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 Quand l'uchronie devient désinformation

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Thierry Moné
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 1 Déc 2013 - 9:28

Bonjour à tous, bonjour Louis, Very Happy 

Plaisanteries mises à part (aspro et autre aspirine...), je n'ai pas trouvé que les auteurs étaient partis pour "enfumer" le lecteur mais qu'au contraire leur réflexion était très dense et assez facilement compréhensible pourvu que l'on ne tente pas ici une lecture rapide en diagonale qui n'a que peu de chance d'aboutir. C'est d'ailleurs ce que montre "l'alignement au cordeau" des éléments du texte, effectué magistralement par Louis Martel.

Quant à l'interrogation finale...

"Faut-il en comprendre (mais à partir d'extrait il est impossible de l'affirmer) qu'il y a une tentative pour présenter l'uchronie comme un outil permettant d'appliquer les méthodes des sciences expérimentales à l'histoire et d'en faire une sorte d'histoire expérimentale?"

... Je crois pouvoir répondre "non, absolument pas !" Plusieurs extraits parmi ceux que j'ai présentés, disent exactement le contraire, limitant l'uchronie appliquée à la recherche historique, à un "instrument" ou à un outil à la disposition du chercheur. A cet égard, j'aime beaucoup la phrase de Stuart Bruchey (*) :

"[...] ce n'est pas un "savoir scientifique" que procure l'emploi du contrefactuel, mais bien une conscience affinée de multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche."

Cette phrase vient conforter mes premières impressions sur une uchronie qui peut se révéler utile à l'historien, pourvu que sont emploi en soit bien maîtrisé par lui et qu'il ne lui demande à aucun moment de transformer sa science sociale - déjà particulière au milieu des sciences sociales - en science "dure" et a fortiori en science expérimentale.

Cordialement,

Thierry Moné

(*) Je ne sais pas d'où cette phrase a été extraite et traduite (c'était peut-être indiqué dans l'article). Il pourrait s'agir de l'ouvrage "The Roots of American Economic Growth", sans certitude.

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 1 Déc 2013 - 21:48

Bonsoir

Je ne doute pas que les réflexions des auteurs du dossier soient denses et intéressantes. Enfumé se rapporte uniquement à l'énumération examinée dans mon exemple. 

Mon interrogation ne porte pas sur l'idée d'une tentative de faire une sorte d'histoire expérimentale par les auteurs contribuant au dossier mais à l'impression que leurs textes font allusion à une telle idée (Désolé, sur ce coup là je n'ai pas été explicite). Sinon, je me demande quelle est la raison de la présence du vocabulaire scientifique : expérimental/e, hypothèse, mesurer, variables, instrument/al, exercice?

Il y a une contradiction à voir l'Histoire comme une science sociale, donc ne répondant pas aux critères des sciences expérimentales et parler des "multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche". Les faits sont la matière de l'Histoire et ce ne sont pas des variables mais des données. Les seuls éléments variables ce sont les interprétations faites par les historiens.


Sur l'idée de sciences expérimentales / dures et sociales / molles, j'ai déjà exprimé ma conception donc je n'y reviens pas.

Vous n'êtes pas le premier à exprimer cette idée d'uchronie "bien maitrisée". Je crois que nous avons là l'occasion d'examiner, expliquer et de définir ce "bien maitrisé".


Cordialement


Dernière édition par Louis Martel le Lun 2 Déc 2013 - 20:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyLun 2 Déc 2013 - 15:27

Bonjour à tous, bonjour Louis, Very Happy 

"[...] ce n'est pas un "savoir scientifique" que procure l'emploi du contrefactuel, mais bien une conscience affinée de multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche." Stuart Bruchey.

Je reprends cette citation pour introduire un exemple assez concret de ce que pourrait être à mon sens, dans le cadre de la recherche historique, une "uchronie bien maîtrisée".

Il s'agit de l'avant-propos rédigé par l'historien américain Arthur Schlesinger Jr. (1917-2010) pour présenter la réédition de 1990 de l'ouvrage bien connu de 1969 " To lose a battle, France 1940" de Sir Alistair Horne (né en 1925) . Cet avant-propos figure toujours dans la réédition de 2007 chez Penguin Politics/History.

Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 <a href=Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 Horne_10" />

Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 <a href=Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 Siteho10" />

Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 <a href=Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 Siteho11" />

A mon sens, cette "rafale de ifs" ne risque pas de déboucher sur un prétendu "savoir scientifique" mais leur seul examen devrait permettre "d'affiner la conscience" de ces multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche. Certes, commencer à répondre à chacune de ces question fait entrer le chercheur dans le monde de l'uchronie, mais il le fait en toute conscience afin de mieux percevoir et/ou éclairer ses conclusions partielles ; à aucun moment, il ne prétend construire une histoire alternative.

C'est sur cet étroit "seuil d'équilibre" que l'uchronie pourrait constituer un "outil" utile à l'historien [chercheur] en stimulant sa prise en compte de situations complexes aux variables multiples.

Bon, ce n'est qu'un avis personnel...

Cordialement,

Thierry Moné

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyLun 2 Déc 2013 - 20:20

Bonsoir à tous
Bonsoir Mr Moné

Je vous remercie de votre réponse. Je suis désolé mais je dois récuser votre exemple puisqu'il s'agit d'imputation causale et non d'uchronie. A un évènement, la défaite de la France, est imputé une série de causes, tous les "Si". Avez vous un autre exemple?

Ce qui me permet de remettre sur le tapis mes questions : Restituer les possibilités et les impossibilités de choix relèvent-il de l'Histoire ou de l'uchronie? Passons-nous de l'Histoire à l'uchronie lorsque la réflexion sur le passé quitte le déroulement réel du passé?
Je crois qu'il y a un abus du mot uchronie. Il y a uchronie quand on réécrit le passé, mais où commence-t-elle? Est-on déjà dans l'uchronie lorsqu'on mène une réflexion sur les choix et les tournants?


Cordialement
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyLun 2 Déc 2013 - 22:29

Bonsoir à tous !
Bonsoir Louis !

Intéressantes, vos questions ...
Pour émettre un avis, simplement et de façon lapidaire, je pense que restituer les possibilités (et les impossibilités) de choix relèvent de l'Histoire ... De même que la réflexion sur les choix et les tournants ...
Il peut y avoir uchronie lorsqu'il y a réécriture du passé, en s'appuyant sur un ou d'autres choix qui auraient pu être possibles  ...

Cordialement !
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyLun 2 Déc 2013 - 23:21

Bonsoir à tous, Very Happy 

"Est-on déjà dans l'uchronie lorsqu'on mène une réflexion sur les choix et les tournants?"

Eh bien, je dirais que les uchronistes "sérieux" semblent passer beaucoup de temps à étudier les facteurs et à choisir un "turning point" pertinent.

Cette réflexion pourrait-elle constituer une sorte de "tronc commun" au sortir duquel l'historien s'arrête et l'uchroniste... poursuit  ! jocolor 

Cordialement,

Thierry Moné

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyMar 3 Déc 2013 - 8:15

Louis Martel a écrit:
Bonsoir à tous
Bonsoir Mr Moné

Je vous remercie de votre réponse. Je suis désolé mais je dois récuser votre exemple puisqu'il s'agit d'imputation causale et non d'uchronie. A un évènement, la défaite de la France, est imputé une série de causes, tous les "Si". Avez vous un autre exemple?

Ce qui me permet de remettre sur le tapis mes questions : Restituer les possibilités et les impossibilités de choix relèvent-il de l'Histoire ou de l'uchronie? Passons-nous de l'Histoire à l'uchronie lorsque la réflexion sur le passé quitte le déroulement réel du passé?
Je crois qu'il y a un abus du mot uchronie. Il y a uchronie quand on réécrit le passé, mais où commence-t-elle? Est-on déjà dans l'uchronie lorsqu'on mène une réflexion sur les choix et les tournants?


