédiation propre à tout système confronté à l'échec."On a échoué dans notre tâche, comment aurions-nous dû faire pour réussir ?" De mon point de vue, il n'est même pas certains que l'on puisse ranger son texte parmi les uchronies car Belle ne traite guère de la contre-attaque française en elle-même, ce qu'il explore ce sont les modalités de sa mise en place et ses potentialités. Il ne réécrit pas au sens premier du terme, il se contente d'ouvrir le champ des possibles. Pour arriver à sa conclusion, l'auteur semble avoir eu une démarche d'historien, il a confronté les sources, établit les forces en présence, compris le fonctionnement de l'armée pour échafauder son plan de contre-attaque. Cette "uchronie-prétexte" – le terme n'est pas très satisfaisant -, j'en ai fait l'usage dans un sujet d'ATF 40 pour savoir les conséquences qu'aurait pu avoir une meilleure interprétation des reconnaissances aériennes au dessus des Ardennes avant le 13 mai. Nous avions alors réfléchi sur la structure de la chaîne de commandement, sur les délais de réactivité et jamais nous n'étions partis sur un récit d'une histoire alternative. C'est peut-être à cela que pense Thierry Moné quand il songe à l'intérêt historique d'une pratique de l'uchronie, un questionnement motivant et ludique qui conduit à affiner notre connaissance historique du sujet.Notons au passage, qu'à mon sens, le propos de Jacques Belle s'inscrit pourtant dans une approche mémorielle davantage qu'historique. En effet, son diagnostic repose sur une lecture, à mon avis partisane, elle ne prend pas du temps en compte la doctrine française ou la personnalité du haut commandement pour ne citer que deux exemples. Il s'agit d'une lecture sélective et idéalisatrice qui conduit donc artificiellement à réévaluer les capacités de l'Armée française. Son objectif est également relativement transparent : convaincre le lecteur que l'Armée n'est pas responsable de la défaite militaire mais que celle-ci résulte des choix d'un homme, Gamelin. Pour résumer même si l'ouvrage de Jacques Belle n'est - peut-être - pas une uchronie, il s'inscrit dans une approche mémorielle aux apparences de démarche historique. Mais vous l'aurez compris ce qui me dérange ce n'est pas la démarche, mais sa mise en œuvre. e) Il y a enfin les "uchronies à prétention scientifique" telles celle de la FTL qui entendent par l'intermédiaire d'un récit d'une histoire alternative nous convaincre que les faits réels auraient pu et dû se dérouler autrement. C'est le récit lui-même des événements alternatifs qui constituent la preuve de l'altérité de l'Histoire et non l'étude des options offertes aux acteurs. Ces uchronies sont bel et bien des réécritures du passé dont l'objectif est au minimum d'infléchir notre interprétation de l'Histoire à défaut de s'y substituer purement et simplement. Ce sont à ces uchronies que je pense quand j'échafaude mon hypothèse mémorielle.On le voit aborder cette typologie nous amène au débat que souhaite initier maintenant Louis puisqu'il porte sur le point d).Sur l'histoire et la mémoire Deux remarques pour répondre à Thierry Moné : une de forme et une de fond. Thierry a écrit "Je suis persuadé que ce n'est pas en opposant "histoire scientifique" (démarche historique répondant aux règles rappelées par Louis Martel et Nicolas Aubin) et "histoire mémorielle" que l'on arrivera à modifier dans le bon sens l'histoire mémorielle et donc la mémoire collective. Une communication permanente et intelligente est nécessaire entre les historiens professionnels ou amateurs et ceux qui entretiennent la mémoire sur le terrain, dans le cadre des cérémonies par exemple." […] "Pour 1940, il me semble que c'est cette "histoire scientifique" moderne qui permettra de modifier petit à petit "l'histoire mémorielle".La remarque de forme tient à l'expression "histoire mémorielle" qui n'a guère de sens. L'Histoire est l'Histoire, la Mémoire, la Mémoire. Une Histoire mémorielle n'existe pas, on parle par contre de mémoire collective pour désigner un regard subjectif sur le passé partagé par une même communauté comme vous le précisez vous-même. Pour le fond, je partage votre analyse et l'opposition Histoire-Mémoire m'a souvent posé problème car débouchant vite sur des interprétations manichéennes. La mémoire comporte obligatoirement une dimension historique. Disons que des aspects de l'histoire lui sont indispensables pour se construire et que la mémoire collective peut comme vous le soulignez glisser progressivement vers une lecture apaisée de son passé qui la rapproche de l'Histoire. Notre mémoire nationale de la 2e guerre mondiale me semble plus proche des faits historiques qu'elle ne l'était au temps du résistancialisme. Pour autant la mémoire collective ne peut s'identifier à l'Histoire car, par essence, une est subjective et pas l'autre. Notre mémoire du Moyen Age n'est pas l'Histoire du Moyen Age (par exemple quels sont les mots qui vous viennent en tête quand vous pensez à cette époque ? je suis bien sûr que nous retrouverions les mêmes : "chevaliers, peste, guerre, châteaux fort, féodalité, Lancelot" bref un inventaire empreint de romanesque) … et pourtant force est de reconnaitre, que cette période n'est plus aussi chargée sentimentalement que 1940. Nous pourrions aussi disserter de l'actuelle commémoration de la 1ere guerre mondiale. De plus pour compliquer l'affaire, on a tendance à confondre Histoire et mémoire, tel le devoir de mémoire souvent confondu avec un devoir d'histoire ou à croire que la mémoire est une porte d'entrée idéale vers l'Histoire.CordialementNicolas Aubin |
| | | Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Lun 25 Nov 2013 - 20:01 | |
| Bonsoir Je n'ai pas décrété que le débat est clôt mais qu'il me "semble". En suite que "la digression sur qu'est que l'Histoire et qu'est ce qu'une science me semble close" puisque il n'y a pas eu de réponse sur ce thème pendant une semaine. Je ne snobe pas votre hypothèse sur mémoire et uchronie, mais, malgré son intérêt, elle me semble hors de la discussion portant sur les rapports entre histoire et uchronie et les cas où une confusion entre elles peut entrainer une désinformation. Comme le montre votre exemple de la " Vérité sur 1939", la mémoire peut-être aussi un vecteur de désinformation. Il y a plusieurs directions que la réflexion peut prendre, mais, malgré l'intérêt de votre idée je tiens à garder la discussion sur ses rails et ne pas dévier vers une discussion sur les rapports entre Histoire et mémoire ou mémoire et uchronie. Je ne suis pas contre des digressions si elles sont constructives et si l'on ne perd pas de vue le thème principal du fil. Je suis d'accord, la mémoire partage avec l'uchronie les critères de différences avec l'Histoire que j'ai formulé. Mais est-ce suffisant? Je vois une différence essentielle entre mémoire et uchronie. La première s'enracine dans un vécu, une facette du passé réel, directement (mémoire des acteurs et des témoins) ou indirectement (commémorations et mémoires familiales ou communautaires). La seconde s'en racine dans une fiction. Si mémoire et uchronies ont un lien subjectif avec le passé il n'est pas de même nature. Cette différence peut-être très ambiguë. Dans le cas de mon hypothèse (et non une définition) d'un discours qui s'auto-alimente, alors le fait d'adhérer à telle uchronie peut-être le résultat d'un héritage mémoriel. Autre différence qui me vient à l'esprit : la mémoire est essentiellement un héritage, l'uchronie se fonde sur un choix. - Citation :
- L'historien à une démarche méthodologique de caractère scientifique, l'uchroniste à une démarche personnelle." Sur ce point j'ai du mal à vous comprendre. Qu'est ce qui empêche une démarche personnelle d'avoir une dimension méthodologique de caractère scientifique. De plus en l'occurrence, l'uchronie FTL est une uchronie collective et non personnelle.