Cordialement
Bonjour Louis, Very Happy 

Je dois me rendre à l'évidence, vous avez parfaitement raison. Et, oui, il y a certainement un abus d'emploi du terme uchronie pour qualifier des démarches qui n'en relèvent pas vraiment.

Mais ce petit tour d'horizon aura été bien agréable et instructif grâce aux apports des uns et des autres.

Cordialement,

Thierry Moné
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 9:43

Bonjour à tous, Very Happy 

Je reviens sur mon précédent propos, ayant entretemps suivi - jeudi dernier - un passionnant séminaire de méthodologie à Paris IV-la Sorbonne où se sont succédé Olivier Dard (comment on écrit une biographie) et Eric Anceau qui a lui traité de la prosopographie.

C'est de cette dernière intervention que je voudrais vous parler très brièvement. Après nous avoir donné un certain nombre d'exemples de grands travaux relatifs à des enquêtes prosopographiques, Eric Anceau nous a donné des exemples de ce qui ne pouvait absolument pas être classé dans les études prosopographiques (absence d'un critère essentiel, méthodologie non respectée, etc.)

A la fin de l'intervention, pendant la période réservée aux questions, j'ai dit à Eric Anceau que j'avais été effrayé (sic) par tout ce qu'il venait de développer et que je me demandais si j'allais valider la partie "approche prosopographique" prévue dans mon projet de thèse sur La Horgne... En effet, à la lumière de ce qu'il venait d'exposer, je me rendais bien compte que bien des critères "indispensables" seraient totalement absents de ma modeste approche, ne serait-ce que du fait du nombre réduit d'individus pris en compte (une cinquantaine d'officiers de Spahis environ).

Eric Anceau m'a alors non seulement rassuré mais encouragé à aller au bout de mon "approche" prosopographique et a fait le tour des doctorants présents pour savoir combien d'étudiants préparaient une thèse prosopographique pure et combien envisageaient une partie ou une "approche" de ce type. Personne n'a déclaré avoir opté pour un sujet "pur" mais nous étions trois à envisager une "approche" (et nous nous posions les mêmes questions suite à l'intervention).

Tout cela pour dire que je ne puis m'empêcher de faire le parallèle avec notre débat sur l'uchronie : en fin de compte, n'existerait-il pas une "approche uchronique", pouvant être utile à l'historien, même si elle est éloignée des  critères académiques traditionnels et si certains y sont franchement hostiles ?

Cordialement,

Thierry Moné

[7 décembre 2013, correction orthographique ; sorry, merci Didier Embarassed ]


Dernière édition par Thierry Moné le Sam 7 Déc 2013 - 10:08, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 9:57

Bonjour Thierry,

Je suppose qu'il s'agit bien prosopographie, comme vous l'écrivez dans la deuxième partie de votre message.

Quelle est la différence entre biographie et prosopographie ?

Pour en revenir au sujet, je pense pour ma part que les travaux uchroniques sérieux peuvent être intéressants dans la mesure où ils posent certaines questions sur les liens de cause à effet, par exemple, ou si leurs travaux préparatoires apportent des précisions factuelles, pour un autre exemple.

Comme certains intervenants l'ont fait remarquer, se poser simplement la question "et si... tel évènement avait été différent" est indispensable pour juger l'importance d'un fait, la réalité d'une cause, etc. Ce n'est pas encore de l'uchronie.

Mais je pense également que l'uchronie ne démontre rien, et que lorsqu'elle prétend démontrer quelque chose... le titre du fil est approprié.
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 10:32

dhouliez a écrit:
Bonjour Thierry,

Je suppose qu'il s'agit bien prosopographie, comme vous l'écrivez dans la deuxième partie de votre message.

Quelle est la différence entre biographie et prosopographie ?

Pour en revenir au sujet, je pense pour ma part que les travaux uchroniques sérieux peuvent être intéressants dans la mesure où ils posent certaines questions sur les liens de cause à effet, par exemple, ou si leurs travaux préparatoires apportent des précisions factuelles, pour un autre exemple.

Comme certains intervenants l'ont fait remarquer, se poser simplement la question "et si... tel évènement avait été différent" est indispensable pour juger l'importance d'un fait, la réalité d'une cause, etc. Ce n'est pas encore de l'uchronie.

Mais je pense également que l'uchronie ne démontre rien, et que lorsqu'elle prétend démontrer quelque chose... le titre du fil est approprié.
Bonjour Didier, Very Happy 

Merci d'avoir relevé mes coquilles (comme le mot n'existe pas dans tous les dictionnaires, il est signale comme erroné par les correcteurs automatiques, qu'il soit ou non bien orthographié).

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la légitimité du sujet abordé par Louis Martel et par la pertinence de son titre. Je suis également d'accord sur le fait que l'uchronie (au sens de celle qui développe à l'envi un récit imaginaire conséquent) ne devrait pas avoir la prétention de "démontrer" en matière d'histoire. Mais cette prétention est-elle le fait de nombreux uchronistes ? Je ne le pense pas.

Par contre, quelque chose me "chatouille ou me gratouille" au niveau de l'utilité d'une "approche uchronique" utile à la recherche historique... Mais pour l'heure, j'avoue ne pas avoir réussi à formuler clairement ce qui n'est qu'une impression...

Quant à la différence entre biographie et prosopographie, je dirais que la biographie concerne généralement (ce n'est pas toujours le cas) une seule personne, alors que la prosopographie est une sorte de photographie de groupe d'un ensemble d'individus appartenant tous à un même objet d'étude (les préfets sous le Second Empire, les curés de Normandie, les membres du Forum ATF40, etc...). Dans le cas de la prosopographie, on ne cherche normalement pas à faire une suite de portraits ou de "biographies" mais à tirer des conclusions à partir du croisement de (nombreux) critères soigneusement sélectionnés par l'auteur ou les auteurs de l'étude, et appliqués à chacun des individus (religion, âge, éducation, etc.). On détermine ensuite des tendances (graphiquement sous la forme de "nuages") et l'on en tire des conclusions. Normalement, cette approche interdit le portrait individuel nominatif... et pourtant, comme le soulignait Eric Anceau, de plus en plus de dictionnaires des membres du groupe viennent compléter l'étude prosopographique.

Bon, ce qui précède n'a pas prétention à exactitude absolue, c'est ce qui me vient à l'esprit dans l'instant.

Cordialement,

Thierry Moné

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 11:43

Merci Thierry pour ces précisions.

Je précise ce que j'entends par l'utilité de la démarche uchronique. Je ne pense pas que l'on peut parfaitement se dispenser de la démarche uchronique pour faire de l'histoire, puisque pour moi, se poser une question comme "quelles perspectives auraient été ouvertes si la VIIème armée avait été disponible en Champagne le 13 mai" ne relève pas de l'uchronie mais de la démarche historique.

Toutefois, les uchronies peuvent permettre de soulever des hypothèses complémentaires, et donc peuvent être utiles, sans être nécessaire ou indispensable. Je rejoins l'idée que l'uchronie est avant tout un exercice de style, qui est réussi si l'auteur ou les auteurs maîtrisent l'Histoire.

Quant à la prétention à la démonstration, je pense également que c'est bien le fait d'une minorité d'auteurs, et peut-être plus de lecteurs... mais il est dommage dans ce cas que les auteurs ne démentent pas plus clairement. Auquel cas ce fil n'existerait probablement pas.

Cordialement,

Didier H.
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 13:04

Bonjour à tous !