J'ai utilisé "personnel" pour éviter de répéter une fois de plus "subjectif". Or, la substitution se révèle peu pertinente, mea culpa. Je ne suis pas sûr que l'uchronie de la FTL soit réellement une vision collective (dans le sens d'élaborée en commun), mais plutôt le fruit d'un groupe de personne partageant la même vision personnelle préexistante. Dommage qu'ils aient choisi le mutisme, ils auraient pu nous éclairer. - Citation :
- Pour ma part, j'aurais plutôt opposé la démarche méthodologique de caractère scientifique de l'historien avec la démarche subjective de l'uchroniste qui tranche librement et arbitrairement dans le champ des possibles des histoires alternatives pour n'en retenir qu'une seule.
Merci, vous l'avez formulé mieux que moi. Cordialement |
| | | Campeis Bertrand Caporal
Nombre de messages : 28 Date d'inscription : 19/02/2008
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Lun 25 Nov 2013 - 21:43 | |
| Bonsoir à tous, Pour Louis Martel : Vous voyez que des phrases écrites, et ce même en prenant de multiples précautions, peuvent être interprétées de manière diverse par un interlocuteur quel qu'il soit ;o) Avant toute chose je tiens à préciser que j'ai beaucoup hésité à répondre : par rapport à Thierry Moné, je dois avouer avoir eu du mal avec le fait que Louis impose sa vision et décide dans quel sens doit aller la discussion (et recadre si cela ne lui convient pas). Ce n'est pas ma définition de l'échange. Et j’ai l’impression que vous essayez de comprendre et que pour vous, cela passe par une nécessaire classification. Mais passons. Vos affirmations sont très intéressantes mais je dois bien avouer m’être plus retrouvé (et avoir longuement réfléchi) sur le long post de Nicolas Aubin. Les deux m'ont donné envie de continuer. Je vais procéder par phases histoire de ne pas me perdre et de ne pas me disperser : - L'uchronie entretien un lien subjectif et conflictuel avec le passé. Pour l'Histoire, le passé est un objet d'étude. - L'Histoire entretient un "recul critique sur elle-même", sur le passé et sur les autres discours sur le passé (dimensions épistémologique et historiographique). L'uchronie est un genre littéraire. - L'uchroniste écrit sur un passé fictif, l'historien sur le passé réel. - L'historien à une démarche méthodologique de caractère scientifique, l'uchroniste à une démarche personnelle. - L'Histoire est fondée sur l'analyse des sources, l'uchronie sur une vision personnelle du passé auquel s'ajoute parfois une vision personnelle sur l'Histoire. Je suis assez d'accord tout ce qui procède, le terme conflictuel me gêne néanmoins : je reviendrai dessus après mais il n’y a pas nécessairement volonté de conflit avec l’histoire telle qu’elle s’est déroulée par l’uchroniste, à mon avis c’est plus compliqué et nuancé que cela. Restituer les possibilités et les impossibilités de choix des acteurs de notre passé relèvent-il de l'Histoire ou de l'uchronie ? Ou autrement dit, passons-nous de l'Histoire à l'uchronie lorsque la réflexion sur le passé quitte le déroulement réel du passé ? J’avoue que ce sont ces deux interrogations qui m’ont donné envie de continuer à échanger. Pour les deux j’oserai volontiers un « Les deux mon Capitaine ! » J’imagine que l’un des derniers livres de Ian Kershaw nous aiderait beaucoup : Choix Fatidiques traite de certains choix faits par les leaders de différents pays au début de la Seconde Guerre mondiale. J’avoue ne pas l’avoir lu mais un compte-rendu qui en a été fait (ici : http://www.mapiledelivres.org/dotclear/index.php?post/2011/09/02/%2C-par-Ian-Kershaw) insistait sur le fait qu’une décision, quelle qu’elle soit était prise rapidement, et que l’opinion de l’acteur prévalait sur tout (et surtout qu’arrivé à un certain stade d’autres possibilités n’étaient plus envisageables. Cette vision de l’histoire devrait vous plaire. Mais d’autres avis sont plus nuancés : http://rha.revues.org/7180 ou http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/08/27/1939-demain-la-guerre-et-choix-fatidiques-aux-carrefours-de-l-histoire_1232373_3260.html Pour ma part votre question est très compliquée : par possibilité et impossibilité il faudrait pour cela connaître ce que pensait à l’instant T le décideur, et comprendre pourquoi il a pris telle décision, que ce soit par rapport à sa façon de penser et surtout les préjugés qu’il possède (et considère ceux-ci plus comme un mode de pensée qu’un obstacle l’empêchant d’avoir du recul face à une situation) et le fait que souvent une décision cruciale est prise dans l’urgence et que son impact se verra longtemps après. Hors nous pouvons supputer, prendre pour argent comptant ce qu’a dit cette personne (s’il l’a couché sur du papier, en a parlé avec ses proches), bref multiplier les recherches et les sources pour essayer de cerner au mieux les raisons qui entourent une décision. Chercher la vérité historique en somme ;o) et essayer de cerner au mieux une époque, des personnes, des choix en essayant de mettre de côté le fait que nous savons ce qui s’est passé (bref essayer de cerner l’histoire et non la mémoire que nous avons de tel événement). Désolé si c’est laborieux, mais ça m’aide beaucoup, et ce n’est pas évident à cerner pour ma part. Au final je dirai que c’est un « mécanisme » historique, que ce soit de manière consciente ou inconsciente, le protagoniste prend une décision car celle-ci lui semble la plus juste à un moment donné, et il sera difficile de revenir dessus quoi qu’il arrive (regardez Hitler et son obsession sur les batailles de Moscou et de Stalingrad à la fin de la guerre, dans son esprit, la guerre s’était jouée là, après il ne pouvait que le ressasser sans cesse) Le terme « déroulement réel du passé » me gêne également. Il me semble que cela relève plus du discours sur le passé (et donc d’une approche mémorielle si je ne dis pas de bêtises). Sinon j’ai besoin que vous m’expliquiez ce que vous entendez par là. J’espère voir fait le tour et je passe aux questions de Nicolas Aubin. Je fais un gros copier-coller et je mets mes réponses en gras : 2) Ma certitude que toutes les uchronies soient porteuses d'un regard sur le passé a également changé quand j'ai commencé à essayer d'établir une ébauche de typologie à parmi celles que je connais. Bertrand Campeis pourrait probablement nous affiner cette typologie bien partielle j'en conviens. Je vais essayer a) Il y a les uchronies comme "genre littéraire fantastique" du type de Philip K Dick ou de nombreuses BD actuelles comme La série le "Jour J" où la rupture du continuum historique n'est qu'un prétexte pour un roman. La description du monde alternatif n'est alors qu'un arrière-plan. Il n'y a pas ici de véritable regard sur le passé même si on peut croiser une figure connue de ci, de là. Ce dernier n'est qu'un prétexte pour ancrer la fiction dans une pseudo-réalité favorisant l'identification par le lecteur ou faisant office de clin d'œil entre l'auteur et le lecteur. A aucun moment le lecteur ne peut être dupe. L'ouvrage peut-avoir une dimension littéraire, morale, philosophique ou autre mais n'entend absolument pas PRESENTER l'Histoire telle qu'elle aurait pu et encore moins dû se dérouler. Sur ce point, l'uchronie est un simple genre littéraire bien plus déconnecté des faits historiques que ne l'ont été les romans d'Alexandre Dumas qui prenait des libertés avec l'Histoire pour lui faire de beaux enfants. Ce ne sont bien sûr pas de ces uchronies dont il est question dans le débat. Pour ma part j’insiste toujours sur le PU plutôt que sur le DÛ : on imagine une autre histoire, et, l’histoire aurait pu se passer ainsi me semble toujours plus juste tandis que l’histoire aurait dû fait vraiment discours mémoriel de persuasion. Que l’histoire ait pu se dérouler autrement montre qu’il s’agit, à mes yeux, d’un exercice intellectuel honnête avec ses limites. Que l’histoire aurait dû se dérouler ainsi, là on impose son opinion et son discours. b) Il y a les uchronies ludiques du style "Le troisième derch" qui tiennent du simple jeu littéraire et ne s'apparente pas – si ce n'est de manière très indirecte - à l'occultation mémorielle de l'histoire par le rire que j'évoquais à propos du "syndrome 7e compagnie" dans mon post précédent. OUI c) Il y a les illustrations uchroniques dans GBM qui sont davantage des extrapolations à partir de plans plus ou moins avancées. On nous faisant part des projets de l'industrie française, GBM fait de l'Histoire industrielles ou de l'Histoire des Sciences, rien de plus. Le terme "uchronie" écrit en travers des dessins est un sain avertissement au lecteur pour qu'il sache bien que cette illustration n'a jamais existé mais est le produit de l'étude de plans - bien réels eux - complétées arbitrairement quand ils étaient peu avancés ou colorisées en adoptant les codes d'usage à l'époque. Là où il y aurait uchronie, ce serait si GBM commençait à nous publier des textes relatant les exploits de ces véhicules en 1941/1942. MON RÊVE !!! ^^ d) Il y a "l'uchronie-prétexte à un questionnement sur les options offertes aux acteurs". C'est celle, par exemple de Jacques Belle dans son tome 1 "le 16 mai, la France devait rester en Belgique". A partir de sources historiques et d'une relecture de la situation militaire, il cherche à démontrer que militairement parlant les Français avaient encore des cartes en main. Etant officier de formation, il me semble que sa démarche s'inscrit dans un processus de diagnostic-remédiation propre à tout système confronté à l'échec."On a échoué dans notre tâche, comment aurions-nous dû faire pour réussir ?" De mon point de vue, il n'est même pas certains que l'on puisse ranger son texte parmi les uchronies car Belle ne traite guère de la contre-attaque française en elle-même, ce qu'il explore ce sont les modalités de sa mise en place et ses potentialités. Il ne réécrit pas au sens premier du terme, il se contente d'ouvrir le champ des possibles. Pour arriver à sa conclusion, l'auteur semble avoir eu une démarche d'historien, il a confronté les sources, établit les forces en présence, compris le fonctionnement de l'armée pour échafauder son plan de contre-attaque. Cette "uchronie-prétexte" – le terme n'est pas très satisfaisant -, j'en ai fait l'usage dans un sujet d'ATF 40 pour savoir les conséquences qu'aurait pu avoir une meilleure interprétation des reconnaissances aériennes au dessus des Ardennes avant le 13 mai. Nous avions alors réfléchi sur la structure de la chaîne de commandement, sur les délais de réactivité et jamais nous n'étions partis sur un récit d'une histoire alternative. C'est peut-être à cela que pense Thierry Moné quand il songe à l'intérêt historique d'une pratique de l'uchronie, un questionnement motivant et ludique qui conduit à affiner notre connaissance historique du sujet. Pour moi non les deux livres ne sont pas à ranger dans l’uchronie stricto-sensu ; Jacques Belle flirte avec celle-ci mais laisse au lecteur le choix de décider si son hypothèse tient la route ou pas… En ayant un discours très orienté sur la question ! ^^ Je reviendrai sur le terme d’uchronie-prétexte ainsi que sur le genre uchronique car nous touchons du doigt quelque chose. Notons au passage, qu'à mon sens, le propos de Jacques Belle s'inscrit pourtant dans une approche mémorielle davantage qu'historique. En effet, son diagnostic repose sur une lecture, à mon avis partisane, elle ne prend pas du tout en compte la doctrine française ou la personnalité du haut commandement pour ne citer que deux exemples. Il s'agit d'une lecture sélective et idéalisatrice qui conduit donc artificiellement à réévaluer les capacités de l'Armée française. Son objectif est également relativement transparent : convaincre le lecteur que l'Armée n'est pas responsable de la défaite militaire mais que celle-ci résulte des choix d'un homme, Gamelin. Pour résumer même si l'ouvrage de Jacques Belle n'est - peut-être - pas une uchronie, il s'inscrit dans une approche mémorielle aux apparences de démarche historique. Mais vous l'aurez compris ce qui me dérange ce n'est pas la démarche, mais sa mise en œuvre. OUI, j’ai moi aussi ce problème par rapport à ces deux livres e) Il y a enfin les "uchronies à prétention scientifique" telles celle de la FTL qui entendent par l'intermédiaire d'un récit d'une histoire alternative nous convaincre que les faits réels auraient pu et dû se dérouler autrement. C'est le récit lui-même des événements alternatifs qui constituent la preuve de l'altérité de l'Histoire et non l'étude des options offertes aux acteurs. Ces uchronies sont bel et bien des réécritures du passé dont l'objectif est au minimum d'infléchir notre interprétation de l'Histoire à défaut de s'y substituer purement et simplement. Ce sont à ces uchronies que je pense quand j'échafaude mon hypothèse mémorielle. On le voit aborder cette typologie nous amène au débat que souhaite initier maintenant Louis puisqu'il porte sur le point d). Pour moi le discours scientifique, c’est un peu faire un joli emballage pour que l’uchronie fasse crédible. Hors celle-ci n’a pas besoin de cela pour être accepté (et n’oublions que l’uchronie de la FTL mélange faits réels et personnages inventés. Tallandier préférait une approche plus livre d’histoire, qui faisait plus crédible à ses yeux. Maintenant je suis complètement d’accord avec Nicolas Aubin : personne ne peut ouvrir ce livre en pensant y trouver l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Faire œuvre uchronique c’est soit regretter que le passé se soit déroulé de telle manière et tenter de l’infléchir en lui donnant une direction qui nous parle plus (Victoire du Premier Empire pour les français, Victoire de l’Empire britannique pour les anglais, etc.) c’est réfléchir à la façon dont on se voit et la façon dont on conçoit l’histoire : celle-ci est-elle faite par les masses, ou par les grands hommes, l’intervention d’un homme peut-il orienter le cours de l’histoire vers une autre direction, ou à défaut d’un homme, une bactérie, une maladie, la météo ? Bref c’est bel et bien un discours mémoriel sur ce que nous retenons de l’histoire et la façon dont nous percevons celle-ci. Maintenant rien ne nous