... /... "se poser une question comme quelles perspectives auraient été ouvertes si la VIIème armée avait été disponible en Champagne le 13 mai ne relève pas de l'uchronie mais de la démarche historique. .../..."
Je partage le point de vue de Didier ...

L'uchronie est un exercice qui consiste, à partir d'un fait historique, à réécrire l'histoire ...
A partir du moment où ceci est clairement notifié ("attention : uchronie") cela ne me pose pas de problème, même s'il s'agit pas de ma "tasse de thé"  ...
Cordialement !
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Nicolas Aubin
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 16:05

Bonjour,

Il me parait indispensable ici de revenir aux fondamentaux : la définition.

Aucun dictionnaire hormis le Larousse ne définit uchronie aujourd'hui. Historiquement on en retrouve trace dans le Larousse du XIXe s et le  Petit Larousse illustré de 1913 mais également dans le Nouveau Larousse Universel de 1948. Apparu puis disparu des Petit Robert et Petit Larousse, il ne réapparaît dans celui-ci qu'en 2005 sous la définition de "reconstruction fictive de l'Histoire relatant les faits tels qu'ils auraient pu se produire".

Selon l'inventeur du terme, Charles Renouvier, l'auteur d'une uchronie écrit l'histoire, non telle qu'elle fut, mais telle qu'elle aurait pu être, à ce qu'il croit" in Charles Renouvier, Uchronie (l'utopie dans l'histoire) : Esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu'il n'a pas été, tel qu'il aurait pu être, Paris, La Critique philosophique, 1876, XVI-413 p. Le dictionnaire Larousse du XIXe siècle donne la définition suivante : UCHRONIE (n.f.) : utopie appliquée à l’histoire ; histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être. « Uchronie » est donc un néologisme du XIXe siècle fondé sur le modèle d’utopie, avec un « u » négatif et « chronos » (temps) : étymologiquement, le mot désigne donc un « non-temps », un temps qui n’existe pas.

Le Trésor de la langue française informatisé donne une définition plus large, adoptée notamment par le critique Raymond Trousson : « Époque fictive ; évocation imaginaire dans le temps ». Cette acception trop large de l'uchronie, qui peut inclure toute la littérature d'anticipation, est contestée (par exemple, par Hinrich Hudde, « L'An 2440 de Louis-Sébastien Mercier » in Maurice de Gandillac et Piron Catherine, Le Discours utopique : Colloque de Cerisy, Union Générale d'Édition, Publications du centre culturel de Cerisy-la-Salle, 1978, p. 250.) Par rapport à nos débats, elle semble effectivement éminemment élargie et ne recouvre absolument pas l'essence même de l'uchronie à savoir l'existence d'une passerelle avec l'Histoire qui est le "point de divergence" ou "Turning Point".

Wikipedia (oui, on a les sources que l'on peut  !!! et je précise de suite que tout ce qui précède émane pour l'essentiel de l'article "uchronie" sur wikipedia) propose une définition globale, qui me séduit assez : « Récit se déroulant dans un monde en tout point similaire au nôtre jusqu’à un certain événement, qui, lui, diffère de ce qui s’est produit tel que nous le connaissons. C’est ce qu’on appellera par la suite, événement divergent. Ce roman devra, par ailleurs, s’intéresser de manière substantielle à cette nouvelle Histoire. ».

D'une manière générale, ce qui recouvre ces définitions, c'est l'affirmation qu'une uchronie est un récit, "une histoire refaite", "une reconstruction fictive relatant les faits", elle implique de choisir une voie unique parmi le champ des possible et de l'emprunter. A partir de là, les questions de Louis Martel me semblent résolues.

"Est-on déjà dans l'uchronie lorsqu'on mène une réflexion sur les choix et les tournants?" La réponse est à mes yeux, NON.

L'uchronie commence, quand pour reprendre l'exemple de D Houliez, l'auteur X écrirait "Le 14 mai à 8h00, les Somua de la 1ere DLM défilent dans les rues de Reims direction la Meuse pour assaillir le flanc des Panzerdivisionen imprudemment avancées. A Chalons, les DIM de la VIIe Armée  se regroupent aussi pour offrir à la DLM une couverture. A 17 heures, après une montée en ligne aussi discrète qu'efficace, trois divisions engagent la contre-attaque. La mêlée est confuse, les pertes terribles des deux côtés. La Luftwaffe ne peut intervenir tant les unités sont imbriquées. la nuit est l'occasion pour les Français de montrer leur agressivité. Guderian voit sa 10. PzD étrillée ce qui l'oblige à divertir ses 1. et  2. PzD pour manœuvrer face au Sud contre la menace française. Finalement dès le 15, alors que le temps se couvre et que la 3e DCR, rattachée à la VIIe Armée relance l'assaut, Hitler ordonne un arrêt de la course à la mer, le temps de sécuriser son flanc sud. L'occasion d'encercler les armées franco-britannique est passée. Désespéré par l'échec de son pari, Hitler s'enivre et tombe dans un escalier se tuant sur le coup ".

Mener une réflexion sur les choix et les tournants implique au contraire d'ouvrir le champ des possibles et non de les fermer au profit d'un seul. Pour filer l'exemple, ce serait écrire, que "la VIIe Armée regroupée en Champagne aurait été en position idéale pour contre-attaquer sur les flancs des Panzerdivisionen. Encore eut-il fallu que la chaîne de commandement française soit réactive et que les colonnes ne soient pas ralenties dans leur marche vers le Nord par des freins logistiques, des raids de la Luftwaffe ou l'afflux des réfugiés. Une telle contre-attaque aurait certainement perturbé les plans allemands. Peut-être aurait elle suffisamment diverti les Panzers ou inquiété Hitler pour laisser le temps aux troupes envoyées en Belgique de se replier en France. Mais les lenteurs dont ont fait preuve historiquement les états-majors françaises, les problèmes de ravitaillement en essence, la maitrise du ciel par les Allemands, les difficultés des Français à mener des attaques rapides et concentrées sont autant d'éléments qui font douter des capacités de la VIIe armée à mener une bataille de rencontre face à l'élite de la Panzerwaffe".

Il s'agit ici bien sûr d'un texte uniquement destiné à illustrer mon propos sans aucune valeur sur le fond.

Travailler sur les champs des possibles pour comprendre les choix réels faits par les acteurs et leurs implications, est à mon avis du ressort de l'Historien. Cela éclaire le passé sans prétendre le réécrire. Je partage donc l'avis de Thierry Moné quand il écrit :"Eh bien, je dirais que les uchronistes "sérieux" semblent passer beaucoup de temps à étudier les facteurs et à choisir un "turning point" pertinent.
Cette réflexion pourrait-elle constituer une sorte de "tronc commun" au sortir duquel l'historien s'arrête et l'uchroniste... poursuit".

Si j'avais réfléchit sur la définition plus tôt, je n'aurai pas inventé dans ma typologie de l'uchronie, cette catégorie "d'uchronie–pretexte à un questionnement historique" qui ne proposant pas un récit alternatif n'est pas une uchronie. Le travail de J Belle n'est pas de l'uchronie, après libre à chacun de juger de la qualité de sa démonstration  mais ce n'est pas le sujet ici. D'ailleurs le titre est clair, "le 15 mai, il fallait rester en Belgique" n'est pas uchronique, il le serait s'il s'était intitulé "le 15 mai, les Français restent en Belgique".

Pour résumer ma pensée en l'état : L'historien réfléchit sur les champs des possibles pour éclairer les faits réels, l'uchroniste emprunte un possible parmi d'autres. L'uchroniste a besoin de l'Histoire pour construire son uchronie, l'historien n'a absolument pas besoin de l'uchronie.