empêche de nous poser des questions que l’on peut qualifier d’uchroniques par rapport à certains événements historiques, réfléchir sur « Mais pourquoi Louis XVI n’a-t-il pas envoyé les régiments étranges charger la populace le 14 juillet 1789 (ou fait tirer sur la foule plus tard) ? » permet de cerner un peu mieux l’homme qu’était Louis XVI : On pourrait dire ainsi « mais parce qu’il n’y a pas pensé » ou « il y a pensé mais il l’a écarté car » pour revenir à la question de Louis Martel, au final oui ce genre de questions peut permettre de mieux comprendre le processus de décision d’une personne face à l’histoire, mais on peut se tromper, donc il faut l’utiliser avec précaution et en ne donnant pas un trop gros pouvoir au Et si. Pour conclure je dirais que l’uchronie est à la fois un genre et un prétexte : on le classe comme un genre car il y a de nombreux ouvrages (et d’autres sous-catégories, comme le steampunk, etc.) Mais l’uchronie est avant tout un prétexte, un gimmick qui permet à l’auteur de développer un thriller, une histoire d’amour, un roman d’aventures, une quête initiatique en se servant de l’uchronie comme décor, et comme point de départ. Et comme vous le voyez, l'uchronie peut être utilisé dans le cadre d'une question d'un point de vue historique mais est plus perçue maintenant comme un genre littéraire, cousin de la Science-Fiction, à part entière. J’espère avoir répondu au mieux à vos questions. Je reste à votre disposition. Très cordialement Bertrand Campeis PS : et je serais ravi de discuter à l’occasion des différentes typologies d’uchronies ^^ |
| | | Thierry Moné Général d'Armée
Nombre de messages : 6493 Age : 71 Localisation : Irlande Date d'inscription : 05/04/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mar 26 Nov 2013 - 6:06 | |
| Bonjour à tous, Pour ma part, je trouve ce fil excellent et j'apprécie tout autant le respect de la ligne tracée par son auteur que les digressions venant élargir le débat et fournir un éclairage parfois inattendu à ces rapports réels ou supposés entre des choses parfois concrètes mais le plus souvent très abstraites... Quelle que puisse être la forme de la suite des échanges, je viendrai volontiers m'instruire sur ce fil. Cordialement, Thierry Moné |
| | | françois vauvillier GBM
Nombre de messages : 3859 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mar 26 Nov 2013 - 16:16 | |
| Bonjour à tous, Les dernières contributions sont de haut vol, bravo Messieurs.
Pris par le temps, mais désireux malgré tout de témoigner à nouveau de mon intérêt le plus vif pour le sujet, je livre une modeste contribution, en guise d'intermezzo, à l'attention particulière de Bertrand Campeis :
" 3 septembre 1940... Depuis deux mois et demi, les Allemands ont été arrêtés sur la ligne Weygand, leur dernière tentative de rupture du front ayant été brisée à Colombet-les-Deuzapel (Somme) le 18 juin. Poursuivant son rééquipement, la 1re DLM réorganisée sur le type réduit a désigné le capitaine Pierre de Segonzac (voir GBM 81 et 83) pour remettre sous blindage son escadron à pied. Ainsi le 1/4e cuirassiers se voit-il ressuscité, mais avec dix Somua seulement (char du capitaine et trois pelotons de trois chars). [...] " Cet extrait d'une légende de GBM 88 page 66 (article sur le char Somua S 40) marque le sommet de ma propre audace — à ce jour — dans le genre uchronique. Genre que, au risque de me répéter, j'affectionne.
Excellente continuation à tous dans ce débat passionnant.
François |
| | | Campeis Bertrand Caporal
Nombre de messages : 28 Date d'inscription : 19/02/2008
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mar 26 Nov 2013 - 20:21 | |
| bonsoir à tous, Merci François, je connaissais ce texte, étant un lecteur quasi-régulier de GBM. Mais le relire me fait toujours autant sourire Mon rêve aurait été que GBM accepte, une fois par an de se laisser aller à une uchronie visuelle et textuelle sur une double page, avec une réfutation critique et historique de l'ensemble dans un cadre explicatif. Quelque chose sur le même modèle que l'histoire-fiction 1941 de Stéphane Ferrard. Le tout dans le numéro d'avril-mai-juin histoire de bien montrer qu'il s'agit d'un jeu... Cela serait, à mes yeux, un beau moyen de rendre justice à nos armes, et à nos soldats. Ayant la chance de travailler au Musée de l'Armée, j'y ai découvert des merveilles que je ne soupçonnai pas, entre les prototypes de Fusil A6 Meunier dit fusil automatique (en fait un fusil semi-auto qui fut distribué à certains fantassins, aujourd'hui nous dirions des tireurs d'élite) l'arme ne fut jamais produite à grande échelle : elle arriva après l'adoption du fusil Gras, et l'armée ne voulait pas adopter une nouvelle cartouche (le Meunier fonctionnait avec une cartouche de 7mm), et son mécanisme, complexe et fragile, devait être bichonné dans la boue des tranchées... Mais quelle belle arme ! Et que dire de la mitrailleuse légère Hotchkiss M1909 ! (voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=kCsBbu7nzqI) On peut également rêver en imaginant que l'armée française adopte la carabine-mitrailleuse Rybeirolles massivement en 1918 (voir ici : http://sturmovik.histoquiz-contemporain.com/articles/articles.php?cat=52&id=46) Sans parler des uniformes, que ce soit l'uniforme très cocardier proposé par Detaille, ou la tenue réséda (mais là je n'apprends rien aux fidèles lecteurs de GBM) sans parler des essais bleu foncé façon Boer... A chaque fois, c'est un peu de rêve, beaucoup d'espoirs, de tâtonnements, d'essais, d'expériences... Beaucoup d'échecs, des réussites arrivant trop tôt, ou trop tard ! Regardez le fusil semi-automatique Mas 40... Au moins l'uchronie permet de les (re)mettre en avant car l'histoire les a oublié. Avant de vous souhaiter une bonne soirée je tenais à partager un texte que je viens de découvrir et qui m'a fait beaucoup réfléchir et qui retranscrit, à sa brillante manière, ce que nous recherchons tous à travers l'histoire : http://iphilo.fr/2013/11/26/la-verite-et-lhistorien-quentin-skinner/ Bonne lecture et à bientôt Cordialement Bertrand Campeis |
| | | Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mar 26 Nov 2013 - 21:54 | |
| Bonsoir Mr Campeis Je viens de lire d'une traite vos billets du jours. Vous commencez par vous plaindre de la façon dont je "recadre si cela ne lui convient pas" et vous terminez avec une lettre au Père Noël !!! Qu'allez vous dire maintenant? Que je suis intolérant? Moi aussi je peux formule un voeux? Passer moins de temps à cadrer et plus à échanger. Si j'ai écrit que je suis pas contre les digressions c'est aux conditions qu'elles soient constructives et que le thème principal du fil ne soit pas perdu de vue. - Campeis Bernard a écrit:
- Pour ma part votre question est très compliquée : par possibilité et impossibilité il faudrait pour cela connaître ce que pensait à l’instant T le décideur, et comprendre pourquoi il a pris telle décision, que ce soit par rapport à sa façon de penser et surtout les préjugés qu’il possède (et considère ceux-ci plus comme un mode de pensée qu’un obstacle l’empêchant d’avoir du recul face à une situation) et le fait que souvent une décision cruciale est prise dans l’urgence et que son impact se verra longtemps après. Hors nous pouvons supputer, prendre pour argent comptant ce qu’a dit cette personne (s’il l’a couché sur du papier, en a parlé avec ses proches), bref multiplier les recherches et les sources pour essayer de cerner au mieux les raisons qui entourent une décision. Chercher la vérité historique en somme ;o) et essayer de cerner au mieux une époque, des personnes, des choix en essayant de mettre de côté le fait que nous savons ce qui s’est passé (bref essayer de cerner l’histoire et non la mémoire que nous avons de tel évènement)
Vous avez raison, se pencher sur la question des choix possibles et impossibles dans une situation donnée c'est faire un travail d'historien. En conséquence, je me demande pourquoi certains urchonistes présentent cette démarche comme propre à l'uchronie? Cordialement |
| | | Thierry Moné Général d'Armée
Nombre de messages : 6493 Age : 71 Localisation : Irlande Date d'inscription : 05/04/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mer 27 Nov 2013 - 7:41 | |
| - Nicolas Aubin a écrit:
Sur l'histoire et la mémoire Deux remarques pour répondre à Thierry Moné : une de forme et une de fond. Thierry a écrit "Je suis persuadé que ce n'est pas en opposant "histoire scientifique" (démarche historique répondant aux règles rappelées par Louis Martel et Nicolas Aubin) et "histoire mémorielle" que l'on arrivera à modifier dans le bon sens l'histoire mémorielle et donc la mémoire collective. Une communication permanente et intelligente est nécessaire entre les historiens professionnels ou amateurs et ceux qui entretiennent la mémoire sur le terrain, dans le cadre des cérémonies par exemple." […] "Pour 1940, il me semble que c'est cette "histoire scientifique" moderne qui permettra de modifier petit à petit "l'histoire mémorielle".
La remarque de forme tient à l'expression "histoire mémorielle" qui n'a guère de sens. L'Histoire est l'Histoire, la Mémoire, la Mémoire. Une Histoire mémorielle n'existe pas, on parle par contre de mémoire collective pour désigner un regard subjectif sur le passé partagé par une même communauté comme vous le précisez vous-même.
Pour le fond, je partage votre analyse et l'opposition Histoire-Mémoire m'a souvent posé problème car débouchant vite sur des interprétations manichéennes. La mémoire comporte obligatoirement une dimension historique. Disons que des aspects de l'histoire lui sont indispensables pour se construire et que la mémoire collective peut comme vous le soulignez glisser progressivement vers une lecture apaisée de son passé qui la rapproche de l'Histoire. Notre mémoire nationale de la 2e guerre mondiale me semble plus proche des faits historiques qu'elle ne l'était au temps du résistancialisme. Pour autant la mémoire collective ne peut s'identifier à l'Histoire car, par essence, une est subjective et pas l'autre. Notre mémoire du Moyen Age n'est pas l'Histoire du Moyen Age (par exemple quels sont les mots qui vous viennent en tête quand vous pensez à cette époque ? je suis bien sûr que nous retrouverions les mêmes : "chevaliers, peste, guerre, châteaux fort, féodalité, Lancelot" bref un inventaire empreint de romanesque) … et pourtant force est de reconnaitre, que cette période n'est plus aussi chargée sentimentalement que 1940. Nous pourrions aussi disserter de l'actuelle commémoration de la 1ere guerre mondiale. De plus pour compliquer l'affaire, on a tendance à confondre Histoire et mémoire, tel le devoir de mémoire souvent confondu avec un devoir d'histoire ou à croire que la mémoire est une porte d'entrée idéale vers l'Histoire.
Bonjour à tous, bonjour Nicolas, Je reviens sur un point soulevé ci-avant par Nicolas au sujet de mon expression "histoire mémorielle"... Au temps pour moi ! Je voulais écrire "histoire commémorative" au sens que Pierre Bourdieu lui donne. Et ce n'est pas ici un opportun repentir comme en témoigne l'extrait ci-après de ce que j'écrivais l'été dernier dans le cadre de l'introduction à la problématique de La Horgne. Cordialement, Thierry Moné -------------------- [...] force est de constater que l’histoire commémorative de La Horgne a largement pris le pas sur l’histoire scientifique. Cette histoire « officielle », absolument nécessaire à la gestion de la mémoire collective, aurait très bien pu se rapprocher de la réalité des faits. Mais il n’en fut rien et il serait intéressant, voire utile, de comprendre la raison de cet persistance à demeurer, volontairement ou non, dans la légende ou le mythe[1]. A la fin des années quatre-vingt, le sociologue Pierre Bourdieu s’était justement intéressé aux rapports entre histoire et sociologie en France et en Allemagne : « Elle [l’histoire] balance entre le modernisme d’une science des faits historiques et l’académisme et le conformisme prudents d’une tradition lettrée (visibles notamment dans le rapport aux concepts et à l’écriture) ; ou, plus précisément, entre une recherche nécessairement critique, puisque appliquée à des objets construits contre les représentations ordinaires et totalement ignorés de l’histoire de célébration, et une histoire officielle ou semi-officielle, vouée à la gestion de la mémoire collective, à travers sa participation aux commémorations […] »[2][...] Cette vision franco-française du fait d’armes de La Horgne ne vient pas franchement corriger la légende dans ses excès les plus évidents et ne peut servir qu’à alimenter une « version nationale » de l’événement. Sans réelle valeur scientifique, cette approche doit toutefois être prise en compte dans les travaux entrepris, comme le suggère Pierre Bourdieu : « […] l’histoire qui se veut scientifique, et qui est inscrite dans un champ international, doit compter, à chaque époque, avec une histoire qui répond aux « attentes du grand public », comme on dit, en remplissant la fonction sociale la plus communément impartie à l’histoire, la commémoration ou la célébration du patrimoine national, de ses hauts faits, de ses hauts lieux (les « lieux de mémoire ») et de ses grands hommes (avec par exemple les biographies des grandes figures du Panthéon national). »[2]Il ne suffit donc pas de débarrasser le fait d’armes de La Horgne de sa « gangue » de légende pour espérer approcher une quelconque vérité historique. L’approche historique scientifique des événements doit impérativement emprunter le « champ international » en confrontant vraiment les Spahis de la 3e Brigade aux Schützen de la 1. Panzer-Division. [1] Il serait intéressant d’essayer de définir plus précisément à laquelle de ces deux catégories appartient le « phénomène » La Horgne. Ce sera l’objet d’une partie de l’étude ultérieure (Cf. table des matières : 1.1. Les perceptions du fait d’armes de La Horgne).[2] Bourdieu Pierre, « Sur les rapports entre la sociologie et l'histoire en Allemagne et en France », in : Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 106-107, France, mars 1995, Histoire sociale des sciences sociales, p. 108-122. L’extrait proposé se trouve page 110. L’intégralité du document est consultable en ligne : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1995_num_106_1_3141 (consulté le 08.05.2013).' |