Ce qui ne veut pas dire que je nie l'utilité de l'uchronie dans l'absolu, elle est un plaisir pour le lecteur, plaisir décuplé quand il sent que l'uchroniste a construit une réécriture du passé qui fonctionne, c'est-à-dire qu'elle semble plausible.

Wikipedia nous met aussi en garde contre l'amalgame que l'on fait souvent avec l'anglicisme "alternate history". L'histoire contrefactuelle courante chez les historiens anglo-saxons et l'uchronie se distingueraient en fait par la prééminence donnée soit à l'événement déclencheur (histoire contrefactuelle), soit à ses suites fictives (uchronie). Je ne sais qu'en penser, n'ayant finalement été que rarement confrontée à ces alternate history.
 
Pour terminer, je reviens à la question "Uchronie et mémoire" et sur les arguments de Louis Martel qui ne croît pas que l'uchronie s'apparente à une démarche mémorielle.
Je cite Louis :" Je vois une différence essentielle entre mémoire et uchronie. La première s'enracine dans un vécu, une facette du passé réel, directement (mémoire des acteurs et des témoins) ou indirectement (commémorations et mémoires familiales ou communautaires). La seconde s'enracine dans une fiction. Si mémoire et uchronies ont un lien subjectif avec le passé il n'est pas de même nature".
Non, l'argument n'est pas pertinent car s'intéressant au lecteur de l'uchronie et non à son auteur. L'uchronie pour être écrite s'enracine dans une vision subjective du passé, la mémoire de l'auteur, vision qui est un vécu, une construction mentale du passé, directement (mémoire des acteurs et des témoins) ou indirectement (commémorations et mémoires familiales ou communautaires). Elle s'appui tout comme la mémoire sur des pans d'Histoire à condition que ces pans s'accordent avec la vision subjective de l'auteur (comme par exemple dans le cas de "Et si la France… avait continué la guerre", la minutie accordée aux matériels ou aux ordres de bataille et un rejet total des questions doctrinales).

Louis encore : "Cette différence peut-être très ambiguë. Dans le cas de mon hypothèse (et non une définition) d'un discours qui s'auto-alimente, alors le fait d'adhérer à telle uchronie peut-être le résultat d'un héritage mémoriel." Sur ce point nous sommes partiellement d'accord et cela confirme la dimension mémorielle de l'uchronie, elle n'est efficace qu'auprès des membres de la communauté qui partagent la même mémoire. Mais si le discours uchronique  alimente ce n'est pas lui-même ("processus d'auto-alimentation"), mais il alimente la mémoire de cette communauté. S'il y a auto-alimentation, c'est l'auto-alimentation de la mémoire par l'intermédiaire de l'uchronie. J'ai toujours écrit que l'uchronie se rattachait au registre mémoriel au même titre que le sont les "Lieux de mémoire", je n'ai jamais écrit qu'elle était La mémoire. L'uchronie, la fiction, serait un vecteur de la mémoire pour s'enraciner encore davantage.

Louis enfin : "Autre différence qui me vient à l'esprit : la mémoire est essentiellement un héritage, l'uchronie se fonde sur un choix." L'uchronie est aussi le produit d'un héritage, l'uchronie n'est pas une création spontanée et le choix du Possible qui est emprunté est le fruit d'un héritage mémoriel. Dans un second temps, l'uchronie vient renforcer auprès des lecteurs cet héritage mémoriel commun.

 

C'est tout pour aujourd'hui, et c'est déjà pas mal.


Cordialement

Nicolas Aubin
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 16:22

Bonjour Nicolas,

Effectivement, c'est déjà pas mal ! Very Happy 

Cordialement,

Thierry Moné
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 20:19

Bonsoir à tous
Merci pour vos réflexions.

Comme je n'ai pas poussé ma réflexion dans le sens uchronie-mémoire, je n'ai rien à répondre pour l'instant.

Thierry Moné a écrit:
... en fin de compte, n'existerait-il pas une "approche uchronique", pouvant être utile à l'historien, même si elle est éloignée des  critères académiques traditionnels et si certains y sont franchement hostiles ?
Ce genre d'approche n'existe pas à ma connaissance. Lié par la nécessité de dire "vrai" et la méthodologie, l'historien ne peut pas tout expliquer. Parfois il peut formuler les questions mais pas les réponses, c'est là que où s'arrête l'Histoire et où l'uchronie peut commencer. En juin 1940, le gouvernement à la possibilité matérielle de quitter la métropole. Un historien peut le dire car c'est vrai. Mais quelles auraient été les conséquences, était ce le meilleur ou le moins mauvais des choix? Là ce n'est plus le passé mais notre regard sur le passé, c'est le domaine de l'opinion, l'uchronie y a toute sa place. L'historien peut définir des éléments de réponse mais pas formuler de réponse (ou alors sous la forme d'opinion personnelle), c'est à chacun de la formuler. Bref le domaine de l'uchronie c'est les vides laissés par l'Histoire.

Pour ceux que ces questions sans réponses démangent, l'uchronie permet de formuler leur réponse. Mais je ne vois pas comment une méthodologie pourrait transformer cette opinion, cette vérité d'un individu en vérité scientifique qui s'impose à tous. Je ne crois pas à une méthodologie capable de rendre l'uchronie utile à l'historien. Je pense que l'exigence envers les uchronistes doit se limiter à une "nécessité" de respecter le domaine de l'historien, d'identifier la limite jusqu'où des réponses historiquement fondées sont ou peuvent être formulées. Au delà, il peut  laisser son imagination et sa subjectivité s'exprimer pleinement.

Je vois deux types de conflits possible.
- Si l'uchroniste empiète sur le champs de l'Histoire, là où l'historien peut formuler les explications et des réponses.
- Lorsque l'uchroniste pense délivrer une vérité historiquement valable et la présente comme t-elle.

Dhouliez a écrit:
... se poser une question comme quelles perspectives auraient été ouvertes si la VIIème armée avait été disponible en Champagne le 13 mai ne relève pas de l'uchronie mais de la démarche historique
Cela dépend par ce que vous entendez par VIIème armée :
Si vous vous la représentez comme une armée en ordre de bataille vous êtes dans un cadre uchronique.
Si vous vous la représentez comme un état-major et ses éléments organiques sans unités subordonnées mais avec une ou plusieurs hypothèses d'emploi formulés dans le style "s'engager dans telle direction avec telle mission avec comme moyens n corps, n divisions et n éléments de réserve générale qui parviendrons entre tel et tel jour suivit d'un deuxième lot d'unités arrivant à partir de tel jour ...". Là vous êtes dans un cadre historique.


Pour alimenter les réflexions sur la compréhension des choix historiques :
R. Koselleck Le futur passé, contribution à la sémantique des temps historiques, traduit et édité par l'EHESS en 1990
Il développe deux concepts clés/outils intéressants :
- Le champs d'expérience : l'héritage de leur propre passé, le mémoire qu'ils en ont et comment elle pèse sur leur façon de penser et leur manière de faire leur choix
- L'horizon d'attente : le futur tels qu'ils l'appréhende, les opportunités, possibilités et les impossibilités qu'ils y voient, leurs craintes et leurs espérances, leurs attentes. Il ne faut pas le confondre avec les possibilités et impossibilités que nous nous voyons. ce qui revient à commettre un anachronisme.

Sur la relation de cause à effet, souvent utilisée en Histoire comme système explicatif (et dans la vie courante), je dois attirer votre attention sur le fait que dans ce type de relation, on part d'un fait désigné comme "conséquence" pour remonter à un autre désigné comme "cause". C'est une relation à "rebrousse temps" à utiliser avec précaution et ne pas accepter sans examen critique car c'est un système explicatif où la subjectivité dispose de plus de place pour s'exprimer.