| | | Campeis Bertrand Caporal
Nombre de messages : 28 Date d'inscription : 19/02/2008
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mer 27 Nov 2013 - 11:24 | |
| Bonjour à tous, Cher Louis, deux petites choses : - C'est Bertrand Campeis et non Bernard Campeis, c'est assez troublant de me voir citer avec le prénom de mon père... - Encore une intervention comme celle que vous venez de faire, et je me contente d'un "amen-oui" et j'arrête de discuter. Comme je vous l'ai dit nous sommes chacun face à un écran, sans pourvoir se faire une représentation mentale de notre interlocuteur autrement qu'à travers nos phrases, et que celles-ci peuvent être interprétées de manière diverse et variée, dans mon cas je suis venu ici pour essayer de discuter, pas pour recevoir des "petites" piques tout simplement parce que vous estimez que votre interlocuteur se disperse ou ne répond pas précisément à vos questions. Nous sommes ici pour échanger. Souffrez donc que cela passe par différentes discussions, avec d'autres personnes, et gravitant autour de la discussion en cours, sans que cela vous intéresse forcément. Mais cela peut, peut-être, intéresser d'autres personnes ? Pour moi un forum, un fil de discussion c'est comme être dans un pub, on peut commander la boisson que l'on veut et discuter de ce que l'on veut, tant que cela garde un rapport avec le sujet en cours. Ce qui est le cas dans ma dernière discussion, mais passons : pour moi cette double page uchronique aurait un mérite : celui de mettre en avant la véritable histoire, en montrant des prototypes (du concret), les mettre en scène d'un point de vue uchronique puis expliquer pourquoi cela aurait été plus compliqué voire impossible... Oui c'est un beau vœu, et pour moi, cela serait utile et permettrait de faire d'une pierre, deux coups : faire oeuvre uchronique et nuancer également celle-ci en montrant qu'il s'agit avant tout d'une reconstruction psychologique orientée de notre passé, ce qui nous permet également de revisiter la mémoire que nous avons d'un événement . J'avoue qu'en plus, imaginer François Vauvillier en père noël est une image savoureuse. Pour revenir à votre question : "Vous avez raison, se pencher sur la question des choix possibles et impossibles dans une situation donnée c'est faire un travail d'historien. En conséquence, je me demande pourquoi certains urchonistes présentent cette démarche comme propre à l'uchronie?"Il ne s'agit pas de déterminer si quelqu'un à raison ou tort, l'uchronie est certes un jeu intellectuel, mais sur l'histoire, les deux ne sont pas conflictuels, ils sont complémentaires, la démarche de possibilité et d'impossibilité se pose pour les deux : pour l'historien afin de déterminer un champs des possibles et essayer de cerner au mieux une personne, un événement. Celui qui fait oeuvre uchronique fait la même chose mais prend la direction qui l'intéresse par rapport au message qu'il souhaite faire passer à travers son uchronie (en dépeignant un monde meilleur ou pire que le nôtre, etc.) tous les auteurs d'uchronie que j'ai rencontré ont toujours fait des recherches historiques par rapport à l'uchronie qu'ils développent : à la fois pour un travail de fond (cerner une époque, des personnages, etc.) et partir de cette base pour développer un cadre uchronique qui sonne vrai. Les deux travaillent donc de fait sur l'histoire, même si chacun joue sa partition de son côté avec un but différent.CordialementBertrand Campeis |
| | | Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mer 27 Nov 2013 - 21:19 | |
| Bonsoir Oui, effet. Je vous présente à tous les deux mes excuses pour vous avoir confondu. Puisque vous avez à vous plaindre de moi, je vous conseille de présenter vos doléances à l'équipe de modération. - Campeis Bertrand a écrit:
- ... un beau moyen de rendre justice à nos armes, et à nos soldats.
Je pense que le meilleur moyen de leur rendre justice c'est la vérité. - Citation :
- Il ne s'agit pas de déterminer si quelqu'un à raison ou tort, l'uchronie est certes un jeu intellectuel, mais sur l'histoire, les deux ne sont pas conflictuels, ... Les deux travaillent donc de fait sur l'histoire, même si chacun joue sa partition de son côté avec un but différent.
Premièrement, je n'ai jamais dit ou écrit que l'Histoire est destinée à établir qui a eu raison ou tort, à juger les choix ou les actes passés. Deuxièmement, je n'ai pas écrit que l'uchronie entretien un lien subjectif et conflictuel avec l'Histoire, mais "L'uchronie entretien un lien subjectif et conflictuel avec le passé". C'est la troisième fois que je vous le signale : vous confondez passé et Histoire. Donc, non l'uchroniste ne travaille pas sur l'Histoire, il utilise ce qu'il en connait. - Citation :
- ... la démarche de possibilité et d'impossibilité se pose pour les deux : pour l'historien afin de déterminer un champs des possibles et essayer de cerner au mieux une personne, un événement. Celui qui fait oeuvre uchronique fait la même chose mais prend la direction qui l'intéresse par rapport au message qu'il souhaite faire passer à travers son uchronie (en dépeignant un monde meilleur ou pire que le nôtre, etc.) tous les auteurs d'uchronie que j'ai rencontré ont toujours fait des recherches historiques par rapport à l'uchronie qu'ils développent : à la fois pour un travail de fond (cerner une époque, des personnages, etc.) et partir de cette base pour développer un cadre uchronique qui sonne vrai. Les deux travaillent donc de fait sur l'histoire, même si chacun joue sa partition de son côté avec un but différent.
Toutes les uchronies que j'ai lu me permettent de penser que l'uchroniste à fait le choix de la "direction qui l'intéresse" avant de faire quelques recherches que ce soit et non après. De plus j'ai pu remarquer qu'ils aiment compiler les données matérielles et négligent totalement ou presque les connaissances relevant des domaines culturels et des mentalités.
Je ne connais pas Quentin Skinner et je n'ai lu que le début, mais je crois que sur ce sujet là vous devriez lire Les grecs ont-ils cru à leur mythes? de Paul Veyne, C'est excellent.
Mr Moné, je vous remercie pour le lien vers l'article de Pierre Bourdieu. Je le lirai dès que je peux.
Cordialement
|
| | | dhouliez Admin
Nombre de messages : 9112 Date d'inscription : 21/11/2006
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Mer 27 Nov 2013 - 21:34 | |
| Débat très intéressant, mais qui le serait encore plus sans quelques piques inutiles...
Cordialement,
DH |
| | | Campeis Bertrand Caporal
Nombre de messages : 28 Date d'inscription : 19/02/2008
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 28 Nov 2013 - 11:10 | |
| Bonjour à tous,
Cher Louis Martel,
Pas besoin de vous excuser pour avoir mélangé deux prénoms, et je ne vais pas envoyer un mail à l’équipe de modération parce que nous débattons et ne sommes pas d’accord.
Non, pour ma part je vais en rester là.
Je peux difficilement cautionner des phrases comme
« Je pense que le meilleur moyen de leur rendre justice c'est la vérité. »
Ou
« Toutes les uchronies que j'ai lu me permettent de penser que l'uchroniste a fait le choix de la "direction qui l'intéresse" avant de faire quelques recherches que ce soit et non après. De plus j'ai pu remarquer qu'ils aiment compiler les données matérielles et négligent totalement ou presque les connaissances relevant des domaines culturels et des mentalités. »
Je comprends tout à fait que vous puissiez avoir une opinion différente, je l’accepte.
J’accepte également que vous m’expliquiez que je me trompe, que je confonds certaines choses, théories, etc. C’est la règle du jeu, nous sommes là pour apprendre, dialoguer et ne pas nous arcbouter sur nos croyances ou ce que nous estimons relever de la vérité pure et simple dans notre système de croyance.
Mais à vous lire j’ai vraiment l’impression que, à vos yeux, l’uchronie est un mensonge, une forfaiture... Pire que la frontière entre elle et le négationnisme est ténue : je pousse le bouchon un peu loin je le reconnais mais écrire que le meilleur moyen de rendre justice à nos armes et à nos soldats est faire œuvre de vérité, sous-entend que l’uchronie fabrique « sa » vérité historique. Cette phrase s’inscrit parfaitement à côté du titre de ce fil, l’uchronie comme outil de désinformation.
Même chose quand vous indiquez votre opinion sur les uchronies et les auteurs d’uchronies, c’est votre opinion, je la trouve un peu exagérée, mais bon…
Nous n’arriverons pas à nous entendre, c’est tout, vous avez votre opinion, j’ai la mienne et c’est tout.
Bien à vous,
Bertrand Campeis |
| | | Claude Girod Général de Brigade
Nombre de messages : 2855 Age : 73 Localisation : Jura Date d'inscription : 20/06/2010
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 28 Nov 2013 - 11:47 | |
| Bonjour à tous !
... Il ne nous reste plus qu'à nous forger la nôtre, à la lueur de vos explications ! ... (humour)
Cordialement ! |
| | | Thierry Moné Général d'Armée
Nombre de messages : 6493 Age : 71 Localisation : Irlande Date d'inscription : 05/04/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 28 Nov 2013 - 18:47 | |
| Bonjour à tous, Comme je travaillais aujourd'hui en bibliothèque (Serpente), j'ai jeté un œil sur la revue Ecrire l'histoire, numéro 11 du printemps 2013. On y trouve une partie "Uchronie" sous forme d'un dossier coordonné par Paule Petitier. p 109, Paule Petitier............... Présentation. p 113, Eric Vial...................... Notes sur la counterfactuel history, Robert W. Fogel, Raymond Aron et quelques autres. p 123, Matthieu Letourneur..... Science-fiction et uchronie, entre logiques sérielles et logiques contrefactuelles. p 133, Irène Langlet............... Darwinia, de Robert Charles Wilson. Une objectivation populaire de l'uchronie. ----------------------------------------------------------------- 1. Sous la plume de Paule Petitier, j'ai relevé les extraits ci-après. "Depuis quelques années, l'uchronie, fiction imaginant une évolution alternative de l'histoire, est à la mode [...] Est-ce une façon d'écrire l'histoire ? [...]" La pulsion uchronique est une révolte contre le principe de réalité tel que l'histoire l'incarne. L'histoire est donc en partie l'ennemie de l'uchronie, ce qu'elle cherche à désécrire.[...]" "Sous sa forme non fictive, mais instrumentale, c'est à dire lorsqu'elle est employée à titre d'hypothèse par des historiens pour mesurer le poids de certaines variables (comme Robert W. Fogel raisonnant sur ce qu'aurait impliqué l'absence de chemin de fer aux Etats-Unis*), l'uchronie implique évidemment une réflexion sur les méthodes et les présupposés de la discipline. Elle permet de lutter contre l'illusion d'un déterminisme historique - impossible à établir puisque aucune vérification expérimentale [...]" -------------------- (*) Robert W. Fogel, Railroads and American Economic Growth. Essays in Econometric History, 1964. 2. Sous la plume d'Eric Vial, quelques extraits ci-après. Citant Fritz Redlich : "L'utilité pratique des fictions dans la science sociale par opposition à la recherche historique, est en effet démontrée". [...] "Il tient à insister sur son caractère d'instrument dans la mesure où il s'agit de l'histoire." Citant Stuart Bruchey : "[...] ce n'est pas un "savoir scientifique" que procure l'emploi du contrefactuel, mais bien une conscience affinée de multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche." "La counterfactual history économétrique n'a guère été plus qu'un feu de paille aux Etats-Unis, alors qu'elle a pu être bien reçue en France. Ainsi, Maurice Lévy-Leboyer s'est interrogé sur la validité des indices de Fogel et lui a reproché de trop faire appel au "toutes choses égales par ailleurs" en oubliant les interactions, mais c'était inviter à approfondir la démarche et non la rejeter." " [...] Bref, l'histoire non advenue n'est pas tout à fait taboue en France. Reste à se demander à quoi elle sert. Il faut écarter un rêve : l'histoire devenant une science expérimentale. " " [...] On reste du côté de l'exercice mental, non de l'administration de la preuve. Mais l'exercice a autant de vertus heuristiques que la métaphore ou l'analogie. Il aide à se poser des questions, à s'interroger sur le poids relatif des causes, etc. Il permet d'isoler un facteur, de préciser le poids implicite qu'on lui attribuait. Il peut aider à déconstruire une finalité qui n'est en fait qu'une coïncidence, à mettre en lumière des mécanismes moins aveuglants mais plus réels, à se mettre à la place des acteurs. Raymond Aron notait que "si la politique, c'est la décision face à une situation actuelle, l'histoire, elle, est la considération rétrospective des décisions prises par d'autres, et quelquefois l'effort pour se replacer au moment de la décision, pour spéculer sur les possibles qui ne sont pas devenus réels." "[...] Au total, la counterfactual history illustre un mouvement, auquel elle participe, visant à "défataliser" l'histoire : notre passé figé a été du futur ouvert." Cordialement, Thierry Moné ' |
| | | Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 28 Nov 2013 - 21:10 | |
| Bonsoir
Nous ne sommes pas d'accord, je ne vois pas où est le problème, un débat c'est contradictoire. Chacun présente ses idées, argumente, démontre, illustre, souligne les faiblesses des arguments, démonstrations et exemples contraires. Comme le souligne Mr Girod, cela permet aux autres de se construire leur propre opinion. Je m'arcbouterai à mon système de croyances lorsque je serai mis en contradiction avec lui et que je refuserai de l'admettre. Pour l'instant cela n'est pas arrivé.
Nous en avons déjà débattu, l'uchronie est de nature subjective. En conséquence, elle ne peut prétendre qu'à représenter la vérité de son(ses) auteur(s). Je pense que rendre hommage c'est tenter d'appréhender ce que fut la réalité de ceux auxquels nous voulons rendre hommage, pas présenter notre vision à nous. Pour moi il n'y a que deux formes aptes à atteindre cet objectif : le témoignage des contemporains et l'Histoire.
Merci Mr Moné de ses apports, même si je trouve qu'ils "causent trop compliqués" pour moi ce soir. J'irai consulter le numéro dès que le peux. Vous serait-il possible de prolonger un peu la citation de Mme Petitier? Je souhaiterai avoir un aperçu de ce qui prolonge "aucune vérification expérimentale".