Cordialement
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 21:15

Louis Martel a écrit:
Bonsoir

Je crois que les échanges ont été plutôt "unilatéral" malgré que la porte a été, est et reste ouverte, donc je vois pas pourquoi le soucis de passer de la pommade doit être prioritaire. Je préfère parler franchement (à ne pas confondre avec de l'hostilité).

Je pense que ce petit bilan n'est pas inutile puisqu'il montre deux catégories de réponses :
- dans le domaine de l'opinion, du subjectif,
- dans le domaine du rationnel
Or quand on se penche sur la définition du mot uchronie, cela fait sens :
Pour le philosophe Pierre Renouvier parle d'"utopie de l'histoire". Il écrit "l'auteur d'une uchronie écrit l'histoire, non telle qu'elle fut, mais telle qu'elle aurait pu être, à ce qu'il croit".
L'expression "... à ce qu'il croit." est importante car elle souligne le caractère subjectif de l'uchronie. Le point de départ d'une uchronie est son auteur et sa croyance dans la possibilité d'un passé qui aurait pu être.
Une uchronie ne se fonde donc pas sur des faits mais sur sa finalité, son but, montrer ce passé utopique, parfait, qui aurait pu être et certains vont plus loin car pour eux ce passé aurait dû être.

Donc, je ne classe pas les exemples donnés par Messieurs Moné et Vauvillier dans les uchronies bien qu'il me parait nécessaire quelles soient présentées comme telles par soucis de clarté (d'où mon emploi du mot "sévère"). Dans les deux cas, les faits constituent le point de départ et il n'y a pas de lien subjectif avec le sujet.
Dans le premier cas, il s'agit de montrer que le déroulement des évènements échappent en grande partie aux acteurs et de prévenir toute lecture téléologique (ce que certains désignent à tort comme "déterminisme historique").
Dans le second, il s'agit de mettre en image des engins qui n'ont pas existé matériellement mais ont existé sous formes d'idées, de plans, d'esquisses, donc encore une fois nous partons des faits.
Dans ces deux cas la finalité est de montrer des faits, il n'y a pas de volonté de montrer un passé différent. En conséquence, je dirais que l'utilité de l'uchronie à l'Histoire reste à démontrer.

Aux côtés des uchronies faites pour démontrer, il faut aussi ajouter une seconde catégorie d'uchronies, celles faites pour le plaisir.

Ces différences de point de départ et de finalité sont, pour moi, les éléments distinctifs entre l'uchronie et l'Histoire.

Cordialement
Bonjour à tous, bonjour Louis, Very Happy 

Ayant relu l'intégralité de ce fil, je reviens sur un post de Louis Martel, post dans lequel il me semble avoir "évacué" un peu vite ma très modeste contribution à ce que je pense bien être une "approche uchronique" (cf. mon post récent sur mon "approche prosopographique").
 
Je m'explique en reprenant comme exemple palpable mon paragraphe de 2010 extrait de l'ouvrage "Les Spahis de La Horgne". En 2010, je m'étais risqué à suivre Charles Renouvier - bien modestement il est vrai - en terminant ainsi le chapitre décrivant le cœur du combat de La Horgne :
 
           " Le soir du 15 mai 1940, défenseurs et attaquants de La Horgne pouvaient légitimement annoncer « mission accomplie ». Les premiers avaient réussi le tour de force de tenir la position de La Horgne jusqu’en fin d’après-midi. Les seconds avaient réussi à faire sauter le verrou de La Horgne. Dans les deux cas, il s’agissait pour les protagonistes de gagner du temps. Les défenseurs devaient gagner les délais nécessaires à la mise en place d’une contre-attaque de niveau opératif qui n’aura hélas pas lieu (14e DI). Les attaquants devaient maintenir le rythme de progression après le déclenchement du « coup de faucille », cette conversion de niveau opératif venant balayer le terrain au nord de la vallée de la Somme.

            En conclusion, il est peut-être intéressant de basculer dans l’uchronie, pour réaliser qu’à la guerre le résultat final tient parfois à peu de choses. En effet, si les Allemands n'avaient pas sous-estimé initialement leur adversaire de La Horgne, ils ne se seraient pas engagés ainsi à la légère, sans unité de reconnaissance et sans appui de l’artillerie de campagne. Quand le 3e Bataillon (Richter) du Schützen-Regiment 1 (Balck) se fait accrocher, il monte une manœuvre très classique : fixer, déborder, aborder, réduire, se mettre en garde. Contre toute attente, c’est le 2e RSA qui fixe tour à tour les compagnies allemandes qui ne peuvent alors ni avancer ni reculer, puisque dans leur dos se trouve un versant sur lequel les fantassins seraient tirés comme des lapins en cas de repli. Les Allemands peuvent utiliser leurs armes organiques d’appui d’infanterie, mais ne peuvent pas se risquer à appliquer des tirs d'artillerie de campagne avec des combattants aussi imbriqués. Il leur faut donc monter une attaque « à front renversé », en débouchant par la route de Poix-Terron et, simultanément, en débordant par le sud vers la Ferme de la Tour. Ce sera le rôle des chars du Bataillon Sauvant, précédés par une intervention de l’artillerie de campagne enfin disponible (14h 30). Cette artillerie appliquera des feux sur les deux axes de prise à revers et sur la ligne d’arrêt tenue par le 2e RSM.
Si le Kampgruppe Krüger avait été complet au départ de l’action le 15 mai au matin, avec ne serait-ce qu'une batterie à quatre pièces de 10,5 cm à hauteur de Singly, les artilleurs auraient sans doute appuyé le décrochage des éléments de reconnaissance ou même de la première compagnie fixée par le 2e RSA, puis auraient traité, avec le 1er Groupe du 73e Régiment d’Artillerie, l'ensemble du village, barricade comprise. A midi au plus tard, tout aurait été terminé car la position du secteur de l'église et de la mairie serait devenue rapidement intenable.

Je pense que le dernier paragraphe de mon extrait (en rouge), constitue bien une approche uchronique.

1. Ce paragraphe répond tout à fait à la définition rappelée par Louis :
Pour le philosophe Pierre Renouvier parle d'"utopie de l'histoire". Il écrit "l'auteur d'une uchronie écrit l'histoire, non telle qu'elle fut, mais telle qu'elle aurait pu être, à ce qu'il croit". L'expression "... à ce qu'il croit." est importante car elle souligne le caractère subjectif de l'uchronie. Le point de départ d'une uchronie est son auteur et sa croyance dans la possibilité d'un passé qui aurait pu être.
Et oui, dans cette écriture je suis bien l'auteur d'un déroulement qui n'a pas existé et que je crois non seulement possible mais même probable (caractère hautement subjectif du déroulement adopté, résultat de ma formation professionnelle et de mon analyse technique des facteurs, après que j'ai volontairement modifié des éléments de la situation réelle). Je montre donc bien un passé utopique (je récuse le terme de "parfait") qui aurait pu être (mais en aucun cas qui " aurait du être ").

2. [...] les faits constituent le point de départ et il n'y a pas de lien subjectif avec le sujet. [...] il s'agit de montrer que le déroulement des évènements échappe en grande partie aux acteurs et de prévenir toute lecture téléologique (ce que certains désignent à tort comme "déterminisme historique"). 
Je n'ai jamais voulu montrer que le déroulement des évènement échappait en grande partie aux acteurs (je suis même totalement opposé à cette idée...). J'ai choisi un abordage du village de La Horgne totalement différent de celui effectué dans la réalité et mes choix sont bien subjectifs (liés à ma connaissance tactique par analogie et par connaissance des pratiques de l'époque ainsi que des caractéristiques des matériels).
Loin de moi l'idée de me frotter aux notions kantiennes de lecture téléologique de l'histoire (d'après Marceline Mozais, "une lecture téléologique de l'histoire ne vise nullement à énoncer les lois universelles qui en déterminent le cours, mais à adopter dans notre réflexion sur elle un fil conducteur qui permette de relier entre eux des phénomènes qui demeureraient autrement, contingents").