Cordialement |
| | | Thierry Moné Général d'Armée
Nombre de messages : 6493 Age : 71 Localisation : Irlande Date d'inscription : 05/04/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Jeu 28 Nov 2013 - 23:51 | |
| Bonsoir Louis, Je suis désolé, mais je n'ai pas pris d'autres notes, ayant d'autres "petites choses" à rechercher dans d'autres domaines... Il vous faudra consulter la revue en question pour découvrir l'intégralité. Cordialement, Thierry Moné PS. Comme il s'agit du dernier numéro paru de cette revue, il ne m'a pas été possible de l'emprunter (règle bien compréhensible, en vigueur dans la plupart des bibliothèques et centres de documentation). |
| | | JARDIN DAVID Lieutenant-Colonel
Nombre de messages : 771 Date d'inscription : 30/09/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Sam 30 Nov 2013 - 9:16 | |
| Bravo et merci à Thierry pour cet apport théorique toujours intéressant (avec aspro passé une certaine heure) en complément des positions des uns et des autres. 1940, la France continue ... 2013, le débat continue ! JD |
| | | Thierry Moné Général d'Armée
Nombre de messages : 6493 Age : 71 Localisation : Irlande Date d'inscription : 05/04/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Sam 30 Nov 2013 - 9:33 | |
| - JARDIN DAVID a écrit:
- Bravo et merci à Thierry pour cet apport théorique toujours intéressant (avec aspro passé une certaine heure) en complément des positions des uns et des autres.
1940, la France continue ... 2013, le débat continue ! JD J'ai trouvé la solution : je prends désormais les "aspro" avant d'entrer en bibliothèque !!! Je dois avouer que j'avais un petit peu d'avance sur ce coup car nous avions quelque peu étudié l'économétrie l'an dernier dans le cadre d'un séminaire de méthodologie du master 2 d'histoire... Je ne m'étais pas méfié à cette époque, croyant que j'allais tout comprendre du premier coup et j'avais finalement été obligé de prendre les "aspro" après ! Cordialement, Thierry Moné ' |
| | | françois vauvillier GBM
Nombre de messages : 3859 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/10/2006
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Sam 30 Nov 2013 - 12:33 | |
| Bonjour à tous,
À lire ces deux derniers messages, je suis rassuré. Je me sens moins seul. Par moments, je me demande si l'intellectualisme n'étend pas ses rais un peu au-delà des limites où mon ticket demeure valable.
Bref, continuons de faire de l'histoire — et de l'uchronie si le cœur nous en dit — en ne gâtant pas notre plaisir avec des notions qui, tellement éloignées du concret, se perdent dans d'insondables firmaments.
Est-ce bien raisonnable ?
Excellent week-end à tous
François |
| | | Louis Martel Commandant
Nombre de messages : 611 Localisation : Sud-ouest Date d'inscription : 13/06/2009
| Sujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation Sam 30 Nov 2013 - 19:35 | |
| Bonsoir Je m'efforce d'être concret et simple (le système solaire qui perd une planète en 2006, c'est du concret ... non?). Je ne prétends pas à y réussir à chaque fois (surtout les soirs de semaine). Pour moi, être compris relève de la responsabilité de l'émetteur et non des capacités intellectuelles du récepteur, n'hésitez donc pas à me le dire s'il vous trouvez que je suis trop abscons (En revanche, je ne rembourse pas les aspirines!). Il ne faut pas se laisser impressionner par les "grands mots" ou les tournures de phrase et prendre le temps de lire attentivement. Un exemple : "Il aide à se poser des questions, à s'interroger sur le poids relatif des causes, etc." L'auteur donne l'impression de une énumération conséquente. Or nous avons deux membres de phrases qui disent une seule et même chose (Il aide à se poser des questions/à s'interroger sur le poids relatif des causes) mais coupés en deux pour faire du "volume". Ajoutées au "etc", ils suggèrent qu'ils appartiennent à un liste d'exemples. Or, je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression que l'auteur, sur ce point là, nous enfume un peu. Tous mes remerciements Mr Moné, ces extraits sont particulièrement riches comme le montre les réponses à ces questions : Quelles sont les caractéristiques de l'uchronie? - fiction imaginant une évolution alternative de l'histoire - pulsion - une révolte contre le principe de réalité - elle cherche à désécrire - Sous sa forme non fictive, mais instrumentale, ... à titre d'hypothèse ... - fictions - caractère d'instrument dans la mesure où il s'agit de l'histoire - ce n'est pas un "savoir scientifique" - l'histoire non advenue - l'histoire devenant une science expérimentale - exercice mental Ces caractéristiques de l'uchronie balancent entre le champs lexical du subjectif et de l'irréel (fiction, imaginant, pulsion, fictive, contre-factuel, non advenue) et celui du concret (réalité, expérimental/e, hypothèse, mesurer, variables, instrument/al, exercice) ce qui met en évidence qu'il y a une contradiction interne dans la définition de l'uchronie. Quelle est l'utilité de l'uchronie? - Est-ce une façon d'écrire l'histoire ? - elle cherche à désécrire - mesurer le poids de certaines variables - réflexion sur les méthodes et les présupposés de la discipline - permet de lutter contre l'illusion d'un déterminisme historique - procure ... une conscience affinée de multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche - aide à se poser des questions, à s'interroger ... - permet d'isoler un facteur - préciser le poids implicite qu'on lui attribuait - aider à déconstruire une finalité - mettre en lumière des mécanismes moins aveuglants mais plus réels - se mettre à la place des acteurs - spéculer sur les possibles qui ne sont pas devenus réels - "défataliser" l'histoire : notre passé figé a été du futur ouvert Ici c'est une opposition que met en évidence les mots clés (écrire/désécrire, variables, possibles, défataliser/déterminisme, mécanisme et finalité, illusion/réel) entre une histoire mécanique de cause à effet, "passé figé" et une uchronie destinée à restituer des possibilités, un "futur ouvert" passé. Quelles sont les limites de l'uchronie? - ce n'est pas un "savoir scientifique" que procure l'emploi du contrefactuel - oubliant les interactions - écarter un rêve : l'histoire devenant une science expérimentale - non de l'administration de la preuve - autant de vertus heuristiques que la métaphore ou l'analogie (Heuristique désigne toute démarche (enquête, recherche, curiosité, etc) qui aboutie à la mise en évidence d'un élément nouveau). Il y a deux affirmations : l'uchronie ne prouve rien puisqu'elle n'est pas une science et sa capacité à apporter des éléments nouveaux est réduite. L'expression "counterfactual history économétrique" est intéressante. L'économétrie est l'application à l'économie des procédés des sciences expérimentales (fondées sur le postulat de la reproductibilité des résultats, 2 + 2 = toujours 4 et dont la matière est mathématisable) à la validation des modèles économiques. Faut-il en comprendre (mais à partir d'extrait il est impossible de l'affirmer) qu'il y a une tentative pour présenter l'uchronie comme un outil permettant d'appliquer les méthodes des sciences expérimentales à l'histoire et d'en faire une sorte d'histoire expérimentale? Cordialement |
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