3. Au bout du compte, j'en reviens à mon "ami" Stuart Bruchey :
"[...] ce n'est pas un "savoir scientifique" que procure l'emploi du contrefactuel, mais bien une conscience affinée de multiples variables se rapportant à l'objet de la recherche."
Mon "approche uchronique", bien modeste je vous l'accorde, me permet avant tout de montrer par une fiction ce qu'aurait pu être la forme "normale" de l'action de combat de La Horgne, eu égard à la disproportion des moyens. Je ne trompe pas le lecteur puisque j'annonce d'emblée la couleur, mais je lui montre par ce biais le caractère exceptionnel du combat de cette journée. L'approche uchronique me fournit, en l'occurrence, une manière d'échelle de normalité qui vient souligner l'aspect extra-ordinaire du fait d'armes.

Cordialement,

Thierry Moné

PS. A vrai dire, que mon approche soit ou non académique, m'importe peu.

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 22:10

Bonsoir Thierry !

"Si le Kampgruppe Krüger avait été complet au départ de l’action le 15 mai au matin, avec ne serait-ce qu'une batterie à quatre pièces de 10,5 cm à hauteur de Singly, les artilleurs auraient sans doute appuyé le décrochage des éléments de reconnaissance ou même de la première compagnie fixée par le 2e RSA, puis auraient traité, avec le 1er Groupe du 73e Régiment d’Artillerie, l'ensemble du village, barricade comprise. A midi au plus tard, tout aurait été terminé car la position du secteur de l'église et de la mairie serait devenue rapidement intenable."


"Approche uchronique" écrivez-vous ... Peut être  ... !
Je n'y vois, pour ma part, qu'une (ce n'est pas péjoratif) analyse de l'historien d'une situation militaire donnée, et 'une hypothèse (plus que vraisemblable, certes) avancée ...
Cordialement !
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptySam 7 Déc 2013 - 22:58

Claude Girod a écrit:
Bonsoir à tous !
Bonsoir Louis !

Intéressantes, vos questions ...
Pour émettre un avis, simplement et de façon lapidaire, je pense que restituer les possibilités (et les impossibilités) de choix relèvent de l'Histoire ... De même que la réflexion sur les choix et les tournants ...
Il peut y avoir uchronie lorsqu'il y a réécriture du passé, en s'appuyant sur un ou d'autres choix qui auraient pu être possibles  ...

Cordialement !
Bonsoir Claude, Very Happy 

J'ai bien lu votre dernier post mais je voulais également faire référence à celui qui figure ci-avant.

Ces points de vue - que vous qualifiez vous-même de "lapidaires" - sont quand même difficiles à exploiter pour faire progresser le débat en cours... Un développement plus conséquent serait donc le bienvenu ! pirat 

Cordialement,

Thierry Moné

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 5:16

Bonjour Thierry !
Bonjour à tous !
... Vous avez tout à fait raison ... J'exprimais seulement de façon très laconique un sentiment ... Celui-ci mériterait-il développement  ... ? ? Pour différentes raisons, je pense que j'en resterai là ! ... tout en continuant à suivre ce fil avec intérêt ! ...
Bonne journée à tous !
Cordialement !
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 7:21

Claude Girod a écrit:
Bonjour Thierry !
Bonjour à tous !
... Vous avez tout à fait raison ... J'exprimais seulement de façon très laconique un sentiment ... Celui-ci mériterait-il développement  ... ? ? Pour différentes raisons, je pense que j'en resterai là ! ... tout en continuant à suivre ce fil avec intérêt ! ...
Bonne journée à tous !
Cordialement !
Bonjour Claude, Very Happy 

C'est vous qui voyez... pirat 

Mais le paragraphe en question, tel qu'il est rédigé, pourrait-il s'intégrer à la démarche historique "académique" appliquant la méthodologie ? Ce n'est pas certain... Alors pourquoi se priver de cet "outil" à notre disposition, de ce que je qualifie "d'approche uchronique".

En prenant un certain nombre de précautions (garantes de la "maîtrise" de l'outil), on ouvre une incise dans la démonstration, qui permet de s'échapper un court instant du cadre parfois trop strict et contraignant de la méthode. Si cette voie permet de mieux faire comprendre, en l'occurrence, le caractère extra-ordinaire de l'événement réel (ou de l'objet historique), pourquoi s'en priver ?

Parmi les précautions à prendre, je pense que la première consiste à annoncer d'emblée "attention, début d'uchronie !" (et, si c'est nécessaire, annoncer également "fin d'uchronie",  à la manière de ces convois exceptionnels que l'on vient à croiser sur une route qui n'est pas initialement conçue pour les recevoir pirat ).

Bon, ce n'est bien entendu qu'un avis d'amateur et je lirai avec beaucoup d'intérêt les commentaires de nos vrais spécialistes bien connus (partisans ou/et opposants de l'usage de l'uchronie). 

Cordialement,

Thierry Moné

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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 9:23

Bonjour


si le coeur vous en dit, voici un extrait d'un gros livre à paraître, où je me permets une seule fois de recourir à l'uchronie pour appuyer une démonstration.

Il s'agit de mesurer l'habileté et la dangerosité de Hitler par l'ablation du grain de sable qui le déstabilise le 10 mai 40 et va finalement le conduite à sa perte : la venue de Churchill au pouvoir.




Citation :
Pour mesurer la réussite du Troisième Reich à son zénith, rien ne vaut un exercice prisé par les Anglo-Saxons : l’uchronie, dite encore le « what if ? ». Pour simplifier le propos, on fera commencer la divergence avec l’histoire réelle le 10 mai 1940.
Le stratège « brouillon » qu’était Hitler (aux yeux d’un large public qui n’a régressé, après 1945, que très lentement), avait réussi ce coup de maître, à son insu il est vrai, par son attaque-surprise du Danemark et de la Norvège : faire tomber les deux gouvernements ennemis. Paul Reynaud était en effet démissionnaire le soir du 9 mai, tout comme Chamberlain. C’est l’annonce de l’offensive allemande commencée à l’aube qui le remet en selle, tout en lui imposant une réconciliation précaire avec Daladier et Gamelin. Or Chamberlain aussi avait voulu reprendre sa démission en faisant valoir qu’il convenait de garder le pilote à la barre, le temps de voir ce que donnait cette offensive présumée viser la Belgique, la Hollande et le Luxembourg. C’est l’intervention de son vieil ami Kingsley Wood, membre du cabinet de guerre, qui avait été décisive pour empêcher cet acrobatique rétablissement et faire en sorte qu’on respectât la combinaison péniblement échafaudée la veille : Churchill premier ministre d’un cabinet où les appeasers gardaient les plus fortes positions avec Chamberlain et Halifax, respectivement deuxième et troisième dans la hiérarchie gouvernementale. Chamberlain conservait la présidence du parti conservateur et, ainsi, la maîtrise de son groupe parlementaire, où Churchill restait fort impopulaire. A part Winston, les antinazis de plus ou moins longue date (Eden, Amery, Cooper) n’occupaient que des strapontins. Imaginons donc un instant que Wood ait été victime de quelque indisposition et que Chamberlain soit demeuré premier ministre.
La contrée qu’on n’appelle pas encore « Benelux » se révèle vite n’être qu’un apéritif, et la France apparaît comme l’objectif principal. Plus exactement, ce sont sa puissance et son prestige militaires qui sont dans le collimateur allemand. L’un et l’autre sont ruinés dès le 15 mai, jour où la brèche pratiquée sur la Meuse atteint 80 kilomètres de largeur, du moins Reynaud, ainsi que Daladier et Gamelin (demeurés ses deux principaux collaborateurs en matière militaire, l’un au ministère de la Guerre, l’autre au commandement en chef), le savent bien… et ne comptent guère sur une Angleterre dirigée par Chamberlain pour les tirer de ce mauvais pas. Des propositions « généreuses » de Hitler submergent les cabinets de Londres et de Paris, et atteignent peut-être même leurs opinions publiques par des fuites distillées dans la presse. En effet, si dans l’histoire réelle Hitler est gêné, pour claironner ces offres, par la peur d’une cinglante réplique de Churchill, clamant qu’elles sont dictées par la peur, la lâcheté et le souci de dissimuler des ambitions bien plus vastes, nous supposons ici qu’au lendemain de la percée de Sedan Churchill, ministre de la Marine, est trop marginal pour peser dans la décision rapide que requiert le coup de maître hitlérien. D’ailleurs, dans l’histoire réelle, on ne sait au juste quand et comment Dahlerus transmet à Londres le message de Göring mais on sait en tout cas qu’un point secondaire de la conversation du 6 mai (un projet concernant Narvik, dit « plan Dahlerus ») est évoqué pendant plusieurs réunions du cabinet de guerre, du 19 au 23 mai. Cela suggère à la fois que Halifax a reçu les propositions « généreuses » et que, inhibé par la martiale éloquence de Churchill, il n’a pas osé lui en parler, ni les soumettre aux ministres assemblés, se contentant de tâter le terrain par un débat sur la proposition accessoire qui concerne Narvik –et d’entamer une démarche complexe pour connaître les conditions allemandes par l’intermédiaire de l’Italie. Il est difficile de croire qu’il aurait eu la même retenue vis-à-vis d’un Chamberlain demeuré à la tête du cabinet de guerre.

La paix, toujours dans cette hypothèse, est donc signée rapidement, la Wehrmacht évacue toute l’Europe de l’Ouest et du Nord, elle est démobilisée en grande partie et Hitler abandonne la chancellerie à Göring pour se consacrer, avec Speer, à l’édification de monuments exaltant le Grand Reich dans Berlin rebaptisée Germania. Staline, flatteusement traité en auxiliaire de la victoire, est invité de façon amicale mais pressante au défilé célébrant celle-ci et ne peut se dérober …ou, s’il le fait, se désigne lui-même comme responsable d’un refroidissement des relations, obligeant le Reich à arrêter sa démobilisation pour tenir en respect le bolchevisme juif décidément incorrigible. Des élections, soit prévues de longue date soit reportées pour cause de guerre, ont lieu dans l’automne à Paris, Londres et Washington. Roosevelt n’a plus aucun prétexte pour briguer un troisième mandat et un républicain admirateur de Hitler, Lindbergh par exemple, est largement élu. Reynaud, clamant qu’on l’a appelé trop tard, se fait plébisciter à Paris où la gauche tombe à son plus bas niveau historique, l’heure est à la liquidation des derniers vestiges du Front populaire et à une « révolution nationale » prétendant s’inspirer de tout ce qui, en Allemagne, avait si bien réussi à « remettre le pays au travail ». L’atmosphère n’est guère différente à Londres, où Halifax succède sans heurt à Chamberlain malade, et où Churchill, qui perd son siège de député, semble cette fois bel et bien fini.

Le traité de paix comporte (1) la cession au Reich de Madagascar, prestement débarrassée de ses colons français. Les SS en prennent possession et des cargos aux cales bourrées de Juifs polonais commencent à arriver avant la fin de l’année ; un certain nombre sont morts de sous-nutrition et de désespoir pendant la traversée et le problème du traitement des cadavres (qui va s’avérer, en Europe, si complexe) a été simplifié par l’immensité océanique. Mais la grande île de l’océan Indien avait été présentée, lors du traité de paix, comme un futur Etat juif, et le gouvernement Halifax en profite pour faire baisser la tension en Palestine. On commence à embarquer à Haïfa ou Akaba des Juifs désespérant des perspectives palestiniennes et tentés par l’aventure malgache, au grand dam du chef de l’autorité juive en Palestine, David Ben Gourion, qui n’a guère de moyens pour s’y opposer… Ainsi, la très réaliste Grande-Bretagne a bel et bien abandonné sa politique d’équilibre européen, au profit de la recherche d’un « équilibre mondial ». Et même si on ne va pas jusqu’à un embarquement vers Madagascar des colons juifs de Palestine, force est de constater que l’Angleterre maîtresse des mers, en permettant à l’Allemagne de mettre la main sur une telle colonie et en la laissant installer des liaisons maritimes avec elle, se fait complice d’un génocide… sur lequel elle fermera probablement les yeux le plus longtemps possible.

Revenons à la véritable histoire : pendant quatre jours (du 25 au 28 mai), les gouvernements de Paris et de Londres sont en proie à la tentation de la paix, qui hante (mais on le découvrira très progressivement, et seulement à partir des années 1970 -2-) leurs délibérations internes et leurs conversations diplomatiques ; pendant la plus grande partie de cette période, l’arrêt des combats devant Dunkerque (dont il n’est pas question dans les débats des gouvernants –du moins ceux qui sont consignés dans des procès-verbaux ; ils savent cependant que le port n’est pas encore pris, ni coupé de son arrière-pays) leur procure un sursis, pendant lequel la signature de cette paix éviterait un sort funeste (la capture ou la destruction) à la fine fleur de leurs troupes terrestres. En définitive, même si l’offensive redémarre et semble destinée à empêcher l’embarquement de l’ennemi, un rôle majeur reste dévolu à l’aviation et les blindés sont carrément retirés du front le 28, pour se redéployer sur la Somme et sur l’Aisne en vue de la phase finale de l’offensive contre la France : Hitler, s’il ne s’est pas arrêté pour laisser s’embarquer les Anglais qui, alors, n’en manifestaient nulle intention, ne semble pas mettre une grande énergie à empêcher cette fuite.

1 On le sait par un projet de la fin juin, que rien n’empêchait d’élaborer en mai si la paix était en vue : cf. Husson (Edouard), op. cit., p. 106-107.
2 Jusque vers 1990, les tractations diplomatiques menées par la France et l’Angleterre à cette époque sont censées avoir pour but de proposer des compensations à l’Italie pour la retenir d’entrer en guerre ; cet aspect des choses, s’il n’est pas entièrement imaginaire, est cependant le pavillon honorable qui cache une recherche de la paix avec l’Allemagne par le truchement de Mussolini –devenue honteuse et tabou en raison du triomphe, en 1945, de l’option churchillienne, et du dévoilement concomitant de l’ampleur de la criminalité nazie. Cf. par exemple Duroselle (Jean-Baptiste), Politique extérieure de la France : l’Abîme, Paris, Imprimerie nationale, 1982, p. 188-193.
L'uchronie, pour être utile, doit recycler le plus possible d'éléments indubitables. Pour cela, nos Etats de droit sont bien utiles, par exemple  grâce aux périodes électorales qui reviennent avec une régularité de métronome, et dont il n'y a pas de risque à penser que les acteurs avaient les échéances en tête.
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Nicolas Aubin
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 9:29

Bonjour à tous,

1er point. J'ai constaté en me relisant une lacune dans mon raisonnement dans mon message du samedi 7 décembre qui le rend incompréhensible. Je me cite :

"Mener une réflexion sur les choix et les tournants implique au contraire d'ouvrir le champ des possibles et non de les fermer au profit d'un seul. Pour filer l'exemple, ce serait écrire, que "la VIIe Armée regroupée en Champagne aurait été en position idéale pour contre-attaquer sur les flancs des Panzerdivisionen. Encore eut-il fallu que la chaîne de commandement française soit réactive et que les colonnes ne soient pas ralenties dans leur marche vers le Nord par des freins logistiques, des raids de la Luftwaffe ou l'afflux des réfugiés. Une telle contre-attaque aurait certainement perturbé les plans allemands. Peut-être aurait elle suffisamment diverti les Panzers ou inquiété Hitler pour laisser le temps aux troupes envoyées en Belgique de se replier en France. Mais les lenteurs dont ont fait preuve historiquement les états-majors françaises, les problèmes de ravitaillement en essence, la maitrise du ciel par les Allemands, les difficultés des Français à mener des attaques rapides et concentrées sont autant d'éléments qui font douter des capacités de la VIIe armée à mener une bataille de rencontre face à l'élite de la Panzerwaffe"."

Pour donner une dimension historique à ce propos, il serait bien sûr indispensable de le relier à des faits réels. Cette digression n'a de sens que rapporté à un choix réel. Ici un tel raisonnement permet je crois aux lecteurs de mieux comprendre la portée du basculement de la VIIe  Armée en novembre 1939 (la date est de mémoire) de la région de Reims en réserve du GQG à l'extrémité gauche du Front (région de Dunkerque) en vue de mettre en œuvre l'hypothèse Dyle et plus tard son extension Breda.

Elle ne saurait historiquement se suffire au risque de proposer une lecture partisane. Elle implique de se questionner globalement sur le pourquoi de ce changement de plan :

·         Raisons politiques,

·         Motivations stratégiques,

·         Bras de fer entre Georges et Gamelin au sein de l'état-major,

·         Etude du  fonctionnement de la chaîne de commandement afin de montrer que, contrairement à nous, jamais la question des avantages et des défauts d'un  tel changement n'a clairement été mis sur la table à l'époque par les acteurs (je vous renvoi à la thèse de Bruno Chaix, En mai 1940, fallait-il entrer en Belgique ?)

Surtout, réfléchir un peu sur l'hypothèse d'une VIIe Armée conservée en Champagne permettrait aussi de nuancer l'impact du déplacement de la VIIe Armée considéré comme le péché originel de Gamelin (par des historiens comme Henri Michel ou Paul Marie de la Gorce).  Ce fut, certes, un facteur aggravant qui facilita la réussite du coup de faux allemand, il ne doit pas masquer pour autant les autres faiblesses de l'armée française.

2e point. Par rapport à Thierry Moné et à l'utilité d'une uchronie "encadrée" dans le cadre d'une démarche historique.

Votre exemple de la Horgne est-elle une uchronie ? En première lecture cela semble évident, c'est un récit et il n'est pas conforme à l'Histoire, vous n'avez retenu dans le champ des possibles, qu'un seul possible, mais le temps employé, le "conditionnel", se démarque lui de l'uchronie. Le choix du temps est pour moi important car l'emploi du conditionnel marque bien le caractère fictif, expérimental, théorique  de la description alors que l'uchronie se substitue à l'Histoire.

Est-il aussi utile historiquement ? Je pense que cette digression est utile, elle permet aux lecteurs de comprendre que l'issue (ou l'intensité) d'une bataille repose sur une intégration interarmes poussée.  

Cependant, ne pensez-vous pas que vous pouviez arriver exactement à la même conclusion, d'une manière plus efficace, sans passez par l'uchronie ? Du genre : "Notons que le Kampgruppe Krüger n'était pas au complet au départ de l’action le 15 mai au matin, il lui manquait son artillerie de 10,5 cm ; artillerie qui lui aurait sans doute permis de rendre rapidement intenable le village. La Horgne illustre une nouvelle fois, en creux cette fois, l'importance des combinaisons interarmes. Ou mieux encore, trouver un exemple de ville qui a été rapidement emporté par les Allemands du fait justement de la présence de l'artillerie (je pense à Doullens ou Albert). Bref faire de la comparaison à partir de faits réels plutôt que d'en faire une avec des faits hypothétiques.

Cordialement

Nicolas Aubin
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Nicolas Aubin
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 9:44

Bonjour Mr Delpa,

En l'occurence votre exemple, me semble plutôt un contre exemple à ne pas faire. Quelle est l'utilité  de cette digression sur un génocide des juif à Madagascar dont les britanniques auraient été complices ? En quoi cela éclaire-t-il l'importance de la venue de Chruchll aux affaires ? Tout juste embrouillez-vous le lecteur.

En outre elle s'éloigne tellement du Turning Point que l'essentiel des affirmations sont totalement contestables comme affirmer péremptoirement des futurs résultats électoraux.. Vous devriez proposer vos services aux instituts de sondage.

Bien loin d'illustrer votre propos, cette uchronie le discrédite totalement à mes yeux.

Cordialement
Nicolas Aubin
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 9:55

Merci Nicolas pour cette réponse argumentée ! Very Happy 

Pour tout vous dire, j'avais en vue de reprendre en le développant mon court récit "uchronique ou non" en le mettant au présent ! Votre remarque sur l'emploi du conditionnel vient donc renforcer mon idée et mon intention.

Je suis tout à fait d'accord sur ce que vous décrivez quant à l'emploi du conditionnel qui fait sortir de facto de l'uchronie pure et dure. Merci d'avoir soulevé cet aspect que je n'avais pas assez pris en compte dans mon "approche uchronique". J'insiste sur le mot "approche" car je ne cherche pas à me lancer dans un quelconque délire uchronique, mais à aider à la compréhension de choses assez complexes relatives au combat interarmes, voire interarmées.

Par contre, je ne vous suis pas dans cette voie de prise d'un exemple autre que celui de La Horgne pour faire comprendre les différences. Tout d'abord parce que le référentiel ne sera pas forcément connu du lecteur, ce qui impliquera au minimum une note conséquente en bas de page, sinon un développement dans le corps du texte. Pourquoi comparer "difficilement" à un nouveau cas de figure (du point de vue du lecteur), là où un récit imaginaire reprenant les mêmes protagonistes sur le même terrain, le même jour à la même heure... sera cent fois plus démonstratif, explicatif, pédagogique ? Voila pourquoi j'ai un petit faible pour mon "approche uchronique".

Cordialement,

Thierry Moné

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Louis Martel
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MessageSujet: Re: Quand l'uchronie devient désinformation   Quand l'uchronie devient désinformation - Page 7 EmptyDim 8 Déc 2013 - 9:58

Bonjour à tous
Bonjour Mr Moné

Quelque chose dans votre façon d'argumenter me donne l'impression que vous profitez pleinement de vos cours de méthodologie. Je me demande si je dois m'en réjouir Wink!
Je n'ai pas toujours eu le loisir d'examiner tous les points soulevés autant que je l'aurai voulu en raison de la richesse des interventions.

Avant de répondre sur votre "approche" uchronique je dois vous poser la question suivante :
Lorsque j'ai lu votre texte, mon impression fut que vous l'aviez écrit dans l'intention pour mettre en garde le lecteur contre l'idée que le caractère extraordinaire de la résistance de La Horgne était seulement du au courage, à l'habileté et l'abnégation de ses défenseurs mais que les erreurs allemandes avaient leur part et, qu'en conséquence, il ne fallait pas imaginer qu'une telle résistance aurait pu être reproduite en d'autres endroits. Mon impression est donc qu'avec ce texte vous vouliez mettre en évidence un fait historique, les erreurs allemandes, comme une des causes du "caractère exceptionnel du combat de cette journée". Là c'est ma lecture, mais c'est à vous de nous dire quel était votre objectif en écrivant votre texte? (Bref, j'ai compris correctement ou j'ai je rien compris?).


Cordialement